L’exploitation économique de l’animal en France, entre 1750 et 1950
Dissertation : L’exploitation économique de l’animal en France, entre 1750 et 1950. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Esteban Ris • 24 Novembre 2018 • Dissertation • 2 693 Mots (11 Pages) • 744 Vues
Sujet de dissertation : L’exploitation économique de l’animal en France, entre 1750 et 1950.
"Le capitalisme industriel a mis la main sur les animaux au XIXème siècle, et a construit un rapport d’exploitation aux animaux en disant que ce qui comptait, c’était le profit qu’ils pouvaient dégager." Ainsi la sociologue et chargée de recherches à l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), Jocelyne Porcher, s’exprimait-elle, en Janvier 2018, au micro de France Culture. Par cette remarque de J. Porcher, il est intéressant de se demander quels sont les procédés qui ont permis la conversion de l’animal en machine à travailler, à produire et à plaire, dans une unique finalité de profit. En effet, l’exploitation animale soulignée par le sujet peut aussi bien revêtir le caractère de mise en valeur d’un bien pour en garantir la production, que l’action d’en tirer un profit, un gain désigné comme abusif, car trop excessif ou obsessionnel. L’exploitation se désigne ici comme économique, à savoir la production de richesse par l’humain par l’animal, considéré alors comme simple produit. En effet, tout comme le patriarcat ou l’esclavage forment des structures sociales et politiques élaborées, l’exploitation animale implique un système organisé d’appropriation des animaux et de leurs productions. Du simple fait qu’ils ne sont pas humains, ils sont des biens, des marchandises qui ont un prix. Ce système politique d’appropriation et d’exploitation peut s’appeler élevage, chasse, pêche agricole ; les formes d’exploitation sont multiples, et l’enjeu est d’observer leur évolution depuis la première « révolution » agricole, en 1750, jusqu’à la période dite des « Trente Glorieuses », où la reconstruction fut opérée sans le concours des bêtes, dont on pouvait se passer grâce aux différents progrès technologiques et industriels. Ainsi, nous nous poserons la question des dynamiques qui ont permis l’intégration des animaux, d’élevage principalement, dans un système économique de production qui a modifié à la fois leur statut, leur nature mais aussi leur fonction dans l’économie française. Nous définirons tout d’abord l’animal comme un moteur essentiel au développement économique perçu dès le XVIIIème siècle, avant d’en examiner la transformation par l’homme en « machine à travailler, à produire et à produire », dans une optique de servir les besoins d’une société en constant développement économique.
À partir de la fin du XVIIIème siècle, l’animal et l’intérêt de son exploitation deviennent progressivement des enjeux de développement majeurs. La révolution industrielle induit une croissance économique, qui cherche à se stabiliser par l’emploi d’une main-d’œuvre, polyvalente, exploitable facilement et à coût modéré. L’animal, adapté au milieu rural et à de nombreux secteurs d’activité, se voit tout désigné. On assiste dès lors à une explosion des cheptels, soit l’ensemble des animaux d’élevage d’une exploitation spécifiée, et une omniprésence de l’animal et de ses différents produits.
L’exode rural est une dynamique principale de la révolution industrielle au XVIIIème siècle. Il se caractérise par la migration des habitants des zones rurales, où se trouvaient les exploitations agricoles, vers les zones urbaines, où se concentrait le phénomène d’industrialisation. Les flux de populations, énormes, vident les campagnes françaises et appauvrissent la main-d’œuvre, dont est entièrement tributaire l’exploitation agricole pour nourrir une population en constante expansion. La croissance économique permet cependant de dégager un surplus de ressources qui permet l’exploitation des bêtes au service de l’agriculture Les animaux sont alors choisis, multipliés et asservis pour répondre à une absence de main d’œuvre humaine et aux besoins croissants de la population. L’exploitation animale permet l’augmentation des rendements agricoles, l’accélération généralisée de la production et un amoindrissement de la charge et de la pénibilité du travail pour l’homme. Les animaux de trait, ou de somme, sont ainsi exploités pour soutenir une croissance économique et démographique, et répondre à une désertion des principaux moyens de main d’œuvre. En outre, ils permettent un amoindrissement des coûts du travail, une accélération et une augmentation de la part productive ; ces intérêts conduisant à l’explosion des cheptels, par l’accroissement des surfaces agricoles.
L’amélioration des performances de l'élevage est alors rendue possible par le développement des techniques agricoles, ce qui permet une explosion des cheptels et une hausse de la sollicitation en nombre de bêtes. La réorganisation des modes de production permet une nouvelle répartition de cultures de l’année, entre les différentes parcelles, et l’on voit émerger de nouveaux types d’assolements. L’invention de nouveaux outils limitant la prolifération des mauvaises herbes et l'introduction d'engrais chimiques conduisirent à abandonner complètement la pratique de la jachère, remplacée par les prairies artificielles et les cultures fourragères, qui permettent donc de supporter un plus grand nombre d'animaux par unité de surface. Le développement du cheptel fournit en retour à l'agriculture des quantités importantes de fumier, un engrais naturel qui contribuent à la suppression des jachères. En outre, les bêtes fournissent aussi aux exploitants des forces de traction utiles. Les animaux peuplent les paysages ruraux, ils accompagnent le travail des hommes et constituent les piliers du développement agricole. En France, le nombre de bovins est ainsi multiplié par deux au cours du XIXème siècle, les porcs sont passés de 4 à 7 millions d’individus et les chevaux de deux à plus de trois millions. Le choix des animaux de trait est alors soumis à un zonage fonctionnel : l’agriculteur évalue les spécificités d’un terrain et choisit les bêtes en fonction des aptitudes qui permettent au mieux de s’y adapter, de satisfaire une qualité maximale du travail et donc une hausse du rendement. La vache est préférée dans les Alpes et les Pyrénées par exemple, où le relief ardu ne convient pas à l’exploitation de bœufs. L’explosion des cheptels permet donc de structurer le secteur agricole autour de la présence animale, comme support viable à la croissance économique.
Parallèlement se prolongent des usages plus quotidiens de l’animal dans le monde des campagnes ou des petites villes, obéissent à des logiques spécifiques et participant à une diversification de l’insertion animale dans l’économie. Le chien et le cheval sont notamment considérés comme des acteurs mobiles et polyvalents, capables d’assurer la responsabilité de tâches légères ou le transport de matériel. Des chiens activent par exemple les soufflets des forges, les roues et les martinets, les pétrisseuses des boulangers, ils soutiennent le labeur des étameurs et tirent les charrettes des colporteurs. Ils sont de petits moteurs souples et faciles d’entretien pour de nombreuses activités autrefois dévolues aux domestiques, qu’il s’agisse d’aiguiser les couteaux, de tourner les meules ou de pomper l’eau. Ainsi, le chien permet d’assurer divers emplois dans la coutellerie, le transport ou encore la restauration. En outre, l’amélioration des axes routiers et la facilité accrue du dessert en milieu rural et péri-urbain a permis l’enrôlement du cheval dans les transports attelés. On observe son exploitation en tant que porteur de charge, aussi bien dans les mines sur les axes de routier reliant pôles de production, de transformation et de vente. Dans le monde de l’industrie par exemple, alors que la vapeur reste longtemps peu utilisée, les manèges de chevaux offrent ainsi une force motrice très utile, y compris dans l’industrie textile du Nord ou à Elbeuf. Au milieu du XIXème siècle, on estime que plus de la moitié du trafic de marchandises est réalisée par des animaux. Les premiers signes démontrant une excessivité de l’exploitation au profit de l’économie se font ressentir. La présence des animaux, en nombre constamment croissant, engendre de multiples problèmes sanitaires et écologiques du fait des bouleversements des écosystèmes, des quantités croissantes de déchets à gérer ou de l’importance terres agricoles consacrées à leur alimentation. Toutefois, du fait de sa nécessité de plus en plus importante, l’animal affirme son omniprésence sur les territoires français, et assure une véritable diversité d’activités permettant la production ou la distribution de richesse, en France.
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