Annie Ernaux, Une femme : quelle relation la narratrice entretient-elle avec sa mère ?

Séquence « confrontations de valeurs : personnages féminins » Séance 2 : étude de texte (Ernaux, Une femme)

Question de lecture : quelle relation la narratrice entretient-elle avec sa mère ?

Texte de lecteur

Ce texte est un extrait du récit autobiographique d’Annie Ernaux, Une femme, publié en 1987. La plupart des œuvres de cette auteure sont d’ailleurs des œuvres autobiographiques, c’est-à-dire qu’elle s’appuie sur ses expériences personnelles. La narratrice est donc un être de papier qui ressemble à l’écrivaine. Il s’agit pour elle de mieux se connaître grâce au recul critique que permet l’écriture. De nombreuses années se sont écoulées, ce qui facilite une distance par rapport à soi-même. A. Ernaux a attendu le décès de ses parents pour évoquer les relations qu’elle a entretenues avec eux : elle fait le portrait de son père dans La Place (1984), puis celui de sa mère dans Une femme (1987).

Elle analyse ici les liens qui l’unissent à sa mère à un moment clé de la construction de l’individu : l’adolescence. Le thème principal du texte est la « révolte adolescente » (15). Ce moment de l’existence est connu du lecteur qui peut ainsi s’identifier à la narratrice : cet âge peut être considéré comme un « rite de passage » entre le monde de l’enfance et le monde adulte. L’adolescente se plaît à s’opposer à sa mère pour affirmer sa personnalité, alors que jusqu’à présent, elle entretenait avec elle un lien de confiance, une « complicité » (7) qui en faisait sa « confidente » (10) : « on peut tout dire à sa mère » (7). A l’adolescence, les parents cessent d’être une référence et la jeune fille cherche d’autres personnes à qui s’identifier : « elle a cessé d’être mon modèle » » (1).

Ces modèles varient selon les époques. La narratrice vit son adolescence à la fin des années 1950, dans un contexte politique et social particulier. La deuxième guerre mondiale s’est achevée et la France se reconstruit avec un développement économique rapide : c’est la période des Trente Glorieuses pendant laquelle les familles modestes peuvent s’élever dans la hiérarchie sociale. Ainsi, les parents de la narratrice sont un exemple qui illustre parfaitement cette possibilité de promotion sociale : le père d’Annie Ernaux, simple paysan pauvre sans terre devient ouvrier, puis commerçant indépendant (il tient un café-épicerie) ; il devient propriétaire en réussissant à s’acheter une maison. La mère de la narratrice est donc particulièrement fière de ce parcours : la réussite sociale se mesure au fait de gagner de l’argent sans dépendre des autres (« pour ma mère, se révolter n’avait eu qu’une seule signification, refuser la pauvreté, et qu’une seule forme, travailler, gagner de l’argent, et devenir aussi bien que les autres », 17-19).

La narratrice ne veut pas se révolter de cette manière car elle refuse de suivre le modèle maternel. Sa révolte va donc prendre d’autres formes pour s’opposer à sa génitrice. Elle se plaît à chercher le conflit (« sur un ton de chamaillerie en toutes circonstances » (5-6) ou refuse de dialoguer (« j’opposais le silence à ses tentatives », 6). Elle revendique une certaine liberté, pour échapper à la surveillance parentale : « je parlais de désirs qui n’avaient pas trait aux études (voyages, sports, surboums »), 8). Elle prend surtout conscience du décalage social qui l’éloigne de ses parents : c’est le thème essentiel de toute l’œuvre d’A. Ernaux. En effet, elle a la chance de pouvoir faire des études, alors que ses parents ont dû quitter l’école à douze ans, après le certificat d’étude. Elle est inscrite dans un

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