Responsabilité civile.
Fiche de lecture : Responsabilité civile.. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar BOULETTE • 21 Février 2016 • Fiche de lecture • 13 367 Mots (54 Pages) • 835 Vues
Responsabilité civile. Responsabilité du fait d'autrui. Art. 1384, al. 1er, C. civ. Présomption. Cas. Énumération légale. Caractère non limitatif.
Une association qui a accepté la charge d'organiser et de contrôler, à titre permanent, le mode de vie d'un handicapé mental, doit répondre de celui-ci « au sens de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil » et réparer les dommages causés par lui » (Ass. plénière, 29 mars 1991, (rejet), Assoc. Centres éducatifs du Limousin et Caisse régionale des assurances mutuelles agricoles de la Corrèze c. cts Blieck, inédit).
ON EST RESPONSABLE DU DOMMAGE QUI EST CAUSÉ PAR LE FAIT DES PERSONNES DONT ON DOIT RÉPONDRE
L'arrêt rendu le 29 mars 1991 par l'Assemblée plénière est assurément important. Presque cent ans après l'avénement du principe général de la responsabilité du fait des choses (3C'est le fameux « arrêt du remorqueur », Civ., 16 juin 1896, ) , cet arrêt adopte une démarche comparable en matière de responsabilité du fait d'autrui. Comparable, mais non identique nous semble-t-il. L'exacte portée de l'arrêt reste, au demeurant, assez difficile à cerner, sans doute parce que la Haute juridiction n'a pas souhaité s'enfermer trop vite dans un système déterminé.
Pour être de rejet, l'arrêt du 29 mars 1991 n'en est pas moins de priacipe, en ce qu'il admet que les cas de responsabilité présumée visés par l'article 1384 ne sont pas énumérés de façon limitative. En l'occurrence, la Cour de cassation met en oeuvre ce principe en admettant la responsabilité d'une association, destinée à accueillir et encadrer des personnes handicapées mentales, pour les dommages causés à des tiers par l'un de ses pensionnaires.
La question de la portée exacte de cet arrêt est compliquée par le fait qu'il ne formule pas le principe qu'il applique, se bornant à se référer au « sens de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil », et alors que, comme chacun sait, la suite de cet article consacre, en fait, trois systèmes de responsabilité du fait d'autrui très différents (4) : responsabilité sur faute prouvée de l'instituteur (al. 8) ; responsabilité fondée sur une présomption simple de faute des parents et des artisans (al. 4 et 7) ; responsabilité irréfragablement présumée des commettants (al. 5).
La question est d'autant plus complexe qu'à bien y réfléchir, l'article 1384, alinéa 1er, n'a pas de sens : « On est responsable... du dommage... qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre... ». La formule, très différente de celle qui se réfère aux « choses que l'on a sous sa garde » - qui introduit une notion distincte de celle de responsabilité - est une absolue tautologie. Elle ne prend un sens, justement, que par référence aux cas envisagés par la suite du texte, qui précise quelles sont les personnes dont on doit répondre.
Une chose est sûre, c'est que l'arrêt admet l'existence de responsabilités présumées du fait d'autrui, distinctes de celles des parents, artisans et commettants. On ne voit pas pourquoi, sinon, l'Assemblée plénière aurait pu être invitée à se prononcer (5Il est admis, depuis longtemps, qu'une personne peut être tenue des dommages causés par autrui, sur le fondement de sa propre faute. ) . Mais la question se pose, évidemment, de savoir quelle sorte de présomption est alors appelée à jouer : la présomption simple de la responsabilité des parents ; la présomption irréfragable qui s'applique aux commettants ; ou encore, à mi-chemin des deux, une présomption mixte qui ne cède que devant la force majeure.
En l'occurrence, l'arrêt, par la sobriété de sa motivation, paraît bien consacrer une présomption irréfragable : la responsabilité de l'association est liée à l'acceptation de « la charge d'organiser et de contrôler, à titre permanent, le mode de vie » du handicapé, et engagée sans limite ni réserve d'aucune sorte.
Il n'est pas sûr, cependant, qu'une telle présomption se trouve elle-même érigée en principe. L'importance attachée à l'analyse de la mission de contrôle dont le responsable se trouvait investi à l'égard de l'auteur du dommage, incline à laisser ouverte la possibilité de solutions différentes pour des situations différentes. En particulier, on pourrait être tenté, dans le cas de grands-parents ou d'un tuteur - pour lesquels la jurisprudence avait jusqu'ici refusé l'application de la présomption de faute applicable aux parents (6Civ. 2e, 9 novembre 1971, Bull. civ. II, n° 307, p. 224 (grands-parents) ; Civ. 2e, 15 février 1956, D. 1956, 410, note BLANC. ) - d'adopter une solution conforme à celle de l'article 1384, alinéa 7. Mais rien, dans l'arrêt n'indique le recours à une telle méthode : d'une part, la motivation est exclusivement axée sur l'alinéa premier de l'article 1384 ; d'autre part, alors que l'espèce favorisait une assimilation à la responsabilité des parents, celle-ci ne paraît pas avoir fourni le modèle.
Au demeurant, certains penseront sans doute que de telles nuances ne sont pas souhaitables parce que génératrices d'insécurité juridique, et par là-même de contentieux, voire d'inégalités. Cette considération, jointe à d'autres - la facilité des responsabilités automatiques, et l'inévitable possibilité du recours à l'assurance -, laisse à penser que le système de la présomption irréfragable pourrait bien devenir rapidement - si ce n'est déjà fait - le système de principe, ce qui obligerait, assurément, à remanier les solutions particulières de l'article 1384.
L'arrêt du 29 mars 1991 consacre donc un changement de notre conception de la responsabilité du fait d'autrui et il amorce probablement une évolution radicale de la matière. Cette évolution peut-elle aller jusqu'à son terme, jusqu'à cette généralisation de la présomption irréfragable de responsabilité ? Il est permis de le croire, tant est grand, aujourd'hui, le souci des victimes. Du moins peut-on penser qu'elle ne pourra y parvenir qu'après l'instauration d'une assurance obligatoire de ce chef de responsabilité, pour les particuliers notamment (7) .
Ce type d'évolution est sans doute inéluctable, dans le contexte contemporain. Il faudra cependant, un jour ou l'autre, prendre garde à la déresponsabilisation individuelle, de plus en plus large, que de telles évolutions provoquent inévitablement, et y porter
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