Le malade imaginaire, Molière (1673) : Acte III, scène 3
Chronologie : Le malade imaginaire, Molière (1673) : Acte III, scène 3. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar enzo2604 • 6 Avril 2023 • Chronologie • 514 Mots (3 Pages) • 357 Vues
Texte 14
Le malade imaginaire, Molière (1673) : Acte III, scène 3
ARGAN. — Hoy ! Vous êtes un grand docteur[1], à ce que je vois, et je voudrais bien qu'il y eût ici quelqu'un de ces messieurs pour rembarrer vos raisonnements, et rabaisser votre caquet.
BÉRALDE. — Moi, mon frère, je ne prends point à tâche[2] de combattre la médecine, et chacun, à ses périls et fortune[3], peut croire tout ce qu'il lui plaît. Ce que j'en dis n'est qu'entre nous, et j'aurais souhaité́ de pouvoir un peu vous tirer de l'erreur où vous êtes ; et pour vous divertir vous mener voir sur ce chapitre[4] quelqu'une des comédies de Molière.
ARGAN. — C'est un bon impertinent que votre Molière avec ses comédies, et je le trouve bien plaisant d'aller jouer[5] d'honnêtes gens comme les médecins.
ARGAN. — C'est bien à lui à faire[6] de se mêler de contrôler la médecine ; voilà un bon nigaud, un bon impertinent, de se moquer des consultations et des ordonnances, de s'attaquer au corps des médecins, et d'aller mettre sur son théâtre des personnes vénérables comme ces Messieurs-là̀.
BÉRALDE. — Que voulez-vous qu'il y mette, que les diverses professions des hommes ? On y met bien tous les jours les princes et les rois, qui sont d'aussi bonne maison que les médecins.
ARGAN. — Par la mort non de diable ! si j'étais que des médecins[7] je me vengerais de son impertinence, et quand il sera malade, je le laisserais mourir sans secours. Il aurait beau faire et beau dire, je ne lui ordonnerais pas la moindre petite saignée, le moindre petit lavement ; et je lui dirais : « Crève, crève ! cela t'apprendra une autre fois à te jouer à la Faculté́. »
BERALDE. — Vous voilà bien en colère contre lui.
ARGAN. — Oui, c'est un malavisé́[8], et si les médecins sont sages, ils feront ce que je dis.
BÉRALDE. — Il sera encore plus sage que vos médecins, car il ne leur demandera point de secours.
ARGAN. — Tant pis pour lui s'il n'a point recours aux remèdes.
BÉRALDE. — Il a ses raisons pour n'en point vouloir, et il soutient que cela n'est permis qu'aux gens vigoureux et robustes, et qui ont des forces de reste[9] pour porter[10] les remèdes avec la maladie ; mais que pour lui il n'a justement de la force, que pour porter son mal.
ARGAN. — Les sottes raisons que voilà. Tenez, mon frère, ne parlons point de cet homme-là davantage, car cela m'échauffe la bile, et vous me donneriez mon mal.
[1] Docteur : savant, expert
[2] Je ne prends point à tâche : je n’ai pas pour but.
[3] A ses périls et fortune : à ses risques et périls.
[4] Sur ce chapitre : à ce sujet.
[5] Jouer : ridiculiser.
[6] C’est bien à lui à faire : c’est bien son rôle.
[7] Si j’étais que des médecins : si j’étais à la place des médecins.
[8] Malavisé : personne qui parle ou agit sans réfléchir.
[9] De reste : en trop.
[10] Vous me donnerez mon mal : vous pourriez réveiller ma maladie.
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