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Commentaire de l'arrêt Caquelard du 13 février 1834.

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Par   •  19 Février 2018  •  Commentaire d'arrêt  •  2 837 Mots (12 Pages)  •  16 403 Vues

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DROIT DES BIENS

LES DISTINCTIONS DES BIENS (1/2)

STEVEN MABICKA


                                                                                        10/10/2017

Commentaire de l’arrêt Cass. Req. 13 février 1834, DP 31.I.218, S.34.I.205, Caquelard

Carbonnier disait «  La possibilité de créer de nouveaux droits réels est contre révolutionnaire ». Cependant, on constate qu’au fil des siècles, il y a une volonté de rupture de cette pensée. Ce fut notamment le cas dans l’arrêt de la chambre des requêtes de la Cour de cassation du 13 février 1834 dit Caquelard.

La cour d’appel pour rejeter la demande évoque comme motifs, d’abord, Caquelard et Lemoine ont  un droit de copropriété sur la berge ou chaussée dont il s’agit. Ensuite, la nature et les limites respectives de ce droit, d’après les faits et les circonstances particulières de la cause, et notamment l’origine commune des deux usines, la possession réciproque, l’intérêt commun à la conservation de la berge, la charge de l’entrepreneur, et l’appréciation de certains actes. Enfin, le même concours de propriétaires et les limites respectives de leurs droits.

Un pourvoi en cassation est formé par le demandeur (Caquelard) selon le premier moyen qu’il y a violation des articles 544, 546, 552 et 691 du Code civil et 607 de la Coutume de Normandie.

Est-il nécessairement contraire à la pensée (des rédacteurs) du Code civil de permettre la création de nouveaux droits réels ?

La Cour de cassation motive sa réponse selon que les articles 691 du Code civil et 607 de la Coutume de Normandie sont écartés d’application ; que les articles 544, 546 et 552 du Code civil sont déclaratifs du droit commun relativement à la nature et aux effets de la propriété, mais ne sont pas prohibitifs ; et enfin, que ni ces articles, ni aucune autre loi, n’excluent les diverses modifications et décompositions dont le droit ordinaire de propriété est susceptible.

Elle rejette le pourvoi.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation remet en cause la théorie du numerus clausus en admettant la possible création des droits réels nouveaux (I) qui a fait l’objet de vive discussion, avant d’obtenir une consécration quelques décennies plus tard (II).

  1. La remise en cause du numerus clausus de Charles Demolombe

La remise en cause du numerus clausus développée par Charles Demolombe s’apprécie par une interprétation large des articles déclaratifs de droit commun (A), indiquant la possibilité de créer de nouveaux droits réels (B).

  1. L’interprétation large des articles déclaratifs de droit commun

Cet arrêt évoque le caractère non prohibitif des articles déclaratifs du Code civil.

Il n'est pas nécessairement contraire à la pensée des rédacteurs du Code civil de créer de nouveaux droits réels. Les rédacteurs du Code civil ne veulent pas que le contrat réveille la féodalité. Ils ne veulent pas qu'on puisse créer des droits réels nouveaux perpétuels, ou qu'on puisse éclater perpétuellement la propriété de sorte qu'elle ne pourrait pas se reconstituer. Le législateur n'a pas voulu qu'on restitue l'asservissement de la personne : si on crée des droits réels qui ne font pas de quelqu'un un vassal, ce droit réel nouveau pourrait être toléré. En l’espèce,  Caquelard considère qu’il est asservi alors que la Cour d’appel  n’est pas de cet avis, ce qui est confirmé par la Cour de cassation qui, en tant que juge de droit, s’est tenu aux conventions de copropriété et des limites de droits établies par celles-ci.

L'article 544 du Code civil indique que le propriétaire a le droit de jouir et de disposer de la chose de la manière la plus absolue. La Cour de cassation dans l'arrêt Caquelard du 13 février 1834 énonce que le Code civil est déclaratif du droit commun relativement à la propriété, mais n'est pas prohibitif, aucune « loi n'exclut les diverses modifications et décompositions dont le droit ordinaire de propriété est susceptible ». Cet arrêt est venu condamner l'idée que les droits réels sont en nombre limité. Bien au contraire, cet arrêt  est une invitation à identifier des dissociations de la propriété en droit privé.

L’existence de droits réels innommés est donc discutée. En l’espèce Caquelard soutenait la thèse selon laquelle il n’existait pas de droits réels en dehors de ceux expressément prévus par le Code civil à l’article 543 du Code civil. Ce texte est-il limitatif ? Les auteurs du XIX, dont Demolombe soutenait que cette liste était limitative (droit propriété, de jouissance, services fonciers). Les auteurs considèrent qu’à la lecture de ce texte, on est en présence d’une liste limitative. Ensuite, les lois postérieures au Code civil ont créé de nouveaux droits réels. Exemple : Bail emphytéotique, loi de 1902, qui confère un droit réel.

La multiplicité des droits réels sur une chose empêchait l’exercice du droit de propriété. Ces droits réels vidaient le droit de propriété de sa substance. Voilà pourquoi les codificateurs vont limiter les droits réels, tout en proclamant à l’article 544 du Code civil, le caractère absolu du droit de propriété.

Carbonnier disait «  La possibilité de créer de nouveaux droits réels est contre révolutionnaire ». Les révolutionnaires ont voulu rompre avec la pratique d’Ancien Régime qui était celle des droits féodaux qui permettaient d’entraver le droit de propriété par la constitution d’une multitude de droits réels. En effet, la multitude de droits réels sur une chose vide le droit de propriété de sa substance. Ce qui avait pour conséquence d’empêcher la circulation des biens.

  1. Possibilité de création de nouveaux droits réels

La Théorie de Charles Demolombe fait l’objet d’une critique. D'après Demolombe, le principe serait celui d'un numerus clausus des droits réels principaux. Pour lui, la loi qui détermine et organise le statut des droits réels serait fondamentalement impérative. D'après lui, c'est le législateur qui doit déterminer quels sont les droits que les Hommes peuvent avoir sur les biens. Le statut des biens serait un statut d'ordre public. Pour lui, l'énumération des droits réels est fermée et limitée : les parties ne peuvent pas créer de nouveaux droits réels car sa conception d'un numerus clausus s'explique par une préoccupation des rédacteurs du Code civil que l'on retrouvera : celle d'éviter la résurgence de la féodalité. Or, la féodalité se traduisait au plan du droit des biens par la juxtaposition du domaine éminent, conservé au souverain, et un domaine utile, concédé à l'exploitant. Dans l'Ancien Régime et dans le système féodal, on n'était jamais plein propriétaire du bien car le seigneur exerçait une emprise sur la propriété. Les rédacteurs du Code civil ont voulu consacrer l'unité de la propriété. La propriété ne pouvait qu'être utile et pouvait subir des droits réels qui venaient grignoter la propriété de l'intéressé. Dans cette perspective, Demolombe et la doctrine majoritaire considèrent que seul le législateur peut créer des droits réels.

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