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Molière, Le Malade imaginaire, Acte III, scène 3 – le dialogue Argan-Béralde

Dissertation : Molière, Le Malade imaginaire, Acte III, scène 3 – le dialogue Argan-Béralde. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  5 Juin 2023  •  Dissertation  •  2 593 Mots (11 Pages)  •  234 Vues

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Séquence n°4 : « Spectacle et comédie » (Le théâtre du XVIIe au XXIe siècle).

Explication linéaire n°3 : Molière, Le Malade imaginaire, Acte III, scène 3 – le dialogue Argan-Béralde

Situation de l’extrait : Argan est un père de famille en pleine santé mais persuadé d’être malade. Il est devenu complètement dépendant de son médecin M. Purgon et de son apothicaire (pharmacien) M. Fleurant. Ces derniers ont bien compris le profit qu’ils pouvaient tirer des angoisses morbides de leur patient, à qui ils administrent régulièrement des remèdes inutiles mais onéreux. La scène 3 de l’acte III est un dialogue entre Argan et son frère Béralde.

Rappel de la problématique : comment ce dialogue révèle-t-il l’influence que les médecins exercent sur l’esprit d’Argan ?

1re partie : le débat sur la médecine (l. 1-20)

Comme tout débat, il oppose 2 thèses :

  • Argan : la médecine est indispensable
  • Béralde : la médecine est inutile.

Cette partie du dialogue se déroule dans une atmosphère détendue et courtoise. Les deux frères s’adressent l’un à l’autre par l’apostrophe affectueuse et bienveillante de « mon frère ». C’est un échange véritable, dans lequel Argan invite son frère à développer son avis sur la question de la médecine. C’est lui qui dirige l’entretien par ses questions. L’avis donné par Béralde tient d’abord en un mot : « rien ». Cette brièveté déstabilise Argan qui reprend ce monosyllabe à la forme interrogative, attendant des précisions supplémentaires. Béralde reste inébranlable et maintient cet avis laconique, qui résume sa défiance à l’égard de la médecine.

Il va ensuite se justifier à travers une réplique construite sur une série de verbes à l’indicatif présent dont la valeur de vérité générale permet de formuler des principes de conduite : « il ne faut que demeurer en repos ». Ce principe de tranquillité s’oppose au comportement agité qu’il met en évidence à l’aide d’une tournure emphatique (= tournure d’insistance) par le biais du double présentatif : « c’est notre inquiétude, c’est notre impatience qui gâte tout ». Béralde oppose ainsi le calme, principe de guérison, et l’agitation, principe d’aggravation : au fond, son tempérament et celui de son frère. Son argumentation se fonde sur un mot clé : « la nature, d’elle-même », qui s’oppose implicitement à l’intervention de la médecine. Sa phrase affirmative exprime sa confiance inébranlable dans les capacités naturelles du corps à se régénérer et à combattre la maladie. La maladie est présentée comme un « désordre », ce qui signifie donc qu’être en bonne santé consiste à avoir un corps en ordre. La santé est un équilibre des sécrétions organiques et des fonctions vitales. Il est intéressant de constater que Béralde définit la santé avec l’un des mots clés de l’esthétique classique, qui repose sur l’ordre, la rigueur, l’équilibre des proportions, la symétrie d’une composition épurée et sans surcharge. Le principe de la santé est donc le même que le principe de la beauté. Béralde est un personnage qui incarne l’idéal classique de l’honnête homme : c’est un homme de raison, d’équilibre, de modération, de maîtrise, alors qu’Argan est plutôt dans le délire hypocondriaque, le déséquilibre, l’excès, l’agitation.

Pour rendre son jugement plus convaincant, Béralde procède à une sentence en forme de paradoxe : « tous les hommes meurent de leurs remèdes et non de leurs maladies ». Comme toute sentence, celle-ci sera aisément mémorisable grâce à sa construction binaire (en 2 parties) articulée autour de la conjonction « et » et fondée sur l’opposition entre « remèdes » et « maladie ». Un paradoxe consiste à énoncer une idée surprenante qui va à l’encontre des idées généralement admises : ici, au lieu de considérer le remède comme salutaire face à la maladie, Béralde le montre comme plus nocif que la maladie qu’il devrait soigner. Béralde souligne donc ici ce qu’on appellerait à notre époque le danger des effets secondaires.

Argan soulève alors une objection introduite par « Mais ». Il reprend le mot-clé de la thèse de Béralde, « la nature », en restant volontairement vague par l’emploi d’indéfinis : « on peut aider la nature par de certaines choses ». Ce sont des traitements médicaux qu’il parle (« de certaines choses »), et des médecins (« on »), termes qu’il évite de prononcer pour amener Béralde à les formuler lui-même. Par la persuasion, Argan veut obtenir de Béralde une concession (= admettre une partie de la thèse adverse), il veut orienter l’avis de Béralde vers ce qu’il a envie d’entendre : les bienfaits et l’utilité de la médecine. Béralde réfute cette objection par une longue tirade qui disqualifie l’argument suggéré par Argan à travers l’expression dépréciative « ce sont de pures idées ». Il faut comprendre par cette expression : des idées reçues, sans fondement, sans rapport avec la réalité.

A partir de là, Argan qui orientait la conversation dans ses répliques, perd la maîtrise du dialogue au profit de son frère qui accapare la parole dans une tirade dont le but est de montrer que la médecine est une fausse science, une imposture, qui ne fonctionne que grâce à la crédulité, voire à la complicité, des patients consentants. Dans un premier temps, Béralde s’inclut dans ces patients crédules à travers le pronom nous : « nous aimons à nous repaître », « elles nous flattent ». Cela lui évite de mettre en cause son frère trop brusquement et de le braquer en se présentant comme un esprit supérieur à ceux qui comme son frère ont la faiblesse intellectuelle de se laisser manipuler par les médecins.

Mais peu à peu il en vient à utiliser le « vous » qui implique directement Argan afin de lui ouvrir les yeux sur sa situation particulière. Pour dénoncer le discours manipulateur de la médecine, il utilise le champ lexical de l’illusion et de la crédulité à travers des expressions comme « belles imaginations », « croire », « flatter », « beaux songes », « crus ». Une métaphore vient résumer l’idée : « le roman de la médecine ». Béralde assimile le discours médical à une fiction, une histoire inventée pour nous plaire, une illusion rassurante qui s’oppose à la « vérité ».

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