Ville et politique
Dissertation : Ville et politique. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Salim Zniber • 16 Juillet 2019 • Dissertation • 3 590 Mots (15 Pages) • 776 Vues
L A V I L L E A U S E R V I C E D E L A P O L I T I Q U E
L’Etat constitue la forme institutionnalisée du pouvoir politique, le cadre de la domination politique exercée par une autorité, et il peut avoir des formes politiques très diverses. Longtemps en Europe, le modèle étatique principal fut la monarchie : Que ce soit l’ancien Régime en France, le Saint Empire Germanique, le Saint siège, ou encore les monarchies existant encore aujourd’hui comme le Royaume Uni, l’Espagne, la Suède, Norvège ou Danemark, le monarque était considéré comme le principal agent de l’unification territoriale et devient une source de la légitimité nationale. Cependant si ces dynasties ont connu leurs heures de gloire, elles n’en n’étaient pas moins immortelles et inébranlables. En effet, à l’ère du romantisme, l’Europe connait, une série de révolutions communément appelles le Printemps des peuples. Bien que réprimées, ces crises ont souvent été déterminantes pour l'évolution des pays concernés et ont amorcés les changements étatiques qui surviendront par la suite. L’instabilité politique et les changements majeurs que va connaitre l’Europe a cette période vont principalement s’exprimer en architecture et urbanisme. Car l’architecture est un langage communément utilisé par les états pour exprimer leur pouvoir et leur gloire. Il est donc intéressant de se pencher sur les liens étroits entre architecture et politique. Pour cela nous verrons dans un premier temps en quoi la ville est le théâtre du pouvoir, avant de voir l’impact et les conséquences qu’un bouleversement politique peut engendrer au niveau urbain et la relation entre architecture et politique aujourd’hui.
L’espace et les questions qui le concernent à n’importe quelle échelle ne sont pas neutres par rapport aux pratiques de pouvoir. Il existe un lien inextricable entre l’un et l’autre qui affecte choix stratégiques en termes de planification et de conception urbaine, choix dictés par la nécessité Créer de l'ordre dans une structure complexe comme celle du corps urbain et en même temps régler sa relation avec son environnement. Cela implique des règles, des normes, des interdictions et, en général, parlant, les plans doivent être respectés, les instruments qui contiennent inévitablement des choix. L’architecture et l’urbanisme ont très longtemps été des institutions au service de l’Etat nation. En effet l’idée de contrôler les villes et les nations à travers l’architecture est un principe aussi ancien que d’actualité. Selon Foucault en 1976, l’urbanisme avait une place importante dans tous les débats politiques du 18eme sont aussi vieilles que les cités-états, affirmant ainsi l’influence du pouvoir et de la politique dans l’urbanisme et la construction des villes. Dans l’imaginaire collectif, la relation entre architecture et politique tend à évoquer des exemples antidémocratiques : les régimes totalitaires avec leurs édifices monumentaux, les monarchies tentant de solidifier leur droit divin en se glorifiant…et cela est dû au rôle primordial que jouaient l’architecture dans la propagande officielle et publique d’un état. Car depuis les premières civilisations, la ville a toujours été le théâtre du pouvoir. La mise en scène du pouvoir varie selon sa nature et l'image que le gouvernant cherche à donner de ses rapports avec les gouvernés. Le pouvoir monarchique magnifiera la figure du souverain, le pouvoir républicain veillera à respecter dans la forme sinon dans le fond, les aspirations égalitaires des citoyens. Le problème de la légitimité du pouvoir va également influencer sa théâtralisation. Louis XIV, par exemple, Roi Soleil, sera à l'origine d'une théâtralisation très poussée et très personnelle de la figure royale qui servira de modèle à toutes les monarchies européennes, y compris au niveau du décor souvent imité du Château de Versailles.
Il disposait d'une équipe d'artistes chargés de « construire l'image du roi assurer sa mise en scène, concevoir le théâtre sur lequel il allait se produire pour des spectateurs qui étaient les contemporains, et, d'avantage peut-être, les générations futures » On peut citer aussi la construction des Places Royales avec leur message politique, par exemple la statue équestre de Louis XIV en empereur, destinée à proclamer l'hégémonie française sur le reste de l'Europe, voir Place des Victoires et leur rôle régulateur aussi politique qu’urbain qu’on retrouve notamment à Rome avec les grandes perspectives monumentales. De fait, l’architecture est l’une des écritures de prédilection des pouvoirs. La réalisation d’édifices procède souvent d’une politique volontariste, soucieuse de doter une ville d’équipements (notamment culturels) et, implicitement, de laisser pour les générations futures la trace tangible d’un gouvernement ou d’une personnalité. Les « grands travaux » de construction d’une série de monuments parisiens entrepris sous la présidence de François Mitterrand devaient ainsi refléter, au-delà de la politique culturelle française des années 80, la figure de ce « président bâtisseur », qui écrivait : « Dans toute ville, je me sens empereur ou architecte. Je tranche, je décide et j’arbitre. L’architecture haussmannienne avec sa stérilisation du décor et sa monotonie et les percements des boulevards autour de 1830, sont également une réponse architecturale mise au service de la politique afin de répondre aux nombreuses insurrections et éviter l’installation de barricades dans les rues de la capitale L’aménagement de l’espace peut aussi se faire le relais d’une idéologie et comme l’affirme Walter Benjamin, est surtout une esthétisation de la politique. Pour Hitler et ses contemporains, l’architecture était l’expression d’un esprit au centre d’une époque, possédant un pouvoir magique éternel qui « pouvait conduire les hommes de la confusion et du chaos au royaume serein de l’Ordre ».
Du régime de Mussolini et son imaginaire de réorganiser Rome et mettre en avant son passé impérial romain, aux récupérations nazies des Thingplätze au projet « Gesamtbauplan für die Reichshauptstadt » d’une « capitale idéale » pour le IIIe Reich dessinée par Albert Speer, en passant par le quartier de l’Eur à Rome et les gratte-ciel staliniens que sont les « Sept sœurs de Moscou »,les totalitarismes du XXe siècle se sont emparés de l’architecture comme d’un langage auquel incombait d’initier et d’incarner, par sa monumentalité, un nouvel ordre du monde.
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