Analyse linéaire : Le Rouge et le Noir, Julien prend la main de Mme de Rênal
Commentaire de texte : Analyse linéaire : Le Rouge et le Noir, Julien prend la main de Mme de Rênal. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Emilie1987 • 7 Mars 2023 • Commentaire de texte • 3 126 Mots (13 Pages) • 617 Vues
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Support : STENDHAL, Le Rouge et le Noir (1830), livre I, extrait du chapitre 9 « Une soirée à la campagne » : le défi audacieux de Julien (LA n°3)
Introduction :
- Contexte historique : cf polycopié sur le contexte historique
Alors que le début du XIXème siècle est dominé par le mouvement romantique, Stendhal prend ses distances avec la confession autobiographique pour créer une fresque historique et sociale de son temps. Le Rouge et le Noir, publié en 1830, illustre la définition inscrite en exergue du chapitre 13 du livre I : « Un roman, c'est un miroir qu'on promène le long d'un chemin. ». Stendhal y situe son intrigue dans l'histoire contemporaine.
- Stendhal : cf biographie
Stendhal est un pseudonyme. Le véritable nom de l'auteur du Rouge et le Noir est Henri Beyle. Il était républicain et foncièrement libéral. Il s'inspire beaucoup de lui pour inventer son héros, Julien Sorel, avec lequel il partage donc plusieurs points communs : Stendhal a très vite été orphelin de mère et détestait son père qu'il trouvait tyrannique (// père de Julien Sorel violent à son égard) et Julien voue la même admiration à Bonaparte (le militaire plus que le dirigeant politique) que lui. On peut rattacher Stendhal à deux mouvements littéraires : le Romantisme et le Réalisme (cf polycopié sur la présentation du Rouge et le Noir).
- Le Rouge et le Noir : cf polycopié et carte mentale
La chute de Napoléon ayant enseveli l'espoir de réussir par les armes, Julien Sorel, dix-neuf ans au début du roman, doit se tourner vers les ordres (religieux) pour espérer s'extraire de sa condition de fils de charpentier. A Verrières, petite ville de Franche-Comté où il a grandi, il s'introduira dans la bourgeoisie en devenant précepteur des enfants du maire, puis après avoir fréquenté le séminaire de Besançon, fera son entrée dans l'aristocratie parisienne.
- Situation du texte : Julien Sorel, devenu précepteur, passe la belle saison avec la famille de Rênal dans son château de Vergy. Un soir, alors qu'il s'est assis sous le tilleul du jardin, comme à l'accoutumée, à converser avec Mme de Rênal et son amie, Mme Derville, Julien effleure par hasard la main de Mme de Rênal, qui la retire précipitamment (fin du chapitre 8). Se croyant méprisé, Julien s'impose alors le défi de prendre la main de Mme de Rênal puis de la garder, autrement dit, d'obtenir une preuve concrète de la relation qu'il croit entretenir avec elle. Dès le début du chapitre 9, le matin qui précède cette scène, Julien examine Mme de Rênal et Stendhal note qu' « il l'observait comme un ennemi avec lequel il va falloir se battre ». L'originalité de ce passage réside donc dans le fait que l'amour est présenté moins comme une attraction irrésistible que comme un combat. Séduire Mme de Rênal est une obligation que Julien s'impose. Ce texte nous présente une scène dramatique avec une montée de l'angoisse et un héros qui mène un combat dans lequel il lutte autant avec lui-même qu'avec un adversaire. Stendhal ne sympathise pas totalement avec son personnage et prend parfois avec lui une distance ironique.
- Problématique : En quoi cette scène de défi préfigure-t-elle l'incapacité de Julien Sorel à trouver le bonheur ?
- Plan de l'analyse linéaire :
I] Le combat intérieur… mais imaginaire de Julien (l.1 à 15)
II] Défi relevé (l.16 à 19)
III] Julien et Mme de Rênal : deux personnages aux antipodes (l.20 à 31)
I] Le combat intérieur… mais imaginaire de Julien (l.1 à 15)
- l.1-2 : La tension, qui a été continue durant toute la journée, atteint son paroxysme avec ce passage. L'adverbe « enfin », qui apparaît trois fois dans le texte (l.1, 16 et 19), ouvre le texte : il marque le terme d'une attente prolongée, irritante, interminable et l'impatience de Julien, concentré uniquement sur sa volonté d'agir. Les émotions extrêmes de Julien le paralysent : il est tellement soucieux qu'il ne « trouve rien à dire ». D'ailleurs, dans tout le passage, Julien est comme égaré : il est incapable d'alimenter la conversation qui « languissait ».
- l.3-4 : L'extrait est relaté soit du point de vue de Julien, soit du point de vue d'un narrateur omniscient : cette alternance permet de restituer le bouillonnement intérieur de Julien. La question que se pose Julien – au discours direct - place cette scène de séduction amoureuse sous le signe du registre épique – avec le mot « duel » qui appartient au champ lexical du combat - car pour Julien la séduction est une affaire d'amour-propre et s'assimile à une conquête militaire. Elle met en évidence la torture morale qui agite le personnage avec les premières occurrences des champs lexicaux de l'angoisse et de la souffrance, sans cesse associés dans ce passage.
- l.5-12 : L'allongement des phrases dans ce troisième paragraphe traduit la confusion et l'indécision de Julien. La ponctuation expressive au sein du discours indirect libre (l.5-6) qui permet d'accéder aux pensées de Julien ainsi que les substantifs « angoisse », « violence », « combat » rendent compte de la difficulté de cette épreuve pour Julien. Cette tension extrême est d'abord perceptible dans la voix des personnages (« profondément altérée » pour Julien et « tremblante » pour Mme de Rênal) qui reflète leur émotion respective. Julien est d'abord incapable d'agir ; ce que soulignent la plupart des phrases à la forme négative ou exprimant la négation (« ne… pas », l.5-6 et 7, « ne… point », l.8 ; « rien », l.9 ; « sans qu' », l.10). L'intensité extrême de son émotion est indiquée par l'adverbe hyperbolique « profondément » (l.7), l'emploi répété de l'adverbe « trop » (l.7 et 9) et le substantif « excès » (l.13). Sa « timidité » (l.9) le rend d'autant plus vulnérable qu'il ne parvient pas à la dissimuler. D'ailleurs, Mme de Rênal a senti qu'il n'était pas naturel. Il est également aveugle et sourd aux faits et gestes de Mme de Rênal : il ne perçoit pas les émotions qu'elle ressent car il ne remarque pas que sa voix est « tremblante » (l.8) comme la sienne.
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