La pluralité des situations de marché
Dissertation : La pluralité des situations de marché. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Wael El Alami • 20 Novembre 2019 • Dissertation • 1 511 Mots (7 Pages) • 492 Vues
remier roman d’analyse des cœurs, La Princesse de Clèves, paru en 1678, se veut avant tout le récit d’une lutte intérieure, celle de Mme de Clèves, contre la passion qu’elle éprouve pour le duc de Nemours. Une situation commune aux femmes vertueuses de tous les temps, aimant dans le secret de leur cœur et qui resterait banale si, magnifiée par la fiction romanesque, elle n’en devenait la quintessence et le modèle obligé. Mariée, élevée par sa mère dans la dignité et la vertu janséniste mais aussi, selon une étrange modernité, dans la connaissance des dangers de l’attachement sentimental hors-mariage, elle succombe néanmoins à la surprise de l’amour. Cependant en cette fin du XVIIe siècle, le libertinage galant de Marivaux1 n’est pas encore né et le sentiment amoureux se doit d’être tragique, à l’image du théâtre cornélien. Dans les limbes aussi, le pathétique de Manon Lescaut dont l’auteur, l’abbé Prévost, reprochera à l’ouvrage de Mme de La Fayette son « réalisme insuffisant ». Par ailleurs, l’époque continue à se ressentir de la préciosité, dans le meilleur sens du terme : raffinement et délicatesse président aux destinées amoureuses définies par la Carte de Tendre de Mlle de Scudéry. L’amour se présente comme un long voyage dans une contrée dangereuse où la prudence est de mise. La casuistique amoureuse prend maintes formes langagières et peut se modeler sur ces danses de cour distantes et hiératiques du siècle précédent, où Mme de La Fayette situe son roman. Mais le lecteur averti ne s’y trompe pas : la princesse de Clèves est un personnage de l’époque dite classique où l’auteur, en toute impunité puisque l’ouvrage reste anonyme, se livre à des réflexions sur le bonheur et surtout le malheur d’aimer : les rigueurs de l’amour, tel pourrait être le sous-titre de l’ouvrage. Qui dit rigueur, dit noblesse et honneur, retenue, décence et discrétion, conformément à l’idéal féminin du temps, une force de résistance puisée dans la solitude, le silence – qui cache bien des sentiments passionnés et pathétiques – et le secret, en opposition totale aux bavardages mondains des salons précieux que connaît fort bien Mme de La Fayette. La princesse de Clèves fréquente la cour, où elle est admise auprès de la princesse Dauphine2, tout comme Mme de La Fayette, dame d’honneur d’Henriette d’Angleterre3. L’auteur n’ignore donc pas les codes de ces deux univers : débats de casuistique amoureuse d’une part, étiquette curiale d’autre part ; mais, au-delà des règles et des convenances, bat le cœur des femmes4. Riche de ces savoirs, l’auteur infuse à son héroïne leur complexité et leurs contradictions, la mettant en scène de diverses manières : échanges de convenance, parole monologique d’un discours intérieur – forme privilégiée du récit romanesque -, et aveux irrépressibles d’autant plus violents qu’ils furent longtemps réprimés. Le silence métaphorique de la campagne de Coulommiers, s’opposant aux « tumultes de la cour », amène celui de l’ultime renoncement et du silence définitif qui équivaut à la mort au monde et à son propre anéantissement. Au mutisme réplique néanmoins le langage silencieux des regards, ballets passionnés ou langoureux des deux amants5, qui remplace éloquemment le discours : puisque l’amour ne peut passer par la voix, il passe par le regard de la princesse qui ponctue souvent ou remplace ses silences, se muant parfois en complicité, comme dans la scène du portrait dérobé. Le silence se voit également contredit par les gestes embarrassés de Mme de Clèves que le duc de Nemours se plaît à recenser comme marques de trouble : l’amour ne se dit pas mais il se manifeste à travers le corps, contraint par la phrase non dite à s’exprimer d’une manière anarchique et confuse, d’autant plus remarquable pour une grande dame habituée à évoluer en société. Si l’héroïne cornélienne n’est pas maîtresse de ses sentiments, elle devrait l’être de ses actions ; mais ce n’est pas toujours le cas : dans une cour compassée où le paraître l’emporte sur l’être, la princesse se défait du masque hiératique et figé et se précipite vers Nemours lors de son accident de cheval. Le silence a ses limites et l’amour ne connaît point le « repos », si cher au cœur de l’héroïne. Se greffent sur l’embarras divers silences ambigus : ceux des soupirs et des larmes, des rougissements et des évanouissements qui traduisent physiologiquement la parole impossible et le non-dit. Ces multiples démentis au silence se reflètent parfaitement dans la langue utilisée par Mme de La Fayette, avant tout économe et pudique, non dépourvue d’éclats toutefois
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