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Étude linéaire d'Une charogne de Baudelaire

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Par   •  11 Décembre 2022  •  Chronologie  •  1 613 Mots (7 Pages)  •  405 Vues

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TEXTE 4 – UNE CHAROGNE

BAUDELAIRE

INTRODUCTION

Vingt-huitième poème du recueil, issu de la section Spleen et Idéal, « Une Charogne » se situe après le poème « Le Serpent qui danse », inspiré par Jeanne Duval. Composé de douze quatrains hétérométriques (alternance d’alexandrins et d’octosyllabes) en rimes croisées, ce poème a pour thème un cadavre en décomposition qui étrangement permet au lecteur d'assister à la naissance d'une « Fleur du Mal » et de comprendre les étapes de l'activité poétique, leur sens et leur importance. Baudelaire y aborde un thème nouveau : l'horrible pour déclarer son amour. De cette façon, le poète montre que l’art ne doit pas toujours évoquer la beauté. Comment le poète transforme-t-il l’immonde en objet poétique ?

  1. La description d’une charogne (1 à 5 strophes)
  2. La transformation poétique (6 à 8)
  3. La déclaration d’amour (9 à la fin)

ANALYSE

Le titre : un titre programmatique : « Une Charogne » indique ce qui va suivre : la description d'un cadavre en décomposition. Ce titre interpelle car ce n'est généralement pas un sujet que l'on traite en poésie. C’est thème plutôt novateur puisqu’il évoque l'horreur et la laideur mais aussi la destruction causée par la fuite du temps.


Une remémoration inattendue (vers 1 à 8)

V.1 : Le poète s’adresse à la femme aimée de manière galante, puisqu’il l’interpelle avec l’apostrophe « mon âme » et la vouvoie. L’impératif du premier mot semble doux ; quoi de plus commun entre des amants que d’évoquer des souvenirs partagés ? Même le mot « objet » peut rappeler à première lecture l’acception classique d’« objet aimé ».

V.2 : constitué d’un complément circonstanciel de temps, cadre bucolique qui maintient l’illusion du souvenir idyllique. Le lecteur s’attend à la remémoration d’une promenade amoureuse, dans un locus amoenus. Cependant le titre crée une alerte, sans compter sur la fréquentation maintenant régulière des autres poèmes des Fleurs du mal

V.3 & V.4 : surprise de lecture. L’identification de l’objet, « une charogne infâme », est retardée par les compléments circonstanciels de temps et de lieu, respectivement aux vers 2 et 3. La rime entre « âme » et « infâme » fait dissoner d’emblée le texte et souligne la cruauté du poète à l’égard de la femme aimée. Enfin, le « lit semé de cailloux » du quatrième vers mêle malicieusement le « lit » des amants et le terrain le plus abrupt.

V.5 à V.8 : décrit un cadavre qui semble celui d’une prostituée. Le groupe détaché « Les jambes en l’air » introduit cette vision, affirmée ensuite par la comparaison avec une « femme lubrique », dont l’adjectif rime avec « cynique ». Insensiblement, le poète tisse un lien entre la femme aimée à laquelle il s’adresse et le cadavre observé ensemble. L’image suscitée par le quatrain est particulièrement obscène et est destinée à choquer : le poète mêle Éros et Thanatos.

Personnification du ciel renvoie à l’ l’univers baudelairien

De la putréfaction à la résurrection artistique (vers 9 à 36)

V.9 à V.11 : L’évocation des éléments naturels fait pencher le poème du côté du sublime romantique : l’expression « Le soleil rayonnait » au vers 9 est topique, tandis que l’allégorie de la nature, présentée avec une majuscule au vers 11, rappelle maintes allégories de Baudelaire ainsi que son aspiration à l’idéal. Or cette dimension idéale est d’emblée sapée par le réalisme de l’évocation du cadavre, désigné comme une « pourriture » au vers 9 que la chaleur cuit (au vers 10). Le soleil a une action dévastatrice.  Le poète semble prendre plaisir à désosser le cadre idyllique des amours ainsi qu’à décevoir les attentes d’un lecteur aux goûts romantiques. Baudelaire fait intervenir plusieurs sens comme la vue, du toucher et de l'odorat (= synesthésie), et donne vie à ce qu'il décrit.

V.13 : Personnification du ciel.

V.14 : L’expression « carcasse superbe » s’inscrit dans le répertoire des oxymores baudelairiens. Il faut préciser que « superbe » porte à la fois une connotation positive et le sème humain de la fierté. La comparaison avec la fleur au vers 14 ne manque pas d’évoquer les fleurs du mal et la volonté affirmée dans le premier projet de préface du poète « d’extraire la beauté du Mal ».

V.15 & 16 : opèrent un retour à la réalité par l’hyperréalisme de la notation de la « puanteur ». Le choix de l’emploi du passé simple pour le verbe « croire » est particulièrement évocateur : la sonorité dissonante de « crûtes » rappelle le « u » de puanteur et fait entendre la « croûte ». Le retour de la deuxième personne du pluriel réinscrit la femme aimée dans le paysage.

V.17 à 20 : la description du cadavre est non seulement hyperréaliste mais presque choquante, insupportable. La mention des insectes, les « mouches » puis les « larves », est particulièrement repoussante. Le parallélisme du « ventre putride » et de l’ « épais liquide » produit une vision saisissante du corps en décomposition. Les métaphores des « noirs bataillons » et des « vivants haillons », qui animent le non-humain (les larves, puis les lambeaux de corps), participent d’un tableau très sombre.

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