Fonctions de logarithmes
Fiche de lecture : Fonctions de logarithmes. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Ly Jh • 23 Février 2017 • Fiche de lecture • 3 077 Mots (13 Pages) • 740 Vues
1 L’AVENIR D’UNE ILLUSION (1927) (Fiche de lecture) http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html Dans le premier chapitre, Freud, définit ainsi la culture ou la civilisation : « Elle comprend, d'une part, tout le savoir et le pouvoir qu'ont acquis les hommes afin de maîtriser les forces de la nature et de conquérir sur elle des biens susceptibles de satisfaire aux besoins humains ; d'autre part, toutes les dispositions nécessaires pour régler les rapports des hommes entre eux, en particulier la répartition des biens accessibles ». Il tire de ces prémisses, dont on voit combien elles sont datées, trois corollaires. Premièrement, « les rapports mutuels des hommes sont profondément influencés par la modération des satisfactions pulsionnelles que permettent les richesses présentes », une manière de dire que l’abondance de biens permettrait de « civiliser » les rapports humains. Deuxièmement, et c’est plus étonnant, « l'individu lui-même peut entrer en rapport avec un autre homme en tant que propriété, dans la mesure où ce dernier emploie sa capacité de travail ou le prend comme objet sexuel », ce qui est certes une réalité notoirement prédominante au temps du capitalisme, mais avec laquelle il ne prend aucune espèce de distance. Troisièmement « chaque individu est virtuellement un ennemi de la civilisation qui cependant existe elle-même dans l'intérêt de l'humanité en général » : une conception quelque peu mécaniste dont il ne se départira pas vraiment tout au long du texte (sauf dans le dernier chapitre) et dont on comprend soudain qu’elle fut la source de toutes les interprétations simplistes de la psychanalyse qui ont suivi, nous reviendrons sur ce point dans le séminaire. Enfin, nous savons avec certitude aujourd’hui que la civilisation dont Freud parle est une civilisation capitaliste mondiale qui mène le monde à sa perte d’autant plus rapidement que s’est ouvert depuis l’après guerre une période de guerre générale au vivant sous l’égide des complexes1 . Ses réaffirmations suivantes n’en prennent que plus de relief : « La civilisation doit ainsi être défendue contre l'individu, et son organisation, ses institutions et ses lois se mettent au service de cette tâche ; elles n'ont pas pour but unique d'instituer une certaine répartition des biens, mais encore de la maintenir et doivent de fait protéger contre les impulsions hostiles des hommes tout ce qui sert à maîtriser la nature et à produire les richesses ». Il s’agit là d’une certaine forme de civilisation dont on constate que l’alpha et l’oméga est de maîtriser la nature pour en tirer le maximum de richesses, une conception conservatrice et que nous pouvons qualifier de délibérément bourgeoise dans la mesure où, d’une part, il existait depuis longtemps des critiques connues de ce type de rapport au monde et où, d’autre part, on pourrait s’attendre de la part d’un intellectuel à une plus grande réserve par rapport à l’ordre établi dont il ne fait aucun doute à son époque qu’il a été analysé comme nouveau, contingent et totalement dominé par l’accumulation du capital. Freud va encore beaucoup plus loin dans la justification de cet ordre. Il justifie la domination d’une minorité gardienne d’une « culture » qui seule pourrait assurer le développement de la civilisation contre le déchaînement des passions dont les classes dangereuses sont porteuses : « Ce n'est que grâce à l'influence de personnes pouvant servir d'exemple, et qu'elles reconnaissent comme leurs guides, qu'elles se laissent inciter aux labeurs et aux renoncements sur lesquels repose la civilisation », ce qu’il martèle à loisir : « On peut tout aussi peu se passer de la domination des foules par une minorité que de la contrainte qu’impose les labeurs de la civilisation, car les foules sont inertes et inintelligentes », au point d’écrire : « c'est pourquoi il semble nécessaire qu'ils [les dirigeants éclairés] disposent de moyens de coercition capables d'assurer leur indépendance des foules ». Le tableau de ses conceptions ne serait pas complet si on oubliait de noter que pour Freud « les hommes n'aiment pas spontanément le travail et les arguments ne peuvent rien sur leurs passions », là encore une bien étrange conception, anhistorique, des rapports des hommes à la nature et entre eux. Faut-il rappeler que la catégorie de travail n’a pas toujours existé en tant qu’entité autonome ? Freud va encore plus loin dans son argumentation réactionnaire en doutant que l’état des choses puisse un jour évoluer : « Ce serait l'âge d'or, mais il est douteux qu'un état pareil soit 1 Voir à ce sujet les thèses développées dans les manuscrits disponibles à la BAM : L’érotisation panoptique de la mort (depuis Auschwitz et Hiroshima) annonce un hiver sépulcral (de la civilisation k). 2 réalisable » et plus loin : « On peut douter qu'il soit jamais possible, ou du moins déjà de nos jours, dans l'état présent de notre domination de la nature (sic), de prendre de telles dispositions ; on peut se demander d'où surgirait la légion de guides supérieurs, sûrs et désintéressés, devant servir d'éducateurs aux générations futures ». Toute une philosophie politique qui a des accents issus du darwinisme social : « Un certain pourcentage de l'humanité […] restera sans doute toujours asociale… » A la base de cet argumentaire les idées « que l'humanité a fait des progrès constants dans la conquête de la nature et est en droit d'en attendre de plus grands encore » mais qu’elle « ne peut prétendre à un progrès égal dans la régulation des affaires humaines ». Allié à cette conception linéaire et infinie d’un progrès qui se matérialiserait par une croissante soumission de la nature, se retrouve inévitablement la représentation aristocratique qui suppose que seule une minorité éclairée saurait en défendre les acquis (ou les faire évoluer). Le roc de son interprétation réside dans la conviction que « chez tout homme existent des tendances destructives, donc antisociales et anticulturelles », une interprétation là aussi quelque peu simpliste (qui est contredite par d’autres écrits) mais qui trouve sa source dans la mécanique des fluides ou la thermodynamique dont Freud s’est largement inspiré pour justifier sa théorie des pulsions. Nous le verrons, il n’a cessé d’utiliser le mode de connaissance scientifique comme garant d’une discipline toute neuve dont il fut difficile de légitimer la naissance ; ce faisant, il fut ainsi, qu’on le veuille ou non, en grande partie responsable de ses abâtardissements ultérieurs. Lorsqu’il étend ses élaborations psychanalytiques au politique, il se réfère sans le dire aux théories néo-lamarckiennes ou darwiniennes. Dans le second chapitre, Freud reprend son crédo bourgeois et réactionnaire « l'esprit de révolte et la soif de destruction de ceux qui participent à la culture les menacent », crédo qu’il réitère au cas où nous ne l’aurions pas compris « Il faut s'attendre à ce que ces classes lésées envient aux privilégiés leurs privilèges et à ce qu'elles fassent tout ce qui sera en leur pouvoir pour se libérer de leur fardeau […] ce qui peut mener à de dangereuses révoltes ». Puis Freud avance une autre une simplification réductrice qui consiste à penser que le « renforcement du surmoi est un patrimoine psychologique de haute valeur pour la culture ». Heureusement une lecture attentive permet de corriger un tel réductionnisme car plus loin il écrit : « Le degré d'intériorisation […] n'est pas le seul bien d'ordre psychique qu'il convienne de considérer quand il s'agit de juger de la valeur d'une civilisation. Il y a encore son patrimoine d'idéaux et de créations artistiques, ce qui revient à dire : les satisfactions qui émanent de ces idéaux et de ces créations », ce qui est une manière de reconnaître l’importance du symbolique et de la sublimation dans le processus de subjectivation, notion sur laquelle il ne reviendra qu’au dernier chapitre. Puis il aborde la question de l’intériorisation de l’interdit dont on aurait aimé qu’il examine les différentes modalités suivant les cultures d’origine, car cette intériorisation est totalement différente suivant que l’on se trouve par exemple en Afrique noire, en Italie du sud ou en Allemagne. Au lieu de cela, il radicalise son point de vue « On ne peut alors s'attendre à trouver une intériorisation des interdictions culturelles chez ces opprimés ; ils sont bien plutôt prêts à ne pas reconnaître ces interdictions, ils tendent à détruire la civilisation elle-même, voire à nier éventuellement les bases sur lesquelles elle repose ». Il est important de saisir que ce qui se manifeste ainsi à travers cette idéologie, c’est l’angoisse profonde que provoque la naissance des classes laborieuses en Occident, une angoisse que la biologie naissante avive en lui donnant un caractère génétique qui pourrait remettre en cause la supériorité de la race blanche ou… la pérennité de la civilisation : « Inutile de dire qu'une civilisation qui laisse insatisfaits un aussi grand nombre de ses participants et les conduit à la rébellion n'a aucune perspective de se maintenir de façon durable et ne le mérite pas ». Dans le troisième chapitre, Freud aborde la question de l’origine des religions qu’il attribue au fait que toutes les civilisations furent impuissantes à protéger totalement les hommes des dangers de la nature. En effet, celle-ci « se dresse contre nous, sublime, cruelle, inexorable […] nous rappelle notre faiblesse, notre détresse, auxquelles nous espérions nous soustraire grâce au labeur de notre civilisation ». Une vision de la nature dont nous voudrions tout de même lui susurrer à l’oreille qu’il en 3 donne une description furieusement semblable à un des deux versants de l’archétype maternel pour l’enfant, ce qui surgit plus loin : « cette situation n'est pas nouvelle, elle a un prototype infantile », sous une forme qu’il étend à l’ensemble de la société. C’est précisément là que réside une des autres limites de ce texte : à de nombreuses reprises Freud s’autorise d’une extension des catégories psychanalytiques au social, dans un mouvement à rebours pour ainsi dire, puisque d’après l’école néolamarckienne à laquelle il se réfère (l’hérédité des caractères acquis), il se rejouerait dans la croissance et le devenir de l’enfant toute l’histoire des hommes : « Ainsi se constitue un trésor d'idées, né du besoin de rendre supportable la détresse humaine, édifié avec le matériel fourni par les souvenirs de la détresse où se trouvait l'homme lors de sa propre enfance comme aux temps de l'enfance du genre humain ». Autrement dit, si tel est le comportement des enfants, alors il se serait produit à peu près la même chose (sous une forme symboliquement plus élaborée) dans les premiers âges de l’Humanité : « On pourrait de même admettre que l'humanité dans son ensemble passe, au cours de son évolution, par des états analogues aux névroses » (chap. IX). L’ontogénèse récapitulerait la phylogénèse, un argument qui a depuis longtemps été remis en cause. Malgré ces errements méthodologiques, Freud n’en avance pas moins que « Les dieux gardent leur triple tâche à accomplir : exorciser les forces de la nature, nous réconcilier avec la cruauté du destin, telle qu'elle se manifeste en particulier dans la mort, et nous dédommager des souffrances et des privations que la vie en commun des civilisés impose à l'homme ». Dans cette proposition, il apparaît à l’évidence qu’étant donné la pérennité des tâches que les dieux ont à accomplir, les institutions en charge de médier leurs rapports avec les hommes ont un bel avenir devant elles... Par ailleurs, en notant que « le peuple qui réalisa le premier une pareille concentration des qualités divines [en un seul dieu] ne fut pas peu fier d'un tel progrès » et qu’ayant ainsi « tant fait pour le père [il] voulait aussi en être récompensé ; au moins être le seul enfant aimé du père, le peuple élu », Freud fait un clin d’œil narquois à la judaïté, tout en notant très justement que dans le rapport de chacun à n’importe quelle religion monothéiste peuvent se rejouer plus facilement les tâtonnements de l’enfant avec l’un ou l’autre de ses parents. Dans les quatrième, cinquième et sixième chapitres il y a des analyses du fait religieux qui sont passées dans le bien commun des pays capitalistes occidentaux, du moins ceux qui sont laïcisés : « les idées religieuses sont des dogmes, des assertions touchant des faits et des rapports de la réalité externe (ou interne), et ces dogmes nous apprennent des choses que nous n'avons pas découvertes par nousmêmes et qui exigent de notre part un acte de foi » et plus loin : « L'angoisse humaine en face des dangers de la vie s'apaise à la pensée du règne bienveillant de la Providence divine, l'institution d'un ordre moral de l'univers assure la réalisation des exigences de la justice […] et la prolongation de l'existence terrestre par une vie future fournit les cadres de temps et de lieu où ces désirs se réaliseront ». Dans le septième chapitre, le Freud « fils de son temps en quête de reconnaissance » refait surface : « Dès que nous avons reconnu pour des illusions les doctrines religieuses, une nouvelle question se pose : d'autres biens culturels, que nous estimons très haut et par lesquels nous laissons dominer notre vie, ne seraient-ils pas de nature semblable ? » On voit poindre ici, à pas feutrés, le Freud matois et fin qui s’était déjà manifesté, de manière prudente, dans le premier chapitre : « je suis loin de vouloir porter un jugement sur la grande expérience culturelle qui se poursuit actuellement dans la vaste contrée étendue entre l'Europe et l'Asie » et qui laisse ainsi parler le contradicteur qu’il s’est inventé au IXe chapitre : « En outre, l'histoire ne vous a-t-elle rien appris ? La tentative de remplacer la religion par la raison a déjà été faite, elle fut même officielle et de grand style. Vous vous souvenez certes de la Révolution française et de Robespierre ? Mais aussi du caractère éphémère et du misérable échec de cette expérience. On la refait actuellement en Russie ». Nous sommes en 1926 (année de la rédaction), et compte tenu des informations qu’il pouvait avoir, il est légitime d’avancer que ce jugement est un peu trop hâtif pour pouvoir être considéré comme politiquement neutre. Dans le chapitre précédent, Freud avançait que : « cependant le travail scientifique est le seul chemin qui puisse nous mener à la connaissance de la réalité extérieure », rôle de la science qu’il 4 confirme dans celui-ci : « la raison de cette évolution est le renforcement de l'esprit scientifique dans les couches supérieures de la société humaine (ce n'est peut-être pas la seule) », ce qui entraîne le développement suivant : « la psychanalyse est en réalité une méthode d'investigation, un instrument impartial, semblable, pour ainsi dire, au calcul infinitésimal », une analogie tellement extravagante qu’on devine quelle force à pu pousser son scripteur à la coucher sur le papier. Dans les huitième et neuvième chapitres, il note à juste titre que « la religion serait la névrose obsessionnelle universelle de l'humanité. […] l'analogie […] se retrouve jusque dans les détails, et bien des particularités et des vicissitudes de la formation des religions ne s'éclairent qu'au jour de cette analogie », mais il serait plus judicieux de dire qu’il y a une identité de structure entre cette névrose et la religion. Il est décisif de le comprendre, toutes deux s’évertuent à longuement élaborer des fondations inattaquables, irréfutables, indiscutables et finalement inaccessibles : il s’agit de la parole sacrée pour l’une ou par exemple de l’intangibilité du nombre (de la mesure, de la relation mathématique) pour l’autre. La loi fondamentale ainsi posée, tout le reste en découle. Mais, chose plus curieuse dans la bouche de Freud, il avance qu’on « peut prévoir que l'abandon de la religion aura lieu avec la fatale inexorabilité d'un processus de croissance, et que nous nous trouvons à l'heure présente justement dans cette phase de l'évolution », ce qu’il confirme de manière étonnante un peu plus loin : « nous sommes maintenant autorisés à dire que sans doute a sonné l'heure de remplacer – ainsi que dans le traitement analytique des névrosés – les conséquences du refoulement par les résultats du travail mental rationnel. […] Le problème qui nous est posé, et qui est de réconcilier les hommes avec la civilisation, sera par là résolu dans une très large part ». On pourrait croire que Freud se laisse emporter par sa plume, mais non puisqu’il écrit plus loin : « cependant nous n'avons pas d'autre moyen de maîtriser nos instincts que notre intelligence, […] cet idéal qui devrait être réalisé en psychologie, la primauté de l'intelligence », ce qui est évidemment en complète contradiction avec toute les observations ou élaborations issues de sa clinique… Dans le dernier chapitre, Freud met dans la bouche de son contradicteur fantôme que la religion « est susceptible d'une épuration, d'une sublimation idéatives, grâce auxquelles elle peut se dépouiller de presque tout ce qui en elle portait la marque du mode de penser primitif et infantile », ce qui n’est pas sans rappeler l’analogie faite auparavant avec la névrose obsessionnelle, ni la judicieuse analyse du mode d’accrétion de la connaissance scientifique faite par Jean-Pierre Lebrun dans Un monde sans limites. Viennent ensuite des nombreuses formulations de circonstances, polies, contournées et faussement modestes avant que le texte se termine par des formules ambigües du type de celle-ci : « Étant préparés à renoncer à une bonne part de nos désirs infantiles, nous pouvons supporter que certaines de nos espérances se révèlent comme étant des illusions », et par une grande ode à la science : « Nous croyons qu'il est au pouvoir du travail scientifique de nous apprendre quelque chose sur la réalité de l'univers et que nous augmentons par là notre puissance et pouvons mieux organiser notre vie » dont le recul historique nous permet de mieux voir toutes les limites. Quelques réflexions rapides. Finalement, le plus important réside dans les chapitres II, IV et VIII dans lesquels Freud rappelle que les interdits de l’inceste, du meurtre et du cannibalisme sont les piliers de toute vie sociale, de toute culture et de toute civilisation. Si les institutions cristallisent quelque chose des désirs, des peurs ou des fantasmes des êtres humains, il n’empêche qu’elles s’autonomisent progressivement et s’en éloignent des principes qui les ont fondées. Au point que leur histoire sera celle des schismes et les réformes ininterrompues. Reste la question suivante : comment se fait-il que malgré des positions politiques aussi bourgeoises et réactionnaires, il reste des concepts et des notions qui nous sont fort utiles pour comprendre la réalité d’aujourd’hui ?
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