Réparer les vivants / Maylis de Kérangal
Cours : Réparer les vivants / Maylis de Kérangal. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar annabeth6901 • 30 Mai 2022 • Cours • 1 874 Mots (8 Pages) • 541 Vues
Questionnaire – Réparer les vivants, Maylis de Kérangal
- Maylis de Kérangal est née à Toulon en 1967. Fille d’officier de marine et d’enseignante, elle grandit au Havre, y prépare une hypokhâgne, puis s’installe à Paris en 1985 pour poursuivre ses études. Au début des années 1990, elle est engagée comme éditrice jeunesse aux éditions Gallimard aux côtés de Pierre Marchand puis quelques années plus tard elle crée la collection « Le Baron perché » aux éditions Vilo. Marquée par les auteurs comme Scott Fitzgerald, Virginia Woolf ou Joseph Conrad, Maylis de Kérangal publie son premier roman aux éditions Verticales en 2000, Je marche sous un ciel de traîne, « qui dépeint les déambulations d’un jeune homme dont l’existence tourne à vide et qui échoue dans un village du sud ouest passé tourmenté ». Deux autres romans seront également publiés chez Verticales, La Vie Voyageuse en 2003, Corniche Kennedy en 2008 ainsi qu’un recueil de nouvelles en 2006 Ni fleurs ni couronne. Editrice, romancière et nouvelliste, membre de la revue Inculte, Maylis de Kérangal remporte le prix de Médicis en 2010 avec Naissance d’un pont. Un « roman spectaculaire » selon les Inrocks, un « roman indigeste » pour le Figaro Magazine où le maire d’une petite ville de Californie, lance un concours international pour la construction d’un pont monumental, dans l’espoir de sa ville une mégalopole… En 2012 Maylis de Kérangal obtient le Prix Landernau pour son nouveau roman Tangente vers l’Est, publié chez Verticales-Phase deux.
- La première étape du processus du don d’organes est de déclarer le patient en état de mort encéphalique. Le corps est maintenu en vie. L’infirmier coordinateur de greffes est prévenu. La famille est informée et ont leur demande s’ils acceptent que le patient soit donneur d’organe. Si oui, l’infirmier appelle l’Agence de la biomédecine. Une évaluation intégrale des organes est faite. Puis un dossier Crystal est crée. Le dossier Crystal est une archive et un outil du dialogue qui se tisse à présent avec l’Agence de la biomédecine, garant de la traçabilité du greffon et de l’anonymat du donneur. Ensuite les greffons sont attribués à un receveur. Puis les organes sont prélevés. Ils sont transportés jusqu’à l’hôpital du receveur. Enfin les organes sont greffés sur les receveurs. Cordelia Owl est l’infirmière de la réanimation, elle soigne Simon. Le docteur Pierre Révol est un médecin du service réanimation, il est à l’origine du prélèvement avec Thomas Rémige. Ce dernier est l’infirmier coordinateur de greffe, il porte le projet de don d’organes. Le docteur Marthe Carrare enclenche le processus, elle met en relation les équipes médicales des greffes avec Le Havre. Virgilio Breva est un jeune chirurgien, il procède au prélèvement du cœur de Simon. Alice Harfang l’accompagne. En France, le don d’organes et de tissus est régi par les lois bioéthiques. La loi indique que nous sommes tous donneurs d’organes et de tissus, sauf si nous avons exprimer de notre vivant notre refus de donner. Le don d’organes est un acte de générosité et de solidarité entièrement gratuit. La loi interdit toute rémunération en contrepartie de ce don. Le nom de donneur ne peut être communiqué au receveur, et réciproquement. La famille du donneur peut cependant informés des organes et tissus prélevés ainsi que du résultat des greffes, si elle le demande.
- L’œuvre a une dimension réaliste parce qu’elle respecte les éléments de la réalité sur le don d’organes.
Noms | Profession | Famille |
Simon Limbres | Lycéen | Fils de Marianne et Sean Limbres et frère de Lou |
Johan Rocher | Lycéen | Parents ? |
Christophe Alba | Lycéen | Parents ? |
Pierre Révol | Médecin au service réanimation | ? |
Cordélia Owl | Infirmière en réanimation | ? |
Marianne Limbres | ? | Mère de Simon et de Lou et femme de Sean |
Sean Limbres | Constructeur en bateau/surf | Père de Simon et Lou et époux de Marianne |
Lou Limbres | Elève de 10 ans | Sœur de Simon et fille de Marianne et Sean |
Thomas Rémige | Infirmier coordinateur de greffe | ? |
Juliette | Lycéenne | Petite amie de Simon |
Marthe Carrare | Docteur | ? |
Claire Méjean | Traductrice | Mère de deux garçons |
Virgilio Breva | Chirurgien cardiaque | ? |
Alice Harfang | Interne | Famille Harfang |
Emmanuel Harfang | Chirurgien (quasi légendaire) | Famille Harfang |
- Le patronyme de Simon « Limbres » peut rappeler le mot « Limbes » qui désignes le lieu intermédiaire entre la mort et la vie, séjour des innocents et des justes avant l’arrivée du Christ.
- Le prénom de Juliette fait penser à Juliette Capulet, l’héroïne de la pièce Roméo et Juliette de W.Shakespeare. Elle rappelle ce personnage par le fait qu’elle aussi a perdu son amoureux.
- Marie est fait référence à Sainte Marie de Dieu dans la culture occidentale et Anne à Sainte la mère de Sainte Marie. Marianne symbolise donc la femme pure et fidèle.
- Les rémiges désignent les grandes plumes rigides d’un oiseau. Or, c’est Thomas qui porte les projets de don d’organes et qui donnera à Simon son statut de héros, par le chant et les préparatifs de la « belle mort » telle qu’apparaît chez les Grecs. Grâce à son amour, à son amour du chant qu’il exerce lors du rituel funéraire, il est vraiment le psychopompe comme Hermès, Thanatos et Hypnos, qui eux aussi ont les ailes. Thomas, passeur de Simon vers l’au-delà, est aussi celui qui permet la migration des organes vers les receveurs et il fait le lien entre les parents et Simon juste avant la mort en transmettant à son oreille leurs noms et la musique de la mer.
- Le nom « Harfang » peut évoquer la chouette. L’harfang des neiges mâle est d’un blanc immaculé, c’est un très grand oiseau qui vit dans le Grand Nord. Son aspect imposant correspond exactement à l’aura des Harfang.
- Owl désigne en anglais « hibou ».
- Ils ont tous un rapport avec les oiseaux.
- Je pense que l’auteure a choisi l’organe du cœur pour engager la réflexion sur le don d’organes car le cœur représente le siège des sentiments dans notre culture, probablement parce qu’il bat plus rapidement lorsqu’on ressent une émotion. On ne pense pas qu’on peut être mort s’il bat encore. S’il est le siège des sentiments, le donneur ne transmet-il pas ses derniers au receveur ?
- C’est à peu près au milieu du roman qu’apparaît la citation de Tchekov explicitant le titre choisi par Maylis de Kérangal. Dans la dernière scène de la pièce de Tchekov Platonov, après la mort du héros éponyme, Voïnitzev interroge Triletzski : « Qu’allons nous faire Nicolaï ? » Et Triletzki répond « Enterrer les morts et réparer les vivants ». Le mot « réparer » évoque la mécanique, les cardiologues se présentent d’ailleurs comme des « plombiers », c’est un verbe qui implique une action très concrète, plus concrète que « soigner » ; ici la réparation est une greffe de cœur précédée d’un prélèvement suite à une mort violente. Par la greffe, on répare aussi les vivants avec les morts. Dans la citation de Tchekov, les deux groupes sont construits selon un parallélisme avec une double antithèse : « enterrer » / « réparer» et « les morts » / « les vivants ». La conjonction de coordination « et » marque l’addition et la succession des deux actions. Il y a d’abord une forme de résignation, mais c’est la vie et l’espoir qui sont privilégiés. En ne retenant que le second groupe de la citation, Maylis de Kérangal place son roman sous le signe de la reconstruction, de l’espoir lié à la résilience, Sylvain Maurice fera le même choix. Le roman et la pièce, dont la durée couvrent exactement vingt-quatre heures, s’ouvrent et se closent sur l’aube, de la confrontation héroïque avec la mer à la renaissance au monde avec, entre les deux l’expérience de la mort, du prélèvement et de la greffe. Alors que Thomas Rémige, l’infirmier coordonnateur en charge du dialogue avec la famille, pense que l’entretien avec les parents va se clore sur un refus, il dit : « Faut penser aux vivants, […] faut penser à ceux qui restent » et la narration se poursuit ainsi: « dans son bureau […], il a scotché la photocopie d’une page de Platonov, pièce qu’il n’a jamais vue, jamais lue, mais ce fragment de dialogue entre Voïnitzev et Triletzki, […] l’avait fait tressaillir comme tressaille le gamin en découvrant la fortune, un dracaufeu dans un paquet de cartes Pokémon, un ticket d’or dans une tablette de chocolat. Que faire Nicolas ? Enterrer les morts et réparer les vivants. ».
- Pierre Révol pense que la mort est représentée comme un état très différent de la vie. Elle est associée au non fonctionnement des organes. Les Occidentaux ne voient la plupart du temps des cadavres que dans des films et des séries. Ainsi voir le cœur de Simon battre, sentir son souffle, sa chaleur et ses mouvements, est en contradiction totale avec la représentation de la mort dans l’esprit de ses parents. Accepter sa mort est donc compliquée. Le rituel accompli par Thomas est la toilette mortuaire qui répond à des actes toujours effectués dans le respect et la dignité. Elle tente ainsi d'effacer certains stigmates de la mort pour apporter aux proches une image moins choquante du défunt en lui donnant une apparence soignée et reposée. Par cet acte, on va tenter de supprimer toutes les traces d’une éventuelle maladie et de ses traitements, en ré attribuant au défunt un aspect aussi proche que possible de son vivant.
- Les différentes formes d’amour représenté sont le premier amour entre Simon et Juliette, l’amitié qui lie Johan, Chris et Simon, l’amour qui un parent son enfant comme Simon et Marianne et Simon et Sean et l’amour qui subit la douleur entre Sean et Marianne.
- L’oeuvre peut être lue comme une épopée ou une chanson de geste parce qu’il y a l’idée que l’action rythme le roman, mais aussi l’idée d’un dépassement, d’une sorte d’ambition.
- Le style de Maylis de Kérangal peut se caractériser par une certaine vitesse, ces phrases sont courtes, rythmé par la ponctuation.
- - « Que deviendra l’amour de Juliette une fois que le cœur de Simon recommencera à battre dans un corps inconnu, que deviendra tout ce qui emplissait ce cœur, ses affects lentement déposés en strates depuis le tout premier jour où inoculés ça et là dans un élan d’enthousiasme ou un accès de colère, ses amitiés et ses aversions, ses rancunes, sa véhémence, ses inclinations graves et tendres ?
- « Le cœur de Simon migrait dans un autre endroit du pays, ses reins, son foie et ses poumons gagnaient d’autres provinces, ils filaient vers d’autres corps. Que subsistera-t-il, dans cet éclatement, de l’unité de son fils ? Comment raccorder sa mémoire singulière à ce corps diffracté ? Qu’en sera-t-il de sa présence, de son reflet sur Terre, de son fantôme ? »
- « Il est temps, maintenant, de se tourner vers ceux qui attendent, dispersés sur le territoire et parfois au-delà des frontières du pays, des gens inscrits sur des listes selon l’organe à transplanter, et qui chaque matin au réveil se demandent si leur rang a bougé, s’ils sont remontés sur la feuille, des gens qui ne peuvent concevoir aucun futur et ont restreint leur vie, suspendus à l’état de leur organe. »
...