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Commentaire d'arrêt 22 novembre 2012

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Par   •  19 Février 2019  •  Commentaire d'arrêt  •  2 380 Mots (10 Pages)  •  696 Vues

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COMMENTAIRE 

Dans cet arrêt, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 22 novembre 2012 introduit la condition de la conscience de sa contamination par le VIH ou VHC dans le préjudice spécifique de contamination.

En l’espèce, une patiente a subi en avril 1984 une opération de chirurgie cardiaque au cours de laquelle elle a reçu des transfusions de produits sanguins. A la fin de l’année 1991, des examens révèlent qu’elle a été contaminée par le virus d’immunodéficience humaine et par le virus de l’hépatite C. La patiente a subi 146 hospitalisations depuis 1984 et est décédée le 2 janvier 2009 des suites d’une fibrose pulmonaire. Elle a été maintenue dans l’ignorance de la nature exacte de sa pathologie par sa famille durant 25 ans. Celle-ci avait présenté à son insu en 1992 une demande d'indemnisation au Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le VIH. Le 21 janvier 2009, son mari et ses quatre enfants, exerçant l’action successorale, ont sollicité auprès de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux l’indemnisation du préjudice spécifique de contamination de la défunte. 

L’Office national d’indemnisation des accidents médicaux rejette leur demande et les consorts forment un recours devant la cour d’appel de Paris. La cour d’appel de Paris dans un arrêt du 16 mai 2011 déboute leur demande. Les ayants droit forment alors un pourvoi constitué d’un moyen divisé en deux branches.

Dans une première branche, le pourvoi, pour contester la décision de la Cour d’appel, se fonde sur la violation de l’article 1382 du Code civil. Il affirme que les différentes composantes du préjudice spécifique de contamination sont supportées par la victime que celle-ci ait connaissance ou non de l'appellation exacte de la contamination qu'elle a subi.

Dans une deuxième branche, le pourvoi se fonde sur un défaut de conséquences légales par la cour d’appel de Paris et sur une violation de l’article 1382 du Code civil. Il asserte que le préjudice spécifique de contamination comporte une dimension liée à la spécificité des atteintes d’ordre physique et psychiques engendrées par la contamination, indépendamment de la connaissance par la victime de la nature exacte de sa pathologie.

Le préjudice spécifique de contamination peut-il être reconnu indépendamment de la connaissance par la victime de sa contamination ?

La deuxième chambre civile répond négativement à cette question et approuve les juges du fonds d’avoir rejeté la demande en réparation des héritiers de la patiente en rejetant le pourvoi dans un arrêt du 22 novembre 2012. Elle considère que la cour d’appel a exactement déduit que la patiente, tenue dans l’ignorance de sa contamination par le VIH et par le VHC n’avait pas pu subir de préjudice spécifique de contamination.

Dans une première partie, la Cour de cassation réaffirme les conditions du préjudice spécifique de contamination (I), puis introduit la condition discutable de la conscience dans l’indemnisation du préjudice spécifique de contamination (II).

  1. La réaffirmation des conditions du préjudice spécifique de contamination

Par cet arrêt les juges de la Cour de cassation rappellent l’existence d’un préjudice spécifique de contamination (A) et ajoute la conscience comme condition à l’indemnisation du préjudice spécifique de contamination (B).

  1. Le rappel de l’existence d’un préjudice spécifique de contamination

Dans cet arrêt du 22 novembre 2012, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation reconnait l’existence d’un préjudice spécifique de contamination. Le droit de la responsabilité civile oblige à indemniser un préjudice dès lors que celui-ci cause un dommage à autrui par l’article 1382 ancien du Code civil qui dispose que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

L’indemnisation des personnes contaminées par le virus d’immunodéficience humaine avait donné lieu à la création d’un préjudice exceptionnel par le Fonds d’indemnisation des hémophiles et transfusés dans les années 1980. Ce préjudice a été défini par la jurisprudence comme « l’ensemble des préjudices de caractère personnel, tant physiques que psychiques subis par la victime et résultant notamment de la réduction de l’espérance de vie, des perturbations de la vie sociale, familiales et sexuelle ainsi que les souffrances et de leur craintes, du préjudice esthétique et d’agrément ainsi que toutes les affections opportunistes consécutives à la déclaration de la maladie » par un arrêt « Courtellemont » de la cour d’appel de Paris du 7 juillet 1989, puis a été reconnu par un arrêt de la deuxième chambre civile du 9 juillet 1996 et par cet arrêt. C’est par un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 1er avril 2003 que le préjudice a été étendu aux personnes affectées par l’hépatite C.

Par cet arrêt du 22 novembre 2012, la Cour de cassation approuve la cour d'appel d'avoir énoncé les effets qui font la spécificité d'un tel préjudice en rappelant la définition du préjudice spécifique de contamination qui est un préjudice extra-patrimonial car seuls les préjudices physiques ou psychiques sont indemnisés. Les possibles dépenses nécessaires pour les traitements ne sont pas indemnisés. Cependant ce préjudice est exceptionnel, et le caractère spécifique de ce préjudice est souligné dans un rapport du groupe Dintilhac: « le risque d’évolution constitue en lui-même un chef de préjudice distinct qui doit être indemnisé en tant que tel ». Le préjudice spécifique de contamination rappelé par la Cour de cassation dans cet arrêt est donc un préjudice destiné à réparer des effets physiques et psychologiques spéciaux liés à l’évolution et les conséquences d’une pathologie. Néanmoins la deuxième chambre de la Cour de cassation vient apporter une précision sur la spécificité de ce préjudice en y ajoutant une condition.

  1. La subordination de la conscience à l’indemnisation du préjudice spécifique de contamination

En l’espèce, en application des articles L. 3122-1 et L. 3122-2 du Code de la santé publique, les ayants droit de la victime doivent établir la contamination par le VIH et le VHC et l’existence d’une transfusion de produits sanguins ou d’une injection de produits dérivés du sang pour obtenir l’indemnisation des préjudices découlant de la contamination. La Cour d’appel a refusé la demande d’indemnisation et le pourvoi a fait valoir que les différentes composantes du préjudice spécifique de contamination ont bien été éprouvées par la victime. Cependant la Cour de cassation rejette quand même le pourvoi, en subordonnant la conscience de la victime à la réparation du préjudice spécifique de contamination.

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