Alain et l'image du progrès ("La route en lacets qui monte [...]") - Explication de texte
Commentaire de texte : Alain et l'image du progrès ("La route en lacets qui monte [...]") - Explication de texte. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Maxime Le Cardinal • 29 Décembre 2021 • Commentaire de texte • 1 708 Mots (7 Pages) • 610 Vues
Explication de texte :[pic 1]
Extrait d’un texte d’Alain.
Le texte d’Alain que nous allons nous tenter d’expliquer, est au sujet du progrès. Ou plus exactement, de l’image que l’on se fait du progrès, et que l’auteur récuse. Il nous y expose en effet tout d’abord brièvement quelle est cette image, mais ne tarde pas à signifier son désaccord ; il nous explique ensuite la raison de ce désaccord, mais sans toutefois chercher à exprimer de contre-arguments. Il nous explique plutôt plus en détail cette image, ce qu’elle cache et sous-entend, et c’est cela qui constitue son argumentaire : il montre ainsi le côté peu crédible des idées qu’elle véhicule, ou en tout cas ce qui en fait le mauvais modèle. Enfin il cite deux exemples, Tolstoï et Pangloss, puis conclut d’une phrase en rappelant qu’il ne peut se résoudre à accepter cette représentation du progrès. Nous allons donc au travers de cette explication de texte, mettre en évidence ce qu’Alain veut nous montrer, c’est-à-dire l’image que l’on se fait actuellement du progrès, ce grand concept si poursuivi.
Alain entame son paragraphe en nous décrivant l’image contemporaine du progrès : « la route en lacets qui monte ». La route serait ici celle suivie par le progrès, elle représente son avancée, son cours, elle monte car le progrès est censé induire une amélioration (censé seulement car il peut être bien mal utilisé) ; cependant elle monte en lacets en non tout droit, parce que l’avancée du progrès n’est pas linéaire, il y a des temps morts où l’on stagne, des accélérations soudaines, cette route est sinueuse car le progrès doit être poursuivi, il ne suffit pas de commencer pour en voir déjà la fin. Cette image est celle que le progrès évoque sûrement à la plupart des gens, et pourrait même servir à le définir ; l’auteur nous dit pourtant qu’« elle ne lui semble pas bonne », bien qu’il convienne -assez ironiquement- que c’est une « belle image ». Car ce n’est pas tant l’image en elle-même qui est nécessairement fausse, que ce qu’elle sous-entend.
Après nous avoir succinctement exposé le sujet et la problématique de son paragraphe, Alain explique son positionnement en avançant la signification sous-jacente de cette image un peu simplifiée du progrès, à savoir : « cette route tracée d’avance et qui monte toujours ; cela veut dire que l'empire des sots et des violents nous pousse encore vers une plus grande perfection, […] et qu'en bref l'humanité marche à son destin par tous moyens, et souvent fouettée et humiliée, mais avançant toujours ». Ce qui pose problème à Alain, ce n’est pas tant la forme de la route, ni même le fait qu’elle monte, mais bien l’idée de continuité absolue que l’image induit. Il ne rejette pas la route déjà parcourue, ni l’image des lacets, mais le fait que cette route soit déjà représentée avant même d’avoir été parcourue. Cela signifierait en effet que le progrès est ‘‘écrit’’, qu’il va de soi « quelles que soient les apparences », comme le dit l’auteur qui parle même de « destin ». Il met en opposition l’omniprésence de la sottise et la violence humaines -qui n’est plus à démontrer- avec la « plus grande perfection », pour bien faire comprendre au lecteur l’absurdité de cette représentation continue du progrès.
Il ne veut pas dire non plus qu’elle ne doit pas monter, cette route, mais qu’il ne faut pas pour autant qu’elle monte « toujours ». Car cela signifierait que le progrès ne recule jamais, qu’il avance toujours vers son accomplissement « par tous moyens » et malgré tout ce que l’on pourrait traverser, toutes les crises possibles n’entravent pas sa course. Poursuivant dans son argumentation par l’absurde, Alain résume tout cela par « Le bon et le méchant, le sage et le fou poussent dans le même sens, qu'ils le veuillent ou non, qu'ils le sachent ou non ». Il continue ainsi les oppositions mais tout en les liant, paradoxalement : bon et méchant, sage et fou participent au même dessein, le progrès, indépendamment de leur volonté et pourquoi pas à leur insu, et de cette manière l’auteur achève de décrédibiliser la vision du progrès décrite au départ.
Effectivement c’est en dépit des apparences une image assez simpliste, idéalisée que nous avons là, qui place le progrès comme une force supérieure inexorable. Alain évoque même une influence divine pour expliquer cette inexorabilité : « Je reconnais ici le grand jeu des dieux supérieurs, qui font que tout serve leurs desseins ». Philosophiquement la question de l’existence et de la toute-puissance d’un dieu a toujours été assez sensible et discutée, et bien que nous n’ayons pas la position d’Alain sur le sujet nous pouvons cela dit avancer qu’il n’est pas enchanté à cette idée et même qu’il est en désaccord, il est d’ailleurs plutôt explicite : « Je n’aimerais point cette mécanique, si j'y croyais ». Assez discrètement c’est vrai, il le sous-entend déjà, ou se justifie, dans la phrase précédemment citée. Il ne semble pas croire pas à des dieux, et encore moins qui aient la capacité de faire en sorte « que tout serve leurs desseins » -ce qui à tout prendre n’est pas souhaitable à moins que l’on souhaite être utilisé en toute circonstance par ces êtres, si « supérieurs » soient-ils, et c’est sûrement pourquoi Alain « n’aimerait pas » cela. Or comme l’image d’un progrès continu et inévitable semble ainsi être du fait des dieux, et que l’auteur ne porte pas foi en l’existence de ces derniers, il récuse aussi cette image dans le même temps.
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