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Les sophistes

Fiche : Les sophistes. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  11 Mars 2022  •  Fiche  •  1 977 Mots (8 Pages)  •  556 Vues

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Un sophiste désigne à l'origine un orateur et un maître d'éloquence dans la Grèce antique. La figure du sophiste apparaît en particulier dans l'Athènes du Ve siècle avec la naissance d'une démocratie directe où chaque citoyen est appelé à s'exprimer en son nom propre. Dans ce contexte, il devient indispensable au citoyen de savoir parler et convaincre. Les sophistes, maîtres de rhétorique, sont alors très appréciés et font payer très cher leurs leçons aux citoyens les plus fortunés. Ainsi, les sophistes jouaient un rôle politique important dans la Cité (on sait par exemple que Protagoras fut conseiller de Périclès).

Pourtant le terme « sophiste » qui a originellement le sens de « savant » (sophistès signifie

« spécialiste du savoir ») prend vite une connotation péjorative et finit par désigner le possesseur d'un « faux savoir », c'est-à-dire le charlatan qui cherche à tromper son auditoire. Aristote, suivant en cela son maître Platon, dira que le sophiste est « celui qui a seulement l'apparence de la sagesse, et non la sagesse réelle »1. C'est ce sens péjoratif que retiendra la postérité quand elle nommera

« sophismes » les faux raisonnements dont on fait usage pour manipuler.

En réalité, cette disqualification de la pensée des sophistes est partiale et tient beaucoup à la critique sévère de Platon. Il serait trop simple de réduire les sophistes à de simples « beaux parleurs ». Il faut plutôt voir en eux des penseurs aux idées audacieuses.

Il n'y a pas à proprement parler de doctrine sophistique unique. Les sophistes ont chacun des personnalités et des idées très distinctes. Tous ont cependant en commun un intérêt pour la rhétorique et les moyens de persuasion par la parole. Deux grands sophistes ont particulièrement marqués l'histoire de la pensée : Protagoras et Gorgias.

Protagoras d'Abdère (né vers 490, mort vers 420 av J-C)

Protagoras est souvent considéré comme le père de la sophistique. Il est d'abord connu pour enseigner à ses élèves à produire des discours contradictoires sur un même objet : « à propos de toute chose, il y a deux discours opposés l'un à l'autre ». Protagoras soutient en effet que tout peut être interprété de manière contradictoire : les faits ne parlent pas d'eux-mêmes mais dépendent d'une parole qui les interprètes, ce que sont les faits dépend donc du discours et de l'opinion qu'on porte sur eux. Il est donc possible d'opposer sur toute choses des discours contradictoires comme cela se pratique couramment dans le cadre judiciaire entre la plaidoirie et l'accusation.

De cette opposition des discours (ou antilogie : du grec anti- « contre » et -logos « discours »)

1 Aristote, Réfutations Sophistiques, I, 165 a 21.

naît l'idée qu'il n'y a de « vérité » et de « réalité » que relativement à l'homme : « l'homme est, dit Protagoras, la mesure de toutes choses ». Par cette formule, Protagoras nie l'idée d'une vérité objective et absolue : ce qui est vrai n'est vrai que relativement à l'homme, c'est-à-dire, pour un homme. Les conséquences logiques de ce principe ne vont pas sans poser problème comme l'a bien montré Platon dans le Théétète. Si le vrai et le faux dépendent de l'homme, et que les hommes différent les uns des autres dans leurs opinions, il y aura alors autant de vérités que d'opinions contradictoires. Par exemple, si le vent est chaud pour moi et qu'il est froid pour toi, il faut admettre (conséquence absurde en apparence) que le vent est à la fois chaud et froid ! Platon montre ainsi que ce relativisme subjectif (= le vrai et le réel dépendent du sujet qui l'envisage) implique au fond que : « tout est vrai »2 et qu'ainsi tous les discours se valent et sont égaux.

Cette égalité des discours rejoint en partie l'idée démocratique d'égalité des citoyens dans la parole (iségoria). Or si, selon Protagoras, tous les discours se valent quant à la vérité (il n'y a pas de discours faux), il existe cependant des « discours forts » et des « discours faibles », c'est-à-dire des discours persuasifs et d'autres qui ne le sont pas. Plutôt que de conduire à un relativisme absurde (du type « tout se vaut »), la théorie de l'homme-mesure signifie surtout que c'est toujours aux hommes qu'ils revient de déterminer sur chaque chose ce qui est « juste » de ce qui est « injuste ». Ainsi, dans un tribunal, c'est bien l'accord des jurés qui rend juste le verdict. Ce qui fait donc la valeur du discours n'est ni sa « vérité » ou sa « fausseté », mais le fait d'être défendu par les hommes : c'est donc l'accord des hommes (par la parole) qui est la mesure de toutes choses.

La tâche de l'orateur, c'est alors de ranger les autres avis au sien par un discours convainquant capable de « rendre fort le discours le plus faible ».

Gorgias de Léontinoi (né vers 480, mort vers 375 av. J.-C.)

Disciple d'Empédocle et contemporain de Socrate, Gorgias était extraordinairement célèbre et écouté dans l'antiquité (à tel point qu'on lui érigea une statue en or massif à Delphes). Gorgias est connu pour son style et son éloquence à tel point qu'on inventa le verbe « gorgianiser » afin de désigner le fait de « parler à la manière de Gorgias ».

A l'inverse de Protagoras qui soutient qu'il n'y a pas en soi de discours faux, Gorgias défend qu' il n'y a pas de discours vrai. Cette idée semble une conséquence du « nihilisme ontologique » (c'est- à-dire, de l'idée que la réalité n'existe pas) défendu par Gorgias dans un traité Sur le non-être (dont on trouve un résumé dans le Contre les Professeurs de Sextus Empiricus).

2 Or, si tout est vrai, la négation de la formule de Protagoras doit l'être aussi :

« Il en résulte en outre quelque chose de tout a fait plaisant, c’est que Protagoras reconnaît que, lorsque ses contradicteurs jugent de sa propre opinion et croient qu’il est dans l’erreur, leur opinion est vraie, puisqu’il reconnaît qu’on ne peut avoir que des opinions vraies. Il avoue donc que son opinion est fausse s’il reconnaît pour vraie l’opinion de ceux qui

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