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Bien vivre, c’est faire son devoir !

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Par   •  6 Novembre 2018  •  Cours  •  5 309 Mots (22 Pages)  •  595 Vues

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B/Bien vivre, c’est faire son devoir !

(notion le devoir dans la morale kantienne)

  1. Une morale du devoir

1°) pourquoi fonder la morale sur le devoir et non sur la recherche du bonheur ?

On se rappelle que le mot « morale » renvoie étymologiquement aux mœurs, c’est-à-dire aux us et coutumes en vigueur dans un groupe donné ( en latin mores, en grec ethos) ; or, on ne peut pas réduire la morale aux mœurs sans détruire la morale : a) les mœurs varient selon le temps et le lieu, on ne peut donc en tirer aucune règle universelle et nécessaire qui puisse obliger tous les hommes b) suivre les mœurs, c’est agir sous la pression du groupe, et non s’imposer librement une action parce que je la juge bonne ; le conformisme moral n’est pas suffisant à la moralité. En conséquence, la philosophie a raison de définir la morale comme doctrine des fins de l’action humaine : quel but doit viser l’existence humaine ? Qu’est-ce bien vivre alors, c’est-à-dire vivre conformément au Bien ?

La difficulté tient à la définition du Bien, comme norme morale universelle : si chez Platon l’Idée du Bien est la plus éminente dans le ciel intelligible, force est de constater que la conception du Bien varie selon les hommes : aussi les philosophes de l’Antiquité ont-ils fait du bonheur le Souverain Bien, parce qu’elle constitue une fin universelle et nécessaire, qui ne peut être un moyen en vue d’autre chose (donc une fin en soi). Mais la modernité va rompre le lien entre moralité et bonheur, déjà entamé par le christianisme pour lequel le péché originel suspend  le bonheur  dans l’au-delà à la seule grâce de Dieu (voir Pascal): en quoi la recherche du bonheur serait-elle morale, puisque nous y sommes inclinés par la nature, quel mérite y a-t-il à suivre une inclination naturelle ? Kant va ainsi souligner l’hétérogéneïté entre morale et bonheur : la recherche du bonheur ne peut fournir aucune règle d’action qui puisse valoir en toutes circonstances, parce que les circonstances dont dépend mon bonheur sont particulières, variables, contingentes ; il est impossible de déterminer à l’avance ce qu’elles seront, car cela supposerait la connaissance de tous les effets dans le monde. En conséquence, les conceptions du bonheur varient autant que les doctrines qui prétendent nous y conduire. Où trouver ainsi un fondement moral universel et nécessaire ? La réponse de Kant est radicale : dans l’idée du devoir, parce que le devoir se donne comme un impératif valant pour tous, quelles que soient les circonstances. Ce dont la bonté varie selon les circonstances ou les conséquences de l’action ne peut pas fournir une règle d’obligation, on ne peut rien tirer de qui serait bon à l’instant t et mauvais à l’instant y ; qu’est-ce qui est alors absolument bon ? « la bonne volonté » comme le montre Kant dans Les Fondements de la métaphysique des mœurs. Qu’est-ce qui la rend bonne : la volonté d’agir par devoir. Expliquons un peu :

a)Qu’est-ce que le devoir ? pour le sens commun, le devoir est assimilé à la contrainte : faire ce que je dois, c’est exécuter un ordre que je ne choisis pas, auquel je me soumets, dont la source est extérieure à moi ; or, une analyse plus rigoureuse permet de montrer que le devoir n’est ni un produit de la contrainte contraire à ma liberté, ni une règle imposée par un autre que moi dès lors qu’on se place sur le plan moral. Car le devoir est d’abord ce que je m’impose à moi-même, au nom même de légitimité que je reconnais à mon action, quand bien même elle coïnciderait avec un impératif social ou religieux; et s’il apparaît comme un impératif transcendant à ma volonté, c’est parce qu’il renvoie à la grandeur de mon être raisonnable, comme être moral irréductible à l’ordre de la nature, capable de s’obliger lui-même au nom même de ce qu’il doit (ce que Kant nomme autonomie –voir plus loin-)

Devoir

nécessité

contrainte

obligation

Ordre de la nature (nécessité vitale, ou plus largement enchaînement des causes et des effets dans le monde sensible

Produit de la force exercée sur moi ; la force ne fonde aucun devoir d’obéissance

Devoir moral : j’ai le choix de désobéir, il n’y a d’obligation que pour être capable de désobéir

Devoirs juridiques (contre-partie du droit)

N’oblige qu’un être libre, susceptible de désobéir

Je n’ai pas le choix

Je n’ai pas le choix (sauf de préférer la mort à la soumission)

Mon devoir (impératif moral en tant qu’il se donne à tout être humain

Devoirs multiples variant selon le temps, le lieu, la fonction sociale

Législation interne (droit moral)

Législation

Externe (droit positif)

Loi de la nature non instituée

Etablit un rapport de soumission réversible

Repose sur l’intention du sujet : faire son devoir implique la volonté d’agir moralement

Exige seulement la conformité extérieure de mon action à la loi, indépendamment même des raisons qui me poussent à agir

Ordre naturel qui s’impose à tout vivant

Rapport de forces

Culpabilité (tribunal intérieur de la conscience)

Tribunal extérieur : punition établie par le droit

La nature ignore le bien et le mal

la force ne fonde aucun devoir moral d’obéissance

Plusieurs questions méritent toutefois d’être soulevées :

Si le devoir est une obligation et non une contrainte, comment expliquer qu’il m’apparaisse comme une contrainte ? si ce n’est pas moi qui est contraint par une force extérieure, c’est donc qu’en faisant mon devoir, ce sont mes désirs les plus immédiats qui sont contraints, réprimés au nom de l’obligation que je me donne

Si tout devoir est bien ce que je m’impose librement, quelle est son origine et quel est son fondement ?  (repère programme). S’interroger sur l’origine du devoir, c’est s’interroger aussi bien sur l’origine de la conscience morale : est-elle un produit de l’éducation ou relève-t-elle d’une faculté innée commune à tous les hommes ? il est clair que la conscience morale n’existe que chez l’homme mais ce que nous tenons pour un devoir ne varie-t-il pas suivant l’éducation reçue ? c’est pourquoi il importe de questionner ce qui fonde le devoir pour déterminer ce qui le rend possible en tout homme : dans les morales traditionnelles, le devoir a un fondement religieux ; mais dès lors qu’on interroge l’existence de Dieu, la morale semble privée de tout fondement absolu et universel, et il ne semble plus rester que le constat de la relativité des mœurs et de la variabilité des obligations morale : or, si le devoir définit ce qui doit être il ne peut tirer son origine et son fondement dans ce qui est, parce que tout ce qui est donné dans l’expérience est particulier et contingent, tandis que le devoir se donne sous la forme d’un impératif prétendant à l’universalité et à la nécessité :  il ne peut donc pas dériver de la société ou de l’éducation ou même d’un quelconque sentiment moral inné, mais de la faculté qu’à l’homme, en tant qu’être raisonnable, de s’obliger lui-même et d’agir parce qu’il le doit.

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