Dissertation britannicus Racine

SUJET 1 : Dissertation. Après l’immense succès d’Andromaque, les ennemis de Racine avaient dit qu’« à la vérité il savait peindre l’amour mais qu’il ne peindrait jamais autre chose ». L’écriture de Britannicus, deux ans plus tard, a-t-elle vérifié cette prédiction ?

I- CERTES, Le peintre du coeur

1- Racine nous offre le tableau de l’amour galant de deux amoureux

2- Racine a su nous montrer un amour totalement différent : l’amour fraternel et filial.

II- CEPENDANT, La peinture politique et historique et

1- Britannicus permet au spectateur de découvrir la Rome antique, lieu où se déroule l’action, tout en l’introduisant dans l’intimité de grands personnages historiques.

2- l’aspect politique de l’œuvre de Britannicus lui donne toute sa saveur.

III- FINALEMENT, La peinture des passions et de la noirceur

1- Racine parvient à nous offrir le spectacle des passions.

2- En exposant aux spectateurs ces passions et la noirceur des personnages, Racine crée la catharsis.

En 1667, le triomphe d’Andromaque attira sur Jean Racine, dramaturge du XVIIè siècle, les foudres de ses ennemis. Ainsi, le rival de Corneille fut critiqué et on lui reprocha principalement son incapacité à aborder, dans ses œuvres, d’autres thèmes que l’amour. De fait, ses contradicteurs avaient dit qu’« à la vérité il savait peindre l’amour mais qu’il ne peindrait jamais autre chose ». Peindre l’amour était pour ses détracteurs une manière de le rabaisser en le faisant passer pour un écrivain de genre mineur, ne s’intéressant qu’aux histoires sentimentales. Deux ans plus tard, en 1669, en réponse à cette offense, il rédigera Britannicus, tragédie historique et politique. Britannicus mêle plusieurs intrigues, et l’amour est un thème principal, pour autant peut-on dire que c’est le seul thème ? Si évidemment, dans son œuvre Britannicus, Racine nous offre une tragédie autour du thème de l’amour, cependant l’intrigue historique et politique ne peut passer au second plan. De fait, grâce à la mécanique tragique, Racine a su mettre en lumière l’emprise des passions et la noirceur des personnages dans la Rome antique de Néron.

        Tout d’abord, bien évidemment, Racine, comme l’affirmaient ses détracteurs, « savait peindre l’amour ». Ce thème est ainsi traité à travers deux prismes dans Britannicus : les sentiments amoureux et l’amour filial.

        Dans un premier temps, Racine nous offre le tableau de l’amour galant de deux amoureux, thème caractéristique du théâtre au XVIè et XVIIè siècle, héritage de la commedia dell arte. En effet, Racine parvient à faire ressentir les sentiments nobles et vrais de ses personnages. L’attachement des jeunes protagonistes, Britannicus et Junie, dévoile un amour sentimental idéal et doté d’une grande pureté. Pour illustrer notre propos, à la fin de la pièce, acte V, scène 8, nous apprenons par Albine, que Junie, pour rester fidèle à son amant assassiné, est allée rejoindre les Vestales, des prêtresses sacrées gardant leur virginité. Racine use de cet amour comme ressort de la tragédie. En effet, c’est la jalousie de Néron, en opposition totale avec l’amour galant des jeunes fiancés, exacerbée par Narcisse, qui va le pousser au fratricide. Par ailleurs, on observe les promesses d’amour échangées : Junie craint pour l’avenir de Britannicus, tandis que celui-ci fait des projets d’avenir. Ce comportement pathétique est typique des amoureux, à la fois languissants et insouciants. Racine nous fait donc voir, à travers ce couple, l’amour juvénile typique des jeunes amoureux qui seront menés vers leur perte.

        Dans un second temps, Racine a su nous montrer un amour totalement différent : l’amour fraternel et filial. De fait, les personnages de la pièce sont liés entre eux par des liens familiaux. Leurs jalousies, rejets ou l’attirance qu’ils éprouvent les uns vis-à-vis des autres sont au cœur même de l’intrigue de la pièce. Ainsi, Racine met en avant toute une palette de sentiments à travers les relations des personnages les uns avec les autres. Par exemple, Néron est en conflit avec son demi-frère Britannicus, tant sur le plan politique qu’amoureux. Cette rivalité de pouvoir est particulièrement visible dans la scène d’affrontement de l’acte III, scène 8. Racine a su dépeindre une authentique rivalité fraternelle plaçant dans cette scène les deux frères sur un même plan d’égalité. De même, il nous montre dès la scène d’exposition, les souffrances d’Agrippine, mère de Néron, qui pressent que son fils va quitter son giron pour s’affranchir. Cette angoisse maternelle la conduit à veiller seule à la porte de Néron qui ne daigne pas lui ouvrir. Ainsi, ces relations fraternelles ou filiales sont mises en scène par Racine avec un réalisme psychologique évident faisant de lui un peintre des sentiments amoureux.

        Pour conclure, Racine, à travers sa capacité à révéler l’âme et les pensées des personnages a su donner à voir un spectacle de l’amour et des blessures de l’amour fraternel ou filial. Cependant, l’intrigue de cette pièce repose également essentiellement sur des aspects politique et historique.

        D’abord, Britannicus permet au spectateur de découvrir la Rome antique, lieu où se déroule l’action, tout en l’introduisant dans l’intimité de grands personnages historiques. En effet, comme de nombreuses pièces classiques, les personnages ne sont pas fictifs et sont connus par les spectateurs. Toute la lignée des empereurs romains est rappelée et Racine, dans cette pièce, nous offre sa propre interprétation de ce moment historique. La pièce est d’ailleurs une réécriture des récits historiques de Tacite qui a décrit avec précision la mort de Britannicus par exemple et que Racine connaissait parfaitement. Ainsi, il insiste dans sa préface sur Néron, « monstre naissant ». Durant toute la pièce, l’action est surtout centrée sur le personnage de Néron pour nous faire assister à la naissance d’un tyran. Dès la première scène, Agrippine confie sa crainte à Albine : « Toujours la tyrannie a d’heureuses prémices » (acte I, scène 1). Ce vers nous introduit dans l’Histoire de Rome et nous assistons au moment où Néron se détourne du bien pour sombrer dans la folie tyrannique que le spectateur lui connait. Plus loin dans la pièce, Néron questionnera Narcisse : « Sur les pas des tyrans veux-tu que je m’engage ? » Le public sait, lui, ce que va devenir Néron, et Racine lui permet de comprendre la mécanique et les paramètres historiques qui l’ont conduit à devenir un tyran. En conclusion, l’intrigue de Britannicus repose également sur des questions historiques.

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