La suspension du contrat de travail / l'inaptitude
Commentaire d'arrêt : La suspension du contrat de travail / l'inaptitude. Recherche parmi 301 000+ dissertationsPar elisebaldran • 22 Janvier 2025 • Commentaire d'arrêt • 4 009 Mots (17 Pages) • 10 Vues
Elise BALDRAN, groupe n°2.
SÉANCE 6 - LA SUSPENSION DU CONTRAT DE TRAVAIL / L’INAPTITUDE
Commentaire de : Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 septembre 2023, 22-12. 970
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Appreciations :
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Maître Karine GERONIMI, avocate en droit social inscrite au barreau de Paris, écrit dans un article juridique Dispense de l'obligation de reclassement du salarié inapte : distinguer l’entreprise de l’emploi ! que « Lorsque l'avis d'inaptitude du médecin du travail mentionne que tout maintien du salarié dans un emploi dans son entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé et non pas que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé, l'employeur n'est pas dispensé de son obligation de procéder à des recherches de reclassement. ». En ces termes, elle rappelle et explicite la solution d’une importante jurisprudence, en date du 13 septembre 2023, dans laquelle la Haute Juridiction est venue trancher des points vaporeux. En effet, la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 a quelque peu modifié la procédure d’inaptitude, entraînant ainsi la naissance de divers questionnements que la Cour de cassation est dorénavant amenée à résoudre et à préciser. L’article L. 1226-2-1 du code du travail prévoit que l’avis du médecin du travail peut dispenser l’employeur de recherche de reclassement dès lors que celui-ci fait expressément état que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ». La Cour de cassation va alors étonner la communauté juridique en procédant à une interprétation stricto sensu, voire « sévère » aux yeux de certains, des dispositions de l’article L. 1226-2, majoritairement, du code du travail dans ladite décision.
En l’espèce, un individu a été engagé par l'Etablissement public de sécurité ferroviaire en avril 2011 en tant qu'administrateur de base de données incidents. À la suite d’un arrêt de travail prononcé pour maladie non professionnelle, celui-ci a été déclaré inapte par le médecin du travail en août 2017. Licencié, ensuite, pour inaptitude, mais également pour impossibilité de reclassement, le salarié a saisi la juridiction prud’homale.
A posteriori, la Cour d’appel d’Amiens donne raison au requérant initial ; elle estime, effectivement, que l’avis du médecin du travail n’impliquait pas l’éloignement du salarié de toute situation de travail, de telle façon, que l’employeur n’était pas dispensé de procéder à des recherches de reclassement et de consulter les délégués du personnel. Elle relève que l’avis d’inaptitude du médecin du travail mentionnait que tout maintien du salarié dans un emploi dans cette entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé et non pas que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé insistant, dés lors, sur une distinction nécessaire entre la notion d’entreprise et celle de l’emploi en droit du travail. Mécontent, l’employeur se pourvoit en cassation en invoquant « qu'aux termes de l'article L. 1226-2-1 du code du travail, l'employeur peut rompre le contrat de travail s'il justifie, notamment, de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ; que ce texte concerne le maintien du salarié dans un emploi au sein de l'entreprise employeur et n'implique pas que le médecin du travail fasse mention de ce que le maintien du salarié dans un emploi, quel qu'il soit, même en dehors de l'entreprise, serait gravement préjudiciable à sa santé ; que l'avis d'inaptitude concernant M. [R] émis par le médecin du travail mentionnait que "tout maintien du salarié dans un emploi dans cette entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé" ; qu'en retenant que, dans la mesure où les termes employés par le médecin du travail n'impliquaient pas l'éloignement du salarié de toute situation de travail, ils ne dispensaient pas l'employeur de procéder à des recherches de reclassement et de consulter les délégués du personnel, et que, par suite, le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-2-1 du Code du travail. »[1].
Ainsi, il revenait aux juges du Quai de l’horloge de répondre à la question suivante : L’indication expresse dans l’avis médical que tout maintien du salarié dans un emploi dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé permet-elle à l’employeur d’être dispensé de recherche de reclassement et de consultation des délégués du personnel ?
Fondant sa décision sur une application stricte des dispositions de l’article L. 1226-2 du code du travail, la Haute juridiction, dans son arrêt du 13 septembre 2023, rejette les pourvois, tant principal qu’incident, en jugeant le licenciement comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse. Effectivement, le licenciement a été prononcé et notifié sans recherche de reclassement préalable par les soins de l’employeur alors même que l’avis d’inaptitude précisait « que tout maintien du salarié dans un emploi dans cette entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé et non pas que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à santé ». Dès lors, elle rappelle que lorsque le médecin du travail mentionne dans son avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l’employeur est effectivement dispensé de chercher un reclassement. Néanmoins, en l’espèce, le médecin du travail avait indiqué que tout maintien du salarié dans un emploi de cette entreprise serait gravement préjudiciable à la santé du salarié. Aux yeux des juges du droit, ce renseignement ne sous-entendait aucunement le bannissement du salarié de toute situation de travail, et ne dispensait pas, de façon corollaire, l’employeur de procéder aux recherches de reclassement.
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