Commentaire d’arrêt Civ. 3e , 2 mars 2017, 16-10,600, Inédit
Commentaire d'arrêt : Commentaire d’arrêt Civ. 3e , 2 mars 2017, 16-10,600, Inédit . Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Lae Durand • 27 Novembre 2022 • Commentaire d'arrêt • 2 258 Mots (10 Pages) • 370 Vues
Commentaire d’arrêt : Civ. 3e , 2 mars 2017, 16-10,600, Inédit :
ACCROCHE : deux possibilités (alternatives) seront présentées ici afin d’illustrer ce qui est
attendu pour une accroche
1 – « Liberté, égalité, responsabilité », tels pourraient se résumer les droits et obligations attachés aux parties d’un contrat selon Denis MAZEAUD. Parce qu’elles contractent en toute liberté et sur un pied d’égalité les parties s’avèrent être les meilleures juges de leurs propres intérêts sans que les juges judiciaires n’aient en principe à intervenir. En sanctionnant l’interprétation des juges du fond, l’arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 2 mars 2017 n°16-10.600 s’inscrit dans ce courant de pensée.
2 – En 2017 la France compte 39,9 % de locataires selon l’INSEE. La répartition propriétaires/locataires s’est stabilisée depuis les 10 dernières années : sur 10 personnes en France, environ 6 sont propriétaires et 4 sont locataires. Les rapports entre bailleur et preneur est source de contentieux. L’arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 2 mars 2017 n°16-10.600 s’inscrit dans le contentieux de l’exécution des baux d’habitation.
FAITS
Des propriétaires bailleurs ont délivré un congé pour vendre à leurs preneurs, le prix de vente s’élevait à 320 000 euros. Les preneurs ont formé une offre d’acquisition au prix de 305 000 euros. Cette offre était acceptée par les bailleurs. Le 27 juillet 2010 un compromis de vente était régularisé, la vente était réitérée selon acte authentique du 25 février 2011. Le 26 décembre 2012 les bailleurs-vendeurs ont assigné leurs preneurs-acquéreurs aux fins de paiement de 11 582,39 euros au titre de la révision des loyers sur la période de janvier 2008 à février 2011 en application de la clause d’indexation du loyer stipulée dans le bail.
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La Cour d'appel de Versailles dans un arrêt du 27 octobre 2015 a débouté les bailleurs-vendeurs de leurs demandes. Pour la Cour, la demande aux fins d’indexation du loyer ne pouvait intervenir postérieurement à la résiliation du contrat de bail. Par ailleurs la Cour d’appel estime que cette demande, qui correspondait peu ou prou au montant de la négociation dans le cadre de la vente, constituait un prétexte pour remettre en cause la réduction du prix librement acceptée lors de la négociation. Les bailleurs-vendeurs ont formé un pouvoir en cassation aux fins de cassation et d’annulation de l’arrêt précité. Dans un arrêt du 2 mars 2017 la troisième chambre civile de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d'appel au visa de l’article 1134 du Code civil dans sa version antérieure au 1er octobre 2016, ensemble l’article 17 d) de la loi du 6 juillet 1989.
INTÉRÊT DE L’ARRÊT
La Cour de cassation rappelle une nouvelle fois la primauté du principe de force obligatoire du contrat et ses incidences. Elle sanctionne la Cour d’appel de Versailles d’avoir débouté les bailleurs-vendeurs de leurs demandes aux fins de paiement des sommes découlant de l’exécution d’une clause d’indexation des loyers valablement stipulée.
PROBLÈME DE DROIT
La Cour de cassation a dû répondre à la question suivante : La résiliation du bail et la vente du bien loué au preneur empêchent-elles la condamnation du preneur-acquéreur au titre de l’indexation du loyer pour une période antérieure non prescrite ?
SOLUTION DE DROIT
Au visa des articles 1134 du Code civil (dans sa version antérieure au 1er octobre 2016) et 17 d) de la loi du 6 juillet 1989 (dans sa version antérieure à celle issue de la loi du 24 mars 2014) la Cour de cassation a jugé que le juge devait respecter les contrats tels que convenus par les parties. Tant que le délai de prescription quinquennale, applicable en l’espèce, n’est pas écoulé le vendeur-bailleur peut toujours solliciter la mise en œuvre de la clause d’indexation stipulée dans le contrat de bail et réclamer le paiement des sommes dues.
ANNONCE DE PLAN
En application du principe de force obligatoire des contrats, le juge est lié par les stipulations contractuelles (I), dont il doit garantir l’exécution (II).
I – LE JUGE LIE PAR LES STIPULATIONS CONTRACTUELLES
(Annonce de plan) En l’absence de stipulation contraire le juge ne peut revenir sur l’indépendance des contrats (A) il ne peut également pas dénaturer une clause valablement consentie (B).
A – L’indépendance des contrats en l’absence de stipulation contraire
QUOI ? La Cour de cassation confirme l’indépendance des conventions en l’absence de stipulation contraire.
COMMENT ? En sanctionnant le raisonnement adopté par la Cour d’appel la Cour de cassation confirme implicitement cette indépendance des conventions. Il importe peu que le montant de l’indexation du loyer représente peu ou prou le montant de la réduction du prix accepté lors de la négociation du prix de vente. Pour la Cour de cassation l’absence de stipulation contractuelle démontre que les parties n’ont pas remis en cause la clause d’indexation du bail : si les parties avaient souhaité renoncer à l’exécution de la clause d’indexation du loyer et convenir également d’une réduction du prix vente elles l’auraient stipulé dans l’acte de vente. Le juge ne peut d’autorité créer un lien de dépendance entre des conventions distinctes.
POURQUOI ? / APPRÉCIATION La Cour d'appel de Versailles adoptait un raisonnement différent selon lequel la mise en œuvre de la clause d’indexation du loyer stipulé dans le bail constitue un prétexte pour revenir sur une réduction de prix librement négociée par les parties. La Cour d’appel se place sur le terrain de la bonne foi dont les parties doivent faire preuve dans l’exécution des conventions. Elle estime ainsi que l’exécution de la clause d’indexation du loyer postérieurement à la résiliation du bail, à la négociation d’une réduction du prix de vente, la signature du compromis de vente et à la réitération de la vente par acte authentique est de mauvaise foi. Ainsi le raisonnement de la Cour ne s’appuie pas uniquement sur la validité de la clause d’indexation et celle de sa mise en œuvre mais se place au regard des deux contrats liant les parties. Or, le bail et la vente constituent deux conventions distinctes et totalement indépendantes l’une de l’autre en l’absence de stipulation contraire. Le seul fait que les mêmes parties aient conclu deux conventions n’entraîne pas automatiquement l’interdépendance des conventions. Dans l’hypothèse où les preneurs n’auraient pas acheté le bien loué, ou n’auraient pas négocié une réduction du prix, le raisonnement de la Cour d’appel de Versailles démontre ses limites. Dès lors, la solution de la Cour de cassation est parfaitement logique au regard du principe de force obligatoire des conventions.
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