Les avants contrats : L’exemple du pacte de préférence - Cass, Décision du 10 février 1999
Commentaire de texte : Les avants contrats : L’exemple du pacte de préférence - Cass, Décision du 10 février 1999. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Camillecaiveau • 24 Mars 2023 • Commentaire de texte • 3 751 Mots (16 Pages) • 211 Vues
TD n°4
Les avants contrats : L’exemple du pacte de préférence
Commentaire d’arrêt :
Le pacte de préférence, aux termes de l’article 1123 du Code Civil est « un contrat par lequel une partie s’engage à proposer prioritairement à son bénéficier de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter ». L’arrêt du 10 février 1999 rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation traite de la violation d’un pacte de préférence.
Une femme a donné à bail un appartement à usage professionnel à un masseur kinésithérapeute et à un médecin. Les parties ont convenu qu’en cas de vente des locaux pendant la durée de la location, la bailleresse s’engageait à donner la préférence « au preneur ». Le masseur kinésithérapeute a cédé le droit au bail à une kinésithérapeute. La bailleresse a accepté la cessionnaire comme nouvelle locataire dans les mêmes conditions du bail. La propriété a ensuite vendu l’appartement à la société civile immobilière représentée par son gérant, le deuxième locataire. Dès lors, le nouveau locataire a assigné le propriétaire, la SCI et son gérant, ainsi que le notaire rédacteur de l’acte de vente afin d’obtenir l’annulation de la vente et de se voir attribuer le paiement de dommages et intérêts.
Après un jugement de première instance, appel a été interjeté devant la Cour d’appel de Versailles. La Cour d’appel a donné satisfaction du nouveau locataire. De ce fait, la propriétaire décide de se pourvoir en Cassation en se fondant sur un moyen unique.
Pour accueillir la demande de la cessionnaire, la Cour d’appel retient que l’autre locataire a constitué une société civile immobilière (SCI) afin de dissimuler la vente des locaux à son projet et ainsi ne pas apparaitre comme le bénéficier de l’acquisition. Le colocataire s’est dès lors rendu coupable de la fraude au préjudice de la cessionnaire qui n’a pas pu manifester son intention d’acheter. Par conséquent, la collusion frauduleuse de la propriétaire et de la SCI devrait entrainer la nullité de la vente.
La Cour de cassation devait donc déterminer si la seule connaissance de l’existence du pacte de préférence par le tiers peut entrainer la nullité du contrat conclue en violation de ce pacte.
Dans une décision du 10 février 1999, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’Appel de Versailles en se fondant sur l’article 1142 du Code Civil. Elle considère que la Cour d’Appel n’a pas donné de base légale à sa décision en ne cherchant pas à savoir si le colocataire avait eu connaissance de l’intention du cotitulaire, en vertu du droit de préférence, de faire ou non usage de son droit de priorité. Toutefois, elle rejette la demande de garantie formée contre le notaire et rejette également la demande de nullité du pacte de préférence. La Cour de cassation renvoie donc les parties devant la Cour d’appel de Paris.
S’agissant d’un arrêt de principe, cet arrêt va permettre d’affiner le régime jurisprudentiel du pacte de préférence car n’était pas encore réellement défini avant dans le Code Civil de 1804. La doctrine a beaucoup critiqué cette jurisprudence rendant le droit de préemption plus faible. Dès lors, elle espérait que la réforme du 10 février 2016 sur le droit des contrats, apporte du changement. De plus, Les conditions requises par la Cour de cassation pour obtenir l’annulation d’une vente au mépris d’un pacte de préférence interrogent la force obligatoire de ce dernier ainsi que son intérêt pratique. Pour le droit commun, la nullité d’une vente conclue au mépris d’un pacte de préférence semble impossible en pratique.
Il s’agit alors de se demander dans quelles mesures les modalités et les sanctions de violation d’un pacte de préférence sont-elles toujours en conformité depuis la réforme du 10 février 2016 ?
Les modalités de violations au mépris d’un pacte de préférence semble en apparence complexe. En effet, lorsque le tiers est de mauvaise foi, deux conditions devront être présentes pour provoquer la nullité de la vente. La jurisprudence joue également un rôle favorable à l’égard du tiers. Toutefois, lorsque la vente est conclue de façon frauduleuse la sanction en nature pourra être envisagée grâce notamment à l’apparition de la réforme de 2016.
Pour ces raisons, nous verrons tout d’abord que la réforme de 2016 est venue complexifié les modalités de violation du pacte de préférence (I) avant de montrer que cette réforme a aussi apporter une sanctions nouvelle pour le non-respect de celui-ci (II).
I) La complexité des modalités pour violer le pacte de préférence renforcé depuis 2016
La réforme de 2016 visant les contrats est venue complexifier encore un petit peu plus les modalités de violation du pacte de préférence. Nous verrons en effet, qu’il y a une caractéristique essentielle de la mauvaise foi qui est la double preuve (A) avant de montrer que la réforme de 2016 est favorable aux individus en confirmant la position jurisprudentielle (B).
A. La double preuve, caractéristique essentielle de la mauvaise foi
La mauvaise foi semble donc un facteur quasi indissociable du non-respect du pacte de préférence. Nous verrons alors que cette mauvaise foi est caractérisée par une double preuve composé de la connaissance de l’existence du pacte de préférence (1), ainsi que la connaissance par le tiers du bénéficier de se prévaloir de son droit de préférence (2).
1. La connaissance de l’existence du pacte de préférence, une preuve obligatoire de l’individu
Comme le dispose l’article 1123 alinéa 1, le pacte de préférence est « le contrat par lequel une partie s’engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter ». En effet, le promettant s’engage à vendre prioritairement le bien au bénéficiaire. Dès lors que la mauvaise foi du tiers est établie, le bénéficiaire du pacte de préférence peut solliciter la nullité du contrat conclu par la connaissance de l’existence du pacte de préférence. En effet, on ne peut pas assigner en justice une personne pour violation d’une quelconque volonté, lorsque celui-ci n’était pas au courant de l’existence de cette même volonté. De ce fait, le tiers d’engage pas sa responsabilité. C’est une notion qu’à par exemple pu traiter la 3ème chambre civile de la Cour de cassation lors de la décision numéro 81-11.733 du 26 octobre 1982, décision dans laquelle il est ressortir que la nullité d’une vente consentie en violation d’un pacte de préférence ne peut être prononcée que si l’acquéreur a contracté dans des conditions frauduleuses, cette fraude impliquant entre autres la connaissance de la clause de préférence. Pour définir la mauvaise foi, il y a un donc obligatoirement la connaissance de l’existence d’une volonté et ici en l’occurrence la connaissance de l’existence du pacte du préférence, faisant ainsi office de preuve caractérisant la mauvaise foi : sans cela la mauvaise est difficilement démontrable.
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