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Comment les pouvoirs publics peuvent-ils contribuer à la justice sociale ?

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Par   •  4 Novembre 2020  •  Cours  •  6 417 Mots (26 Pages)  •  877 Vues

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"Comment les pouvoirs publics peuvent-ils contribuer à la justice sociale?"

I/ Les fondements de la justice sociale

A. L'idéal démocratique de l'égalité des droits

En guise d'introduction, on peut s'informer sur les origines de cet idéal de justice qui existe dans nos sociétés contemporaines et qui ont conduit les pouvoirs publics à mener des politiques de justice sociale. En France depuis 1789, se met progressivement en place un nouveau type de régime politique, que l'on appelle aujourd'hui la démocratie, où le peuple est souverain, c'est-à-dire où les gouvernants sont librement choisis par les gouvernés.

a) Mais depuis Tocqueville, on considère qu'apparaît aussi à partir de cette époque un nouveau type de société portée par un idéal d'égalité, une "société démocratique". Lui-même définit la démocratie comme l'égalisation des conditions: cette nouvelle société dans l'histoire qui ne distingue plus les individus selon leur naissance et où tous ceux qui composent la collectivité sont égaux en droits et en dignité. 

Cet idéal de justice des sociétés démocratiques est donc un idéal d'égalité. Mais de quelle égalité s'agit-il? 

Pour Tocqueville, cette égalité ne se réduit pas à l'égalité des droits, elle en est que la première dimension. En effet selon lui cette égalisation des conditions est multidimensionnelle. La démocratie est aussi une société qui se caractérise par la diffusion d'un certain bien-être matériel à toute la population, où les différences sociales sont de moins en moins marquées et où les individus veulent aussi accéder aux positions sociales élevées.

La démocratie est encore un nouvel état d'esprit où les individus se considèrent de plus en plus égaux, une société qui tend à une représentation égalitaire des rapports sociaux. Tocqueville considérait aussi que cette égalisation des conditions était un processus historique "irrésistible", voire même "providentiel" au sens où que personne ne pourrait l'arrêter. Toutes les sociétés démocratiques verraient cette aspiration à l'égalité de développer. 

L'histoire sociologique du XXème siècle a fait de Tocqueville un visionnaire, le premier annonciateur de la "moyennisation", pourrait-on dire. Et c'est logiquement et seulement dans les années 1960 que R. Aron a pu intégrer l'œuvre de Tocqueville dans le patrimoine des grands auteurs et précurseurs de la sociologie, lui qui avant ça était plutôt considéré comme un politologue ou un homme politique de la première moitié du XIXème s. 

b) Mais l'expression d'égalisation des conditions est trompeuse. Cette égalité ne correspond pas du tout à une égalisation des situations sociales.

Cet idéal égalitaire a pour objectif de renverser les valeurs de l'Ancien Régime en délégitimant le critère de la naissance comme mode d'organisation de la société. Il s'agit d'établir une correspondance entre les fonctions occupées et les compétences des individus (article 6 de DDHC). On passe du "à chacun selon sa naissance" au "à chacun selon ses capacités", selon l'expression d'Y. Michaud.

Il se développe donc au XIXème s. un système d'évaluation des talents, un nouveau système d'enseignement et de grandes écoles, en plus de la loi de Guizot de 1833 qui impose à toutes les communes de France de se doter d'une école primaire, et des loi Ferry qui adressent cette obligation de scolarisation à tous les élèves. 

Dates de création de l'ENS (1794), de l'X (11 mars 1794), de l'ESCP (1 décembre 1819), de l'Ecole centrale (Paris (1829), Lyon (1957), EM Lyon (1872), HEC (1881), Supelec (1894), ESSEC (1907) et des classes préparatoires à l'X (après 1970), et la création des khâgnes (1880/ La célèbre appellation des classes préparatoires littéraires, hypokhâgne et khâgne, provient de moqueries des élèves de classes militaires à l'égard des étudiants littéraires. Ces derniers, réputés comme peu sportifs, avaient les genoux cagneux, et cette caractéristique devint leur étiquette. Pour paraître plus savant, le surnom fut conservé mais orthographié "à la grecque ancienne". De même, les étudiants scientifiques prirent le nom de taupins parce qu'ils passaient leur temps avec le nez dans leur travail.)

Mais cet idéal égalitaire et méritocratique est assez limité. Les nouveaux modes de sélection qui se mettent en place ne s'appliquent qu'aux emplois publics, aux postes administratifs élevés et aux métiers techniques et scientifiques militaire et industriel. Cet idéal ne remet pas en cause les inégalités sociales, il s'appuie même sur toutes ces inégalités pour sélectionner les talents lorsqu'il exige des candidats un certain niveau de revenus.

De plus, cet idéal égalitaire ne se donne pas pour objectif de corriger les inégalités économiques et sociales. Au contraire même, les démocraties qui reposent aussi sur l'économie de marché doivent accepter que les inégalités ne dépendent pas que des mérites, mais qu'elles résultent aussi des coups d'opportunités, de la chance, du hasard des rencontres et des situations qui n'ont rien à voir avec le mérite. 

Les coups de génie ou de hasard et l'imprévisibilité des évènements créent des "inégalités de marché" qui sont des inégalités tout à fait acceptables en démocratie. Ce qui paraît injuste pour ceux qui en sont victimes les obligent à modifier leurs comportements et à engager d'autres actions. Ainsi par un processus d'essais et d'erreurs, l'ordre du marché aboutit à créer une société progressive qui finit par améliorer le sort de tous. 

Cette idée sera reprise et développée au XXème s. par Hayek qui avance l'idée que le marché met en place une sorte de processus aléatoire, qui par tri successif, finit par privilégier les meilleures solutions et que toutes les tentatives de corrections de ces inégalités rendent le marché inefficace, car ce sont les inégalités qui stimulent le désir d'enrichissement, et donc la croissance et l'enrichissement de tous. La justice sociale ne serait qu'un "mirage". 

Ce point de vue n'est pas au programme, mais il nous permet de comprendre pourquoi justement les politiques de justice sociale ont mis beaucoup de temps à se mettre en place. 

Je vous donne rendez-vous mardi pour voir comment l'idéal égalitaire a évolué et proposé d'autres formes d'égalité. 

B. L'idéal de justice des sociétés démocratiques

 

L'idéal démocratique qui est formulé en 1789 ne repose que sur l'égalité des droits, c'est-à-dire sur l'égalité devant la loi, et au XIXe siècle on considère que l'Etat n'a pas à corriger les inégalités économiques et sociales. Mais si pour certains les politiques de justice sociale sont comme un "mirage", pour d'autres, c'est la chance de pouvoir occuper des emplois en fonction de leurs vertus et de leurs talents qui est un mirage. 

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