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Explication linéaire : La scène du bal dans la princesse de Clèves

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Par   •  21 Mars 2022  •  Commentaire de texte  •  1 718 Mots (7 Pages)  •  812 Vues

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Objet d'étude : Le roman et le récit du Moyen Age au XXIème siècle

Séquence 2 : Mme de Lafayette, La Princesse de Clèves, 1678

Séance 3 : Explication linéaire n°4 : La scène du bal

  1. Introduction

Mme de La Fayette est une romancière classique du XVIIème siècle, de sensibilité janséniste (rappel : le Jansénisme est un mouvement religieux catholique du XVIIème siècle, très strict et moral). Amie de moralistes célèbres comme le duc de La Rochefoucauld, elle inscrit ses idées morales dans son œuvre littéraire.

Son roman La Princesse de Clèves raconte l’amour impossible entre la princesse et le duc de Nemours, un séducteur volage. Mme de Clèves a été éduquée de manière stricte par sa mère vertueuse, mais elle vit un coup de foudre avec le duc de Nemours.

Ce passage se situe au début du roman, lors d’une scène de bal. Il raconte la scène de première rencontre amoureuse entre les deux protagonistes. Mlle de Chartres vient de se marier avec le prince de Clèves. Le duc de Nemours, resté à Bruxelles où il vivait une aventure anglaise, rentre à Paris pour assister aux noces du duc de Lorraine et de Mme Claude de France, fille du roi, en février 1558. Mme de Clèves a déjà entendu parler de lui en termes flatteurs par la reine dauphine, Marie Stuart.

Lors du bal de fiançailles, le roi Henri II demande à Mme de Clèves de danser avec le duc de Nemours.

Problématique : En quoi cette scène de rencontre annonce-t-elle le destin des personnages ?

Mouvements du texte :

  • ligne 1 à 7 : une scène attendue
  • ligne 7 à 15 : un coup de foudre réciproque
  • ligne 15 à 20 : cette rencontre produit aussi un grand effet sur les courtisans qui observent la scène

I. Une scène attendue

  • Le lecteur attend depuis longtemps cette rencontre, comme la plupart des courtisans qui espionnent les personnages et se nourrissent d’histoires galantes. Deux personnages à la beauté parfaite vont être mis face à face.
  • L 1-2 : Comme toute héroïne, la princesse se prépare avec soin pour le bal. Le verbe « se parer » montre l’importance de l’apparence extérieure. On a une hyperbole « tout le jour ». Cet événement grandiose va se passer dans deux lieux exceptionnels, cités dans des compléments circonstanciels de lieu : « au bal » et « au festin royal ». Le palais du Louvre est mentionné.
  • L 2-5 : objet des regards de la cour, elle est admirée pour son allure : les termes « beauté » et « parure » indiquent seulement son apparence extérieure. Nous voyons que cette admiration est unanime grâce au pronom indéfini « on ». Tout le monde est fasciné par son charme et par le luxe de sa tenue. Le duc de Nemours n’est pas encore là et leur rencontre est donc différée. L’imparfait « elle dansait » suggère la durée de cette action. Un événement inattendu se produit alors : la conjonction de subordination « comme « ( « comme elle dansait ») indique le temps et signifie « en même temps que ». Il s’agit de l’apparition soudaine du duc de Nemours, signalée au passé simple, un temps qui correspond à une action soudaine et rapide « il se fit » . Cette apparition est remarquée par le bruit « assez grand ». La vue, sens surtout utilisé parmi les courtisans, est remplacée par l’ouïe. Cette arrivée soudaine perturbe donc l’ambiance de la salle. Le duc de Nemours, qu’on n’a pas encore reconnu, se fait remarquer. C’est une personne extravertie qui aime être au centre de l’attention. Il entretient le mystère : le pronom indéfini « quelqu’un » représente ce mystère. Comme on lui « faisait de la place », il s’agit d’une personne de haut rang à la Cour. Nous sommes en focalisation interne : seule la princesse ne peut pas le reconnaître. Les autres courtisans savent tous qui le duc de Nemours est.
  • L 5-7 : Cette phrase montre la réaction de la princesse. Pour l’instant, elle n’a pas reconnu le duc et souhaite garder l’initiative de ses actions, en choisissant seule son prochain partenaire de danse (cavalier) : « elle avait dessein ». On remarque une antithèse (2 idées opposées dans cette phrase) : elle veut choisir son prochain cavalier/ le roi lui ordonne de choisir l’homme qui vient d’entrer. Le verbe « cria » suggère une forme d’autorité, de violence exercée sur elle. Elle est soumise en tant que sujet du roi, mais aussi en tant que femme.

II. Un coup de foudre réciproque

  • L 7-9 : On assiste au coup de foudre par le sens de la vue : « vit ». Elle le reconnaît sans le connaître : « crut d’abord ne pouvoir être que M. de Nemours », tant elle a entendu parler de lui, de sa beauté. Elle semble aveuglée par ce spectacle car elle ne réagit même pas devant le manque de bonnes manières de ce duc qui se permet de sauter par-dessus les sièges, ce qui ne se fait pas : « passait par-dessus quelques sièges pour arriver où l’on dansait ». Il se permet tout et pense qu’on ne lui en tient pas rigueur. C’est une personne narcissique et égocentrique. Il y a des règles de bienséance à la Cour (comment bien se comporter dans les gestes, les paroles) et il ne les respecte pas.

  • L 9-13 : le narrateur développe le thème du coup de foudre. On a un polyptote (répétition du même radical dans plusieurs mots) : « vit », « voir », « vu »…Le coup de foudre entraîne un grand choc émotionnel : « surprise », « air brillant », « étonnement ». Le mot « étonnement » signifie au XVIIème siècle, dans la langue classique de Mme de La Fayette, « frappé de stupéfaction ». Il s’agit d’une hyperbole. Le sentiment éprouvé par chacun est très intense. Nous avons deux focalisations internes : d’abord le point de vue de la princesse, puis celui du duc : la phrase est coupée en deux parties par le point-virgule (ligne 13). Nous constatons aussi que le duc est aussi coquet et narcissique que la princesse : tous deux ont passé beaucoup de temps à se faire beaux (elle avait consacré toute la journée à se parer et lui avait pris « soin de se parer »). Deux compléments circonstanciels de temps « quand on ne l’avait jamais vu »(= proposition subordonnée circonstancielle de temps) et « pour la première fois » confirment ce côté inattendu et surprenant du coup de foudre.
  • L 13-15 : On retrouve une hyperbole « tellement surpris » avec la répétition de l’idée de la surprise, confirmant le choc que représente le coup de foudre. Le rythme de la phrase est ralenti par plusieurs virgules, comme pour mimer l’état de choc du duc de Nemours qui réagit au ralenti. La princesse elle-même semble émue et on a l’impression qu’elle fait cette révérence lentement. Le duc manque de discrétion, comme d’habitude : « ne put s’empêcher de donner des marques de son admiration », alors que c’est une femme mariée et que les règles de bienséance lui demanderaient de ne rien montrer. Mme de Clèves a appris par sa mère à masquer ses sentiments.

III. Mais cette rencontre produit aussi un grand effet sur les courtisans qui observent la scène

  • L 15-16 : On assiste alors à la réaction du public « un murmure de louanges », ce qui signifie que tout le monde est plongé dans un sentiment collectif d’admiration. Les deux personnages sont élégants, beaux, gracieux. Ils possèdent toutes les qualités requises à la Cour du roi.

  • L 16-18 : On a des verbes de pensée « se souvinrent » et « trouvèrent » : tout le monde commence à discuter de ce couple, à développer des rumeurs. On voit le fonctionnement des courtisans qui ne vivent que d’intrigues et de ragots. On a l’impression d’une scène de théâtre ; les courtisans sont les spectateurs. Il y a une grande hypocrisie de la part du Roi qui a demandé à la princesse de danser avec le duc, puis qui fait semblant de s’étonner « quelque chose de singulier de les voir danser ensemble sans se connaître » ! La danse est une activité de loisir à la Cour du Roi, c’est une coutume marquée par des codes sociaux (le Roi ouvre le bal, par exemple). Le duc et la princesse n’ont rien choisi.
  • L 18-20 : Le Roi et les reines font de la provocation en les appelant à la fin de la danse pour les interroger. La prise de parole à la Cour manque de sincérité ; tout est calculé. C’est une forme de jeu théâtral. La parole du Roi est autoritaire : le duc et la princesse sont obligés de lui obéir et de venir le rejoindre. La proposition subordonnée circonstancielle de temps « quand ils eurent fini » indique les étapes du jeu théâtral du Roi : il les pousse d’abord à danser puis il les convoque. Tout est planifié. Nous avons une tournure négative introduite par la préposition « sans » : « sans leur donner le loisir de parler à personne ». Personne n’est autorisé à parler si le Roi ne le permet pas. C’est une négation totale, confirmée par le pronom indéfini « personne ». On remarque ensuite deux propositions subordonnées interrogatives indirectes totales introduites par la conjonction de subordination « si » : « s’ils n’avaient pas bien envie de savoir qui ils étaient »/ « s’ils ne s’en doutaient point ». On assiste à un interrogatoire : le duc et la princesse n’ont pas le choix de ne pas répondre. Ces questions sont hypocrites car les deux personnages ont bien deviné qui l’autre était, d’après sa réputation de grande beauté. Le Roi veut les mettre mal à l’aise.

Conclusion

Cette scène de première rencontre n’a rien de naturel, elle a été mise en scène par la Cour qui se repaît des intrigues amoureuses et des scandales. La vue est le sens dominant : les deux personnages sont séduits et fascinés, mais tous les courtisans assistent au spectacle. C’est une relation interdite : la danse est la première étape sociale de cette relation intime et adultère.La reine dauphine jouera le rôle d’intrigante en menant ensuite le dialogue avec eux.

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