Balzac, La Peau de Chagrin, le talisman
Commentaire de texte : Balzac, La Peau de Chagrin, le talisman. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar polopro31 • 13 Juin 2023 • Commentaire de texte • 1 984 Mots (8 Pages) • 361 Vues
TEXTE 11
Parcours « Les romans de l’énergie : création et destruction »
La Peau de chagrin, Balzac
« Pacte entre Raphaël et la peau via l’antiquaire »
INTRODUCTION :
Au XIXe siècle, la notion d’énergie se trouve au cœur des théories médicales ; plusieurs savants de l’époque, tels que Bichat ou Vérat, la présentent comme une force vitale que l’on peut dissiper en vivant de manière trop excessive. Balzac semble influencé par ces conceptions, dont on retrouve les grandes lignes en filigrane de toute son œuvre, et en particulier dans La Peau de Chagrin, roman qu’il publie en 1831. Dans ce roman aux tonalités fantastiques, un jeune homme s’empare d’une peau de cuir qui exauce tous ses vœux, dans un mouvement à la fois créateur et destructeur.
- LECTURE
PROJET DE LECTURE :
Nous verrons en quoi la Peau de chagrin, en tant qu’objet fantastique, permet à Balzac de transmettre au lecteur une leçon philosophique qui se veut aussi critique.
Dans cet extrait, on peut distinguer 3 mouvements.
De la première ligne à la ligne 8, on découvre la leçon philosophique de l’antiquaire. Ensuite, de la ligne 9 à la ligne 15, on assiste à la réaction de Raphaël qui est la marque d’une société déréglée. Enfin, de la ligne 15 à la fin de l’extrait, le troisième mouvement est l’affirmation du désir de Raphaël, désir qui vient lui aussi traduire une société à la fois matérialiste et corrompue.
ANALYSE LINEAIRE :
I/ La leçon philosophique de l’antiquaire (l.1-8)
Dans ce premier passage, l’antiquaire condamne la société et les excès de désirs qu’elle induit pour mettre en évidence une philosophie qui lui est propre : une vie de sagesse tournée vers un monde idéal.
- Les premières lignes sont marquées pas des démonstratifs « ceci », « là » et un gérondif « en montrant », « là » -> idée que l’antiquaire dramatise l’exhibition de la PdC (il est en train de la montrer à Raphaël et au lecteur en même temps).
- Il y a ainsi un effet presque théâtral/ visuel qui participe à la démonstration que va mettre en place l’antiquaire pour mieux convaincre Raphaël des propos qu’il va tenir.
- On relève ensuite « le pouvoir et le vouloir » -> la PdC apparaît comme un objet fantastique : elle a le pouvoir de satisfaire tous les désirs et elle est aussi la traduction du vouloir de son propriétaire. C’est une phrase clé, qui reprend l’idée du parcours associé : énergie vitale.
A partir de « là sont vos idées », l’antiquaire se désolidarise de ses contemporains, comme le montre :
- le déterminant possessif « vos » -> il se désolidarise pour montrer qu’il condamne les excès de cette société.
- Il énumère ensuite tout ce qui constitue pour lui les travers de la société, à travers l’énumération « vos idées sociales, vos désirs excessifs, vos intempérances, vos joies qui tuent, vos douleurs qui font trop vivre » -> ces termes traduisent une société décadente qui est marquée par un côté aussi paradoxal puisque des antithèses parcourent ce passage : entre douleurs/joies, désirs/intempérances, mal/plaisir (l.3-4).
- Donc discours déjà très véhément de l’antiquaire qui participe de sa force de conviction et de persuasion puisqu’il utilise des images très parlantes au lecteur.
- Conjonction de coordination « car » (l.3) : revele une valeur causale et qui montre cette démonstration, il procède par étape. On aboutit ainsi à ses conclusions : l’affirmation d’une société décadente.
- présent de vérité générale ainsi tout ce qu’il décrit se rapporte à l’ensemble de la société marquée par la décadence.
- utilisation de la tournure de l’interrogation directe (l.4-5) pour toucher d’emblée Raphaël et donc le lecteur : il joue ici sur les antithèses entre mal/volupté et sur un chiasme, volupté et mal se croisent comme pour montrer se côté perverti de la société qui est basée sur cette idée de la corruption permanente ou tout s’entremêle sans arrêt, ou tout aboutit à une perversion. Appuie sur le côté persuasif du discours de l’antiquaire.
- Il fait preuve d’une démonstration bien construite, la syntaxe même inscrit son discours dans une démarche pédagogique, il veut définir les termes de sa réflexion et les rendre présents à l’esprit de Raphaël, il veut délivrer un enseignement pour faire en sorte que Raphaël y adhère.
- Parallélismes d’antithèses : « monde idéal »/ « monde physique » + « lumières »/ « ténèbres » + « folie, excès »/ « savoir, sagesse ».
- Tournures superlatives : « les plus vives lumières » s’opposent aux « plus douces ténèbres » (parallélisme constant entre monde idéal et monde physique.
- Interrogations rhétoriques
Dans ce premier mouvement, on pourrait déjà dire qu’il y a bien la vision antithétique entre l’évocation de l’excès des désirs encouragés par la société et la vie de sagesse orientée vers un monde idéal louée par l’antiquaire.
II/ Le choix de Raphaël : la marque d’une société déréglée (l.8-15)
A l’inverse, ce deuxième mouvement vient exposer la vision de Raphaël qui rejette les conseils de l’antiquaire après avoir reconnu que la société ne permet pas de les suivre.
- Incise : « dit l’inconnu » (l.9) -> en évitant de donner son nom il désigne la société de façon globale, Raphaël est un représentant de toute une génération, quand Raphaël parle on reconnait toute la jeune génération quelque peu désenchantée et qui ne retrouve pas sa place dans cette époque tiraillée de la monarchie de juillet.
- Grand contraste entre le discours relativement posé et constructif de l’antiquaire et la réaction de Raphaël qui a un côté presque agité, vif : il se traduit par l’interjection « eh bien » (l. 9).
- On relève l’affirmation de son « moi » avec le verbe de volonté « je veux » et le terme clé qui va être proleptique « je veux vivre avec excès » + « en saisissant » : vitalité de Raphaël qui va décroître par la suite. Cette idée de la volonté et de saisir la vie chez Raphaël ne sera qu’une vaste illusion.
- Le discours didactique de l’antiquaire change ensuite (l.11) :
- Apostrophe « jeune homme »
- Impératif « prenez garde »
- Le CCM « avec une incroyable vivacité
- Il tente de protéger Raphaël, il n’encourage pas le pacte avec la peau et on voit que la vitalité et l’énergie se trouvent plutôt de son côté car il a l’assurance de sa vision philosophique, contrairement à Raphaël qui apparaît comme impétueux.
- Justement, son discours, emblème d’une génération désœuvrée, en témoigne :
- Il est presque déjà marqué par la fatalité : plus que parfait « j’avais résolu » (l.12) -> traduit quelque chose d’accomplit, d’achever comme si son existence était déjà terminée
- Il renvoie en effet à son passé de savoir, qui renvoie à l’idéal de l’antiquaire, auquel il renonce avec la conjonction de coordination « mais » -> montre la désillusion du perso également marquée par les négations « ne » « pas », « je ne veux », « ni, ni » (l.13-14).
- Il utilise des termes forts « prédication », « amulette » -> il rejette la croyance mystique, le merveilleux la charité -> idée d’un perso désabusé
Discours énergique chez l’antiquaire mais chez Raphaël un discours fataliste : il rejette les conseils de l’antiquaire et fait un constat implacable d’une société qui pour lui ne permet pas la réussite des jeunes : adjectif « impossible » (l.15).
III/ Le désir de Raphaël : la traduction d’une société matérialiste et corrompue (l.15-26)
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