La responsabilité pour faute
Commentaire d'arrêt : La responsabilité pour faute. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Chloé Lavigne • 30 Septembre 2021 • Commentaire d'arrêt • 2 977 Mots (12 Pages) • 852 Vues
Comme indiqué dans le rapport du Conseil d’Etat intitulé « responsabilité et socialisation du risque » en 2005, si « la faute lourde a reculé, elle n’a pas vocation a disparaitre ». En effet, l’évolution du droit de la responsabilité administrative au cours de ces dernières années, a révélé, malgré de successives consécrations et affirmation de la faute simple, un maintien nécessaire de la faute lourde dans certains services publics de l’administration difficiles à mette en oeuvre, comme celui de la police. L’arrêt du Conseil d’Etat du 18 juillet 2018 relative à l’affaire Merah a consacré cette exigence en matière de prévention du terrorisme des services de renseignement.
En l’espèce, M.X, caporal-chef affecté au 17ème régiment du génie parachutiste a été assassiné à Montauban lorsqu’il se trouvait en service de surveillance de M.K..G, assassiné par ce dernier. Ses parents, son épouse et d’autres membres de sa famille ont donc assignés l’Etat à une demande d’indemnisation préalable ainsi que le Fonds de garantie des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) qui demande remboursement des sommes versées aux proches de la victime.
Le tribunal administratif de Nîmes, saisi d’un recours de plein contentieux par la famille de la victime et le FGTI, a, par un jugement du 12 juillet 2016, rejeté la demande de ces derniers qui demandaient la réparation de leur préjudice subi du fait de la perte de chance de survie de la victime mais à tout de même condamné l’Etat à verser à Mme N.H, épouse O, la somme de 20 000€, à Mme B, la somme de 21 836,27€, à M. E.H, la somme de 2 000€ et enfin au FGTI la somme de 5 000€. Le ministre de l’intérieur a donc saisi la Cour d’administrative d’appel de Marseille qui a rendu un arrêt le 4 avril 2017 et a annulé le jugement. La famille a donc formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat.
La Cour administrative d’appel de Marseille, saisie par le Ministre de l’intérieur, a rejeté la demande de la famille et annulé la jugement du tribunal administratif au motif que seule une faute lourde était de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard des victimes d'acte de terrorisme à raison des carences des services de renseignement dans la surveillance d'un individu ou d'un groupe d’individus. De son côté, la famille se défend en estimant que les défaillances des services de renseignement dans la surveillance de Mohamed G. et notamment l'abandon de cette surveillance quelques semaines avant son passage а l'acte ont fait perdre une chance d'éviter l’assassinat.
La responsabilité de l’Etat dans l’assassinat d’un militaire peut-elle être engagée sur le fondement de la faute lourde pour manque de surveillance d’un individu ?
Le CE, dans son arrêt rendu le 18 juillet 2018, a rejeté le pourvoi formé par la famille au motif que la Cour administrative d’appel n’avait pas commis d’erreur de droit et avait suffisamment motivé son arrêt en estimant que « seule une faute lourde était de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard des victimes d'acte de terrorisme à raison des carences des services de renseignement dans la surveillance d'un individu ou d'un groupe d’individus ».
En ce sens, il est convenable d’étudier dans un premier temps la défaillance de surveillance par les services de renseignement qui ne permet pas d’engager la responsabilité de l’Etat (I), puis dans un second temps, on étudiera l’exigence de la faute lourde qui est désavantageuse pour les victimes est qui tend à une remise en question (II).
I. Une défaillance de surveillance par les services de renseignement ne permettant pas l’engagement de la responsabilité de l’Etat
Depuis l’admission de l’engagement de la responsabilité de l’Etat, on tend vers l’apparition progressive de la faute simple au détriment de la faute lourde (A) à l’exception de certains domaines, notamment celui de la prévention où la responsabilité de l’Etat peut se voir engagée seulement sur le fondement de la faute lourde (B).
A. l’existence d’une évolution de la faute simple au détriment de la faute lourde
Depuis la jurisprudence Blanco du Tribunal des conflits de 1873, la responsabilité de l’Etat peut être engagée lorsque l’administration commet une faute. Cependant, cette responsabilité n’est ni générale, ni absolue. De plus, le droit général ne s’appliquera pas. En ce sens, la jurisprudence administrative se partage en plusieurs systèmes de responsabilité. En effet, dans un premier temps on y trouve la responsabilité sans faute où le Conseil d’Etat est de plus en plus favorable aux victimes en admettant des cas de responsabilité sans faute, c’est-à-dire des cas fondés sur le risque que fait courir une activité prise par l’administration aux citoyens. Le deuxième système de responsabilité existant est la responsabilité pour faute qui est le régime le plus restrictif, notamment pour les victimes. Il se divise lui même en responsabilité pour faute simple ou en responsabilité pour faute lourde de l’administration. Dans l’évolution de la jurisprudence administrative, le principe reconnu est que la faute simple suffit a être qualifiée pour que la responsabilité de l’autorité administrative soit engagée, notamment en matière de police administrative où le Conseil d’Etat va reconnaitre pour la première fois la responsabilité du service public dans sa décision de 1905, Tomaso Grecco (CE, 1905, Tomaso Grecco). De ce fait, le Conseil d’Etat va reconnaitre la responsabilité de l’Etat dans plusieurs autres domaines. On trouve ce principe dans le domaine médical dans une décision du Conseil d’Etat réunis en Assemblée en 1992, Epoux V, dans les opérations juridique (CE, 1973, Driancourt), dans l’exercice du pouvoir de police du maire (CE, 2007, Ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire contre Alfonsi) ou encore dans le domaine de la police phytosanitaire (CE, 2008, Ministre de l’agriculture et de la pêche c/ Sté Durance Crau).
Dans le cas d’espèce, le Conseil d’Etat doit juger de la responsabilité de l’Etat en matière d’attentats. En effet, l’Etat doit aux citoyens la protection. Sa responsabilité peut donc être engagée si une faute lourde a été commise. Cependant, il faut que le Conseil d’Etat admette, dans un premier temps l’existence d’une faute de service commise par une administration puis enfin qualifie la gravité de cette faute. Dans le cas d’espèce de la décision du 18 juillet 2018, le Conseil d’Etat cherche d’abord
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