Plaidoirie Arnolphe

Non, je ne vais pas commencer comme tout le monde. Non, je ne vais pas vous faire croire que mon client est blanche colombe. Non, comme vous et moi il est humain et il est aujourd'hui critiqué pour cette humanité. Cette humanité qui le caractérise de monstre, un monstre trop humain qui n’a suivi que son cœur, un homme amoureux. Un homme qui a trop souvent été vu comme un vieux barbon face à une jeune innocente et naïve. Mais cet homme est avant tout un homme amoureux qui a souffert du mépris de cette femme parfois cruelle.

Il l'a recueillie, dès l’âge de quatre ans, et en a pris soin. Ce qui vous choque c’est peut-être que vous le considérez comme un père qui aurait abusé de son statut dans une relation incestueuse. Mais jamais cela n’a été le cas! Il a toujours été très respectueux envers elle et en la voyant grandir il s’est attaché à sa personnalité. Tombant petit à petit amoureux de cette femme trop pure, il vit comme une flèche le rejet de son amour qui lui transperce le coeur, pas celle de Cupidon mais celle de Pâris. “Je souffre en damné” dit il, ne pensez vous pas qu’avec cet aparté il exprime toute sa douleur. Une douleur à laquelle nous ne souhaitons à aucun homme de vivre ce sentiment de rejet.

Vous la considérez douce? N’est-ce pas cruel de répondre à un prétendant qui vous demande en mariage “Il est plus pour cela selon mon goût que vous.” en parlant d’un autre. Aimeriez vous que la personne que vous aimez tendrement. Oui vous voyez de qui je parle. Cette personne que vous avez toujours aimé au fond de vous vous réponde de manière sèche et froide à “Vous ne m'aimez donc pas, à ce compte?” un simple “Non”. Comment pouvez vous blâmer un homme qui a le cœur brisé. N’est-ce pas terrible de décrire les baisers de son rival avec passion et précision: “il me prenait et les mains et les bras, Et de me les baiser il n'était jamais las.” S’il l’a maintenue dans l’ignorance, c’était pour la défendre, la protéger, l’épauler, que dis-je la secourir de ce monde de brutes, violent. Moi je dis ingrate, à ce “petit serpent qu’il a réchauffé dans son sein” (acte V, scène 4).

Oui, cet homme est bel et bien Arnolphe. J’ai décidé de vous révéler son nom que maintenant. Maintenant, car vous m’avez écouté sans jugement antérieur. Comme l’on vous a toujours dit: un monstre. Moi je vous ai montré aujourd’hui le contraire, l’histoire d’un homme amoureux. Cela nous montre donc que nous sommes plus que ce que l’on a l'air, qu’il y a toujours plus qu’il n’y paraît. Allez-vous faire le choix juste? Redresser un tort et de blanchir le nom d'Arnolphe innocent et amoureux? Je ne dirai plus qu’une phrase, écoutez moi, car vous êtes les seuls à pouvoir le sauver: son destin, sa vie est entre vos mains.

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