Le Malade Imaginaire Acte III Scène III
Fiche de lecture : Le Malade Imaginaire Acte III Scène III. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar 1 10 • 7 Juin 2022 • Fiche de lecture • 1 611 Mots (7 Pages) • 566 Vues
Problématique :
Nous répondrons à la question suivante :Comment cette scène de comédie dans la comédie permet-elle de révéler la vérité cachée des personnages ?
Plan d’analyse linéaire :
Dans une première partie, du début de la scène à « le pauvre défunt est trépassé« , Toinette met en scène une parodie de tragédie.
Dans une deuxième partie, de « Assurément ? » à « prenons auparavant toutes ses clés« , Béline révèle son absence de sentiments pour Argan.
Dans une troisième partie, de « se levant brusquement » à la fin, Argan crée un coup de théâtre final en se réveillant.
I – Une parodie de tragédie
A – Un tragique surjoué
La scène commence in media res, avec Toinette qui s’exclame : « Ah ! mon Dieu ! Ah malheur ! Quel étrange accident ! »
Cette entrée en matière parodie la tragédie car Toinette s’exprime en alexandrin et parvient à déployer en une seule réplique un champ lexical de la fatalité (« Dieu» , « malheur » , « étrange » , « accident »).
La tonalité tragique est accentuée par les quatre points d’exclamation et les interjections.
Le rythme même de cet alexandrin est ascendant (1/2/3//6), mimant ainsi une montée en tension dramatique tout à fait représentative du registre tragique.
Néanmoins, le spectateur doit sentir que ce tragique est joué, artificiel, par Toinette qui est à la fois metteur en scène et acteur. La didascalie « s’écrie » suggère le caractère surjoué de cette plainte tragique. De plus, certains mots sont dissonants dans cet alexandrin tragique : le terme « accident » ramène la tonalité tragique ( où il est question de fatalité, de nécessité) à l’univers de la comédie (« accidents » se disant pour un événement contingent et prosaïque).
Molière se plait en réalité à créer une mise en abyme en insérant une petite comédie ou sein de la grande comédie qu’est la pièce.
Suite à la question de Béline (« Qu’est-ce, Toinette ? »), la réponse de Toinette (« Ah Madame ») crée un effet de suspense et d’attente s’inscrivant davantage dans la comédie que dans la noblesse tragique.
B – Une scène de comédie
La nouvelle est annoncée de manière directe à Béline : « Votre mari est mort ».
Par la périphrase « votre mari » pour désigner Argan, Toinette rappelle le lien sacré du mariage et indirectement la fidélité que ce doivent les époux.
À ce moment, Béline devient une veuve, ce qui est une forme de renoncement à un être cher, au monde, aux plaisirs. Or, la réplique interrogative (« Mon mari est mort ? ») de Béline peut se lire de deux manières : l’incrédulité devant la tragédie ou plutôt une froideur que l’on sent dans l’effet d’écho syntaxique.
Toinette reprend l’interjection tragique par excellence : « Hélas ! ». Mais le tragique est brisé par le comique de mots qui suit : « Le pauvre défunt est trépassé« . La tautologie (le fait de dire deux fois la même chose « défunt / trépassé ») enlève toute noblesse à cette annonce.
De plus, l’euphémisme « Le pauvre défunt est trépassé » est censé atténuer la brutalité de la mort mais cet euphémisme intervient après l’annonce brute « Votre mari est mort » ce qui le rend inutile et crée un effet de décalage comique.
II – Béline révèle son absence de sentiments
A – Le premier coup de théâtre : la réaction de Béline
La réplique froide de Béline (« Assurément ? ») lève toute ambiguïté quant aux sentiments de Béline : elle demande comme un acte de décès à Toinette, comme pour s’assurer qu’Argan est bien mort.
La répétition par Toinette très administrative « Assurément » ressemble à la délivrance de cet acte de décès.
La réaction de Béline constitue alors un premier coup de théâtre. L’expression liturgique « Le Ciel en soit loué » qui traduit un remerciement à Dieu est en décalage intégral avec la veuve éplorée que l’on attendrait.
La situation est comique du fait que le sectateur sait qu’Argan entend tout. On imagine la périphrase « grand fardeau » résonner de manière douloureuse à ses oreilles.
Le déterminant démonstratif « cette » (« cette mort ») montre une indifférence cynique de Béline à la mort d’Argan qu’elle met à distance. Toinette ramène ironiquement Béline à son statut de veuve avec les obligations comportementales qui vont avec « Je pensais, Madame, qu’il fallût pleurer ». Elle met en évidence le décalage entre la froideur de Béline et l’attitude escomptée d’une veuve.
Le verbe « falloir » associer au verbe « pleurer » dénonce l’artificialité des rôles joués sur la scène sociale où les pleurs ne sont souvent qu’un spectacle offert aux autres.
B – Le portrait satirique d’ Argan par Béline
Béline se lance dans un portrait critique d’Argan qui n’est pas sans faire penser aux Caractères de Théophraste (La Bruyère n’écrit ses Caractères qu’en 1688, soit 15 ans après Le Malade imaginaire) esquissant le portrait du fâcheux, un type classique dans la littérature satirique.
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