Commentaire d'arrêt : CE 30 juillet 2015
Commentaire d'arrêt : Commentaire d'arrêt : CE 30 juillet 2015. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar dochon95 • 4 Avril 2018 • Commentaire d'arrêt • 1 571 Mots (7 Pages) • 645 Vues
06/10/2017
Commentaire d'arrêt : CE 30 juillet 2015
Ronald Dworkin disait « L'attitude du droit est constructive : elle vise dans l'esprit d'interprétation à superposer le principe à la pratique (...) » Cette citation soulève, indirectement, la difficulté d'appliquer une règle de droit à la réalité.
Or, l'arrêt de la section française de l'observatoire national des prisons et ordre des avocats au barreau de Nîmes du Conseil d'Etat en date du 30 juillet 2015 qui nous est soumis à commentaire, reflète parfaitement notre thème précédemment cité.
En l'espèce, le juge doit statuer sur les conditions de détentions au sein de l'administration pénitentiaire de Nîmes dans le cadre d'un référé liberté. Les requérants demandent à ce que l'administration soit dans l'obligation de prendre toute mesure nécessaire au respect des droits fondamentaux des détenus. Une enquête a démontré que la maison d'arrêt est nettement sous dimensionnée et surpeuplée ce qui entraîne un manque d'hygiène considérable.
Après un premier jugement ayant rejeté l'ordonnance des requérants, le CE décide d'étudier la demande de ces derniers et va rendre une décision étonnante.
Cet arrêt relate la réelle difficulté de conciliation entre la théorie et la pratique, autrement dit la difficulté d'application des textes fondamentaux à une situation juridique donnée.
Dès lors, en quoi cet arrêt illustre-t-il la défaillance du droit quant à la protection des libertés fondamentales?
Nous verrons dans un premier temps que le juge reconnaît l'existence d'un traitement inhumain et dégradant des conditions de détention des détenus (I) mais nous verrons par la suite qu'il va se retrouver confronter au manque de moyens d'action de l'administration pénitentiaire (II). Il sera ainsi partagé dans sa décision finale entre sévérité et indulgence.
- La violation d'une liberté fondamentale résultant de défaillances de la maison d'arrêt de Nîmes
Cet arrêt démontre une fois de plus que les lieux de détentions ne sont pas des zones de non droit, ainsi l'administration pénitentiaire est dans l'obligation de faire tout ce qui est en son pouvoir pour faire respecter les droits des détenus (A). Si l'administration faillit à ses obligations, selon la gravité de l'atteinte, le juge pourra reconnaître qu'il y a eu une atteinte manifestement grave à une liberté fondamentale et comme dans l'espèce, déclarer qu'il y a bel et bien un traitement inhumain et dégradant (B).
A) Le manquement au devoir de protection des détenus de la part de l'administration pénitentiaire
- Articles D.189, D 349, D.350 et D 351 imposent l'obligation à l'administration de respecter la dignité de toutes les personnes étant sous sa garde, d'assurer de bonnes conditions de détention quant à la sécurité, à l'hygiène et à la salubrité des lieux et notamment des cellules. Ces textes imposent également le devoir d'installer des sanitaires en nombre proportionné à l'effectif des détenus.
- Ceci s'explique par le fait que les détenus ayant été privés de leur libertés dépendent désormais de l'administration pénitentiaire et de son personnel qui sont seuls compétents pour mener à bien et dans les meilleures conditions leur détention. Ne pouvant sortir de la prison et n'ayant aucun pouvoir de décision, les détenus ne peuvent aller acheter des produits d'entretien pour nettoyer leur cellule ou casser les murs de celle-ci pour l'agrandir ou encore utiliser les sanitaires du personnel etc... Ils doivent donc se cantonner à ce qui est mis à leur disposition.
- Il est donc tout à fait légitime que l'administration pénitentiaire veille au respect des droits des détenus qui sont certes privés de liberté d'aller et venir mais pas privés des droits que leur confère la Convention de la CEDH garantissant les libertés fondamentales de chacun. Le CE dans un arrêt du 23 avril 2014 rappelle cette obligation.
B) La reconnaissance légitime de l'existence d'un traitement inhumain ou dégradant par le CE
- « Que de telles conditions (…) exposent les personnes qui y sont soumises à un traitement inhumain ou dégradant, portant ainsi une atteinte grave à une liberté fondamentale. »
- Le juge explique ici que le manquement de l'administration pénitentiaire à ses obligations a conduit à une violation grave de l'article 3 de la Convention.
- L'administration a indéniablement failli à ses obligations puisque cette dernière, étant sur occupée, se voit dans la nécessité d'héberger 3 détenus dans une même cellule alors que, n'ayant qu'une superficie de 9m2, elle ne peut en accueillir que deux. Il en est de même dans d'autres cellules qui se voient surpeuplées. Cela s'explique par le fait que le nombre de places de prison n'évolue pas au rythme de l'augmentation du nombre de détenus. Ces derniers doivent donc élaborer des stratégies leur permettant d'utiliser à tour de rôle les sanitaires et de dormir plus facilement malgré le manque cruel d'espace. (mettre jurisprudence de condamnation pour …)
C'est donc dans la logique de ses précédentes décisions que le juge reconnaît ici l'existence d'un traitement inhumain ou dégradant.
Il est incontestable que les droits fondamentaux de ces détenus n'ont pas été respectés et il est honteux de traiter des êtres humains de la sorte, quel qu'est pu être leur(s) méfait(s). L'évolution de notre société sanctionne de plus en plus ces abus, bien que de nombreux cas échappent encore à la répression.
- La protection des droits fondamentaux : une conciliation difficile entre la théorie et la pratique
Bien que le juge reconnaissance la violation grave d'une liberté fondamentale, nous verrons que sa décision sera influencée par le manque de moyens de l'administration pénitentiaire (A), qui l'amènera prononcer une décision plus que surprenante (B).
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