Souffrance Au Travail
Dissertation : Souffrance Au Travail. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Rihanna68 • 24 Décembre 2012 • 3 533 Mots (15 Pages) • 3 735 Vues
La souffrance au travail et ses conséquences physiques et psychologiques sur les employés et les gestionnaires, ainsi que sur la motivation et la productivité, suscitent depuis plusieurs années l’intérêt de chercheurs. Les coûts personnels, sociaux et organisationnels importants de divers maux psychologiques et physiques liés au travail, tels stress, épuisement professionnel, troubles anxieux, dépression, et accidents cardiovasculaires sans antécédents médicaux, font par ailleurs l’objet d’une préoccupation grandissante, notamment chez les professionnels de la santé et les responsables de la gestion des ressources humaines dans les organisations. On note entre autres une augmentation importante des coûts en termes d’absences pour maladie, de prestations d’invalidité et de dépenses de santé2, notamment pour les maladies d’ordre psychologique.
3 De C. Dejours voir Souffrance en France, Paris, Seuil, 1998 ; « Aliénation et clinique du travail » (...)
2 À ce jour, particulièrement la psychopathologie au travail, la psychologie et la sociologie du travail ont abordé diverses causes possibles de cette souffrance. Ainsi, en psychopathologie du travail, on considère que cette souffrance est engendrée en partie par les méthodes d’organisation du travail, qui démobilisent les employés et portent atteinte à la solidarité et la coopération3. Selon cette perspective, il en résulte diverses pathologies dont l’épuisement professionnel (« burn-out ») et les accidents cardio-vasculaires sans antécédents médicaux, ainsi que des syndromes dépressifs et même de persécution.
4 Vincent de Gaujelac offre une discussion intéressante à ce sujet dans son livre La société malade d (...)
5 E. M. Morin et J. Forest, art. cité.
6 A. Soares, « La santé mentale au travail : s’attaquer aux sources du problème », dans S. St-Onge (d (...)
3 Les modèles managériaux axés presque exclusivement sur la performance, avec l’obligation de résultats et l’exclusion des moins performants qui en découlent, sont aussi considérés engendrer de la souffrance en psychopathologie du travail, puisqu’ils peuvent entraîner de l’angoisse, la perte d’estime de soi, de l’insomnie et divers troubles digestifs, dermatologiques et cardiovasculaires liées à la crainte de perte d’emploi4. Les modes de gestion actuels, l’accent mis sur l’atteinte de résultats financiers plutôt que sur l’atteinte d’un rôle social légitime, la déshumanisation du travail, l’incertitude constante, le rythme accéléré et le « mode urgence » continuel entraînent impatience, impuissance et résignation à divers niveaux de l’organisation. La perte de sens du travail qui en découle entraîne à plus ou moins long terme également de la souffrance, selon certains psychologues5. De même, les cultures organisationnelles axées sur le court terme, le culte de l’excellence et la compétition émergent comme étant problématiques, cette fois en sociologie du travail, puisqu’elles causent l’effritement de la solidarité entre les membres de l’organisation, laquelle permet normalement d’atténuer la souffrance liée au travail6.
7 Ibid.
8 A. R. Hochschild, The Managed Heart : Commercialization of Human Feeling, Los Angeles, University o (...)
4La surcharge de travail, tant quantitative lorsqu’il y a trop de travail ou trop peu de temps ou de ressources pour le faire que qualitative lorsque les exigences de compétence ou de productivité dépassent les capacités de l’employé, est également mentionnée comme source de souffrance. Il s’agit non seulement des charges de travail physique et mental, mais aussi de la charge émotionnelle due à la nécessité de gérer l’expression de ses émotions pour répondre aux exigences de certains types d’emploi7. On pense ainsi aux intervenants dans le secteur de la santé, mais aussi aux agents de bord, aux serveurs et aux préposés au service à la clientèle, emplois qui exigent généralement une régulation des émotions dans l’exécution des tâches et même l’expression d’émotions « positives » qui ne sont pas nécessairement réellement ressenties8.
9 Voir notamment M.-F. Hirigoyen, Le harcèlement moral dans la vie professi06onnelle, démêler le vrai (...)
10 Loi sur les normes du travail, L. R. Q., chap. N-1.1, art. 81.18.
5 Finalement, certains types de comportement précis ont également été reconnus comme engendrant de la souffrance au travail, et diverses pathologies, tel le harcèlement moral au travail, décrites comme des conduites abusives systématiques ou répétitives portant atteinte à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne9. Diverses régions ont d’ailleurs adopté une législation visant à interdire de tels comportements au travail, considérés dès lors comme du harcèlement psychologique ou moral, dont le Québec10.
6 Ces études ont eu le mérite de porter à notre attention ce phénomène de souffrance au travail et de contribuer aux connaissances relatives à plusieurs causes de celle-ci. Une cause importante de souffrance nous semble toutefois avoir été peu étudiée jusqu’à ce jour et mériterait qu’on s’y attarde : les conflits de valeurs au travail qui se produisent lorsque, dans une situation donnée, une personne est tirailléeentre diverses valeurs qui préconisent des actes contradictoires.
11 A. Soares, art. cité.
12 E. M. Morin et J. Forest , art. cité, p. 623 ; A. Soares, art. cité, p. 637.
13 C. Dejours, « Nouveau regard sur la souffrance humaine dans les organisations », art. cité.
7 Par ailleurs, certains moyens sont proposés pour prévenir la souffrance au travail. Tout d’abord, reconnaître les limites des « programmes d’aide aux employés », telle l’offre des services d’un psychologue, qui ne peuvent, à eux seuls, régler le problème de souffrance au travail, quoiqu’il soit tentant de le croire afin d’éviter d’avoir à se questionner sur les liens entre ces malaises et divers facteurs organisationnels11. On suggère également de revoir l’organisation du travail et les conditions de travail, d’ajuster la charge aux capacités de chacun, de donner plus de marge de manœuvre aux équipes pour qu’elles organisent leur travail de la façon qui leur semble la plus efficace
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