Commentaire d'arrêt Nicolo (20 octobre 1989)
Dissertation : Commentaire d'arrêt Nicolo (20 octobre 1989). Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar J-Tenshi • 18 Novembre 2015 • Dissertation • 1 527 Mots (7 Pages) • 4 821 Vues
- Commentaire d’arrêt : C.E. Ass., 20 octobre 1989, Nicolo
‘’Les traités régulièrement introduits dans l’ordre juridique français priment les lois contraires quels que soient leurs rapports chronologiques respectifs et les juges, unanimes, veilleront à ce que cette primauté ne demeure pas sans sanction.’’ C’est de manière simple que l’auteur Patrick Rambaud résume la portée de l’arrêt Nicolo rendu par le Conseil d’Etat, réuni en Assemblée, le 20 octobre 1989.
En l’espèce, l’élection des représentants au Parlement européen en 1989 avait requis la participation de tous les citoyens français, y compris ceux des départements et territoires d’outre-mer (DOM-TOM).
De ce fait, M. Nicolo déposa un recours auprès du Conseil d’État, tendant à l’annulation de ces opérations électorales, en raison de la participation des citoyens français des DOM-TOM. Cette requête se fondait sur les moyens, d’une part, que les DOM-TOM n’appartenaient pas au ‘’territoire de la République’’ au sens de la loi du 7 juillet 1977 et du traité de Rome du 25 mars 1957, et d’autre part, que par conséquent, leur participation ‘’viciait ladite élection’’.
Face à ces prétentions, le Conseil d’Etat s’est alors demandé s’il était compétent pour se prononcer sur la compatibilité d'une loi interne postérieure à un traité, ce qui engendrerait donc un contrôle de conventionalité de la loi sur le fondement de l'article 55 de la Constitution de 1958.
Le Conseil d’État rejeta la requête de M. Nicolo en démontrant que non seulement l’appartenance des DOM-TOM à la République française est présente dans loi du 7 juillet 1977, mais que cette appartenance a aussi une valeur constitutionnelle, puisqu’elle apparaît dans les articles 2 et 72 de la Constitution de 1958. Ainsi, aux termes de l’article 227-1 du traité de Rome instituant la Communauté économique, le Conseil d’Etat a alors conclu que la participation des DOM-TOM n’altérait en aucun cas l’élection des représentants au Parlement européen.
Par cet arrêt, le Conseil d'État a accepté de contrôler la compatibilité d'une loi avec les stipulations d'un traité, même lorsque la loi est postérieure à l'acte international en cause, en application de l'article 55 de la Constitution, abandonnant ainsi la théorie de la loi-écran.
Dans l’arrêt d’espèce, le Conseil d'État a pleinement reconnu la supériorité du droit international sur le droit national. Il opta pour l’innovation et consentit à un revirement de jurisprudence pressentit et nécessaire dans ‘’l’histoire tourmentée des relations entre le traité et la loi en droit français’’ (La reconnaissance par le Conseil d’Etat dans la supériorité des traités sur les lois, Rambaud) (I). Cependant, et bien qu’il ait été une source d’évolution jurisprudentielle majeure, l’arrêt Nicolo fût discret et prudent (II).
- Un revirement de jurisprudence nécessaire dans l’histoire des relations entre les traités et la loi
Les divergences entre les dispositions de l’article 55 de la Constitution de 1958 (A) et la jurisprudence du Conseil d’État (B) nécessitaient un revirement de jurisprudence.
- L’article 55 de la Constitution ou la primauté des ‘‘traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés’’ sur les lois
La règle selon laquelle le ‘‘droit communautaire prévaut sur l’ensemble des normes de droit interne, y compris constitutionnelles’’, résulte de l’arrêt Costa contre Enel de 1964.
En France, la supériorité des traités sur les lois relève d’une tradition jurisprudentielle, puisqu’elle contribue déjà à la décision du Conseil d’État dans l’arrêt Abdoulhoussen de 1936. Les traités constituèrent longtemps une légalité internationale indépendante de la légalité nationale, obligeant l’État français à l’égard des États étrangers, mais ne l’obligeant pas directement à l’égard de ses propres ressortissants. C’est en parti pour cette raison que la supériorité du droit communautaire a été introduite dans l’article 26 de la Constitution de 1946 qui donna ‘‘force de loi’’ aux traités. Aujourd’hui, l’article 55 de la Constitution de 1958 donne une ‘‘autorité supérieure’’ aux traités.
L’application de ce principe était sans ambiguïté lorsque la loi était antérieure au traité (CE, 15 mars 1972, Dame veuve Sadok Ali). Le juge respectant l’article 55 écartait la loi et appliquait le traité. Mais l’application était plus délicate lorsqu’une loi postérieure revêtait des termes conciliables avec les traités (CE, 19 novembre 1986, Société SMANOR). En revanche, un problème inéluctable se posait lorsque la loi était à la fois postérieure et incompatible avec le traité.
Du point du vue jurisprudentiel, antérieurement à l'arrêt Nicolo, le Conseil d'État ne s'estimait pas habilité à écarter l'application d'une loi, même contraire à un traité.
- La jurisprudence du Conseil d’Etat ou la primauté des lois internes postérieures sur les traités internationaux
Jusqu’en 1989, le Conseil d’État refusait de faire prévaloir un traité international incompatible avec une loi qui lui était postérieure afin de ‘‘respecter le principe suivant lequel il n’appartient pas au juge administratif d’exercer un contrôle sur la validité des lois’’ (conclusions du commissaire du gouvernement de l’arrêt Nicolo). Cette position, qui trouve sa source dans la doctrine Matter et dans l’arrêt Arrighi de 1936, fût implicitement consacrée dans l’arrêt Syndicat général des fabricants de semoule du 1er mars 1968 (théorie de la loi-écran).
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