Est-il déraisonnable de croire en Dieu ?
Dissertation : Est-il déraisonnable de croire en Dieu ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Eloi Bertaud du Chazaud • 26 Décembre 2022 • Dissertation • 2 594 Mots (11 Pages) • 1 999 Vues
Est-il déraisonnable de croire en Dieu ?
Dans son tableau, L’incrédulité de Saint Thomas (1603), Le Caravage montre le saint plongeant ses doigts dans les plaies du Christ comme pour s’assurer qu’il peut croire en sa Résurrection. Mais qu’est-ce que croire ? Croire, c’est tenir pour vrai ce qu’on ne connaît pas, voire ce qui est inconnaissable, ce qui paraît déraisonnable. Alors, à l’image de saint Thomas, posons-nous nous aussi la question : Est-ce déraisonnable de croire en Dieu ? Peut-on affirmer sans preuve son existence ou devons-nous nous limiter à notre simple raison ? Afin d’y répondre, il serait intéressant d’étudier en premier lieu le caractère irrationnel de la foi en Dieu. En effet, cela semble contrarier notre rationalisme. Puis, nous comprendrons que croire en Dieu est finalement assez raisonnable ; mieux encore, nous aborderons l’aspect nécessaire du dépassement de notre intellect par la foi qui s’avère être utile pour répondre aux questions métaphysiques.
Tout d’abord, on peut distinguer avec Alain dans les Définitions (1953), la pure croyance qui est involontaire, de la foi qui est volontaire. Il est évident qu’il n’est pas raisonnable de croire en Dieu puisque la raison nous invite à ne tenir pour vrai que ce qu’on sait, c’est-à-dire ce pour quoi on a des preuves tangibles.
Premièrement, l’homme ne peut penser Dieu dans son ensemble, on ne peut démontrer l’existence de Dieu par la simple raison. Certains philosophes nous préviennent même qu’on ne peut prouver son inexistence. Ainsi, ce n’est pas une apologie athée mais bien un raisonnement agnostique que l’on emploie ici. En effet, pour l’agnostique, la raison ne peut atteindre un Dieu invisible, qui ne nous renvoie aucun signe, par la connaissance, ou essayer de justifier ce qu'on nomme une théodicée (discours de celui qui se fait l'avocat de Dieu pour excuser ou au moins essayer de donner des raisons à l'existence du mal). Mais cela ne signifie pas qu'on n'a pas accès à Dieu, cela signifie seulement que la raison n'est pas l'organe par lequel Dieu se révèle aux hommes. On affirme donc la séparation de la foi et de la raison. Dieu est un objet de pure foi sur lequel la raison n'a aucune prise. Ainsi, c’est dans cette logique que Bayle montre que l’homme ne peut penser la perfection divine et l’existence du mal sans contradiction. Si Dieu est parfait alors il est bon, omniscient et omnipotent. Or le mal ne peut s’expliquer que par l’absence d’un de ces trois caractères : ou bien il est mauvais, ou bien trop faible, ou bien encore ignorant des conséquences de ses actes. Or Dieu est parfait, donc cela montre que l’esprit humain n’est pas capable de penser correctement cet objet. Pour finir, il n’est donc pas raisonnable de croire en Dieu car la foi et la raison semblent antinomiques.
De plus, la pensée démonstrative que l’on déduit de notre raison ne peut conduire à Dieu. Une démonstration établit la nécessité de la relation entre la définition d'un objet et ses propriétés. Ainsi, si, par définition, un triangle a trois angles seulement, alors il a nécessairement trois côtés. Démontrer l'existence de Dieu reviendrait à établir la nécessité de la relation entre sa définition, la perfection, et une de ses propriétés, l’existence. Or Kant démontre que l'existence n'est pas une propriété comme les autres. Ce n'est pas une propriété que l'on peut déduire d'une définition. L'existence ne peut jamais être démontrée par la seule pensée. Pour le comprendre partons de l'exemple du triangle. Je n'ai pas besoin que le triangle existe pour connaître l'ensemble de ses propriétés, et s'il venait à exister, je n'en apprendrais pas davantage. Il n'y a aucune différence du point de vue de la pensée entre le triangle que j'imagine et le triangle existant. Je peux en déduire exactement les mêmes propriétés. La pensée démonstrative ne s'intéresse pas à l'existence de ses objets, elle se les donne. C'est pourquoi en mathématiques, on dit « Soit x », « Soit un triangle ABC », etc. Ce qui signifie que si x existe, alors on peut en déduire telle ou telle chose. Mais à aucun moment le mathématicien ne démontre l'existence de x. Seule l'expérience peut m'enseigner l'existence d'un objet. Il en va de même pour Dieu. Finalement, on ne peut démontrer Dieu, puisqu’une démonstration est inutile ; il semble irrationnel de croire en Dieu.
Enfin, dans une logique de compréhension du monde qui nous entoure, il est impossible de croire en Dieu, puisque la foi nous enfermerait dans nos croyances et nous empêcherait de prendre de la hauteur quant à l’existence. Tout d’abord, en élaborant des idéaux et une morale des plus dogmatiques, la religion instruit fortement les manichéismes de l’opinion commune et contribue à l’abstraction du monde et de l’expérience vécue. C’est dans cette dialectique que Nietzsche s’élève contre la mise en marge du sensible, de la chair et des pulsions. Dans son ouvrage L’Antéchrist (1895), il nous livre son analyse sur la religion chrétienne, mais nous pouvons généraliser cela à la croyance divine car seules les religions permettent d’entretenir un cadre propice à la foi. Enfin, croire peut relever d’une forme d’ignorance de sa propre ignorance, on croit savoir alors qu’on ne sait pas. C’est pourquoi il faut distinguer ce qu’on croit vrai, ce qui nous semble vrai subjectivement, de ce qu’on sait vrai objectivement. Ainsi, croire en Dieu peut se révéler restrictif puisque nous enfermer dans nos croyances nous empêche de rechercher le savoir et la vérité. On peut donc affirmer que croire en Dieu pourrait être déraisonnable.
Finalement, nous avons pu observer qu’il est impossible d’atteindre Dieu par la pensée et donc par la raison. Ainsi, on ne peut démontrer Dieu puisqu’il n’est pas un théorème. Enfin, croire en Dieu nous limite dans la connaissance des choses car on croit détenir la vérité. Il semble donc déraisonnable d'avoir foi en Dieu. Mais alors, les centaines de millions de croyants depuis des siècles n’auraient donc adhéré qu’à une vaste supercherie ou un système obscurantiste ? Il convient de mener une réflexion plus approfondie sur la raison qui pousse de nombreux d’entre nous à croire en Dieu.
Sans rentrer en contradiction avec nous même, il convient maintenant d’étudier le point de vue du croyant afin de découvrir que croire en Dieu est finalement assez raisonnable, même sans preuve tangible. D’ailleurs, Pascal nous dit que “Dieu ne se prouve pas il s’éprouve”.
En outre, il s’agira dans un premier temps de l’étude de la réflexion pascalienne lorsque l’auteur des Pensées (1669) nous conseille de croire en Dieu sur un coup de dés. En effet, la foi peut être perçu comme un pari sur le divin. Un pari dans lequel l’homme est susceptible de gagner l’ultime récompense de la vie et de la vérité éternelle et n’aurait rien à perdre sinon l’existence d’une vie misérable. L’immortalité de l’âme nous touche si profondément, nous importe tellement, qu’il faut avoir perdu tout sentiment pour être dans l’indifférence des question métaphysiques : Y a-t-il une vie après la mort ? Où vais-je ? Il faut ainsi commencer par nous mettre en face de notre propre mort. A l’inverse des directeurs de conscience comme Bossuet qui s’adressent aux croyants, la philosophie de Pascal se veut universelle. Le fait de soulever la probabilité qu’un jour on pourrait se retrouver face à Dieu, que Dieu existe peut-être, suffit pour qu’on pose le problème de savoir s'il existe ou non. Mais Pascal n’est pas du tout dogmatique en la matière, son pari s’inscrit même dans une logique profane, complètement rationnelle et pourtant il y a tout de même une bonne raison de croire en Dieu puisque l’on n’a rien à perdre. Mais comme nous le précise Francis Kaplan, Pascal refuse le déisme autant que l’athéisme, parce qu’une fois admis le déisme, comment démontrer une religion particulière ?
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