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Compte-rendu : Norris, P. et Inglehart, R. (2014). Sacré versus sécularisation : Religion et politique dans le monde.

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Par   •  26 Mai 2018  •  Fiche de lecture  •  1 882 Mots (8 Pages)  •  765 Vues

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De nombreux et grands penseurs, du siècle des Lumières jusqu’à ceux du 19ème siècle tel qu’Emile Durkheim et Max Weber pour ne citer qu’eux, affirmaient qu’en raison de l’essor scientifique et de la prospérité économique des sociétés industrielles modernes, la religion perdrait graduellement de son importance jusqu’à dépérir.  Néanmoins ces dix dernières années, cette théorie concluant à la mort lente mais certaine des pratiques religieuses est fortement critiquée et contredite : l’influence croissante du fondamentalisme islamique, la popularité constante de la religion aux Etats-Unis ou encore l’apparition de religion « New Age » en Europe occidentale[1] sont nombres d’exemples non-exhaustifs prouvant que cette conclusion est trop simpliste et à nuancer.

P. Norris et R. Inglehart tentent de répondre à ces critiques à travers cet ouvrage. Afin d’introduire ce dernier, les auteurs soumettent au lecteur une analyse des trois types de théories sur la sécularisation : Dans un premier temps,  les théories traditionnelles (1) basées sur le concept d’offre et de demande, dans un second temps, la vision du monde rationnelle (2)  engendrant une perte de la foi, initiée par Max Weber et enfin, l’approche fonctionnaliste (3) d’Emile Durkheim.

  1. Dans le premier point de vue, la théorie axée sur la demande soutient qu’avec l’industrialisation des sociétés modernes, la demande de spiritualité baissera indéniablement.

Dans un deuxième point de vue, la théorie axée sur l’offre soutient que la demande religieuse est constante et que les initiatives des organisations religieuses « jouent un rôle stratégique dans la formation et le maintien dynamiques des assemblées de fidèles »[2] En d’autres termes, l’accessibilité de l’offre religieuse est proportionnelle à la demande tout en l’accroissant.

  1. Max Weber « met l’accent sur l’essor des sciences en concurrence avec les croyances religieuses »[3] En d’autres termes, il affirme que les connaissances scientifiques fondées sur des arguments rationnels saperont et détruiront les explications religieuses.

Les auteurs vont prouver que cette affirmation est fausse en mettant en relation l’attitude à l’égard de la science et les croyances religieuses.[4] La relation est nettement positive : Les sociétés qui font le plus confiance à la science ont aussi les croyances religieuses les plus fortes.

  1. Durkheim, de par son approche fonctionnaliste, défend que la religion soit petit-à-petit destinée à perdre son rôle historique d’éducation et de services sociaux, ceux-ci étant réattribués aux institutions modernes. On assistera donc à un recul de la religion, par souci d’utilité ? « Une érosion de l’objet social de l’Eglise (…) ne va pas nécessairement de pair avec une réduction ou une disparition des rôles moraux et spirituels fondamentaux des institutions religieuses – ils peuvent même gagner en importance »[5] estiment Norris et Inglehart.

En conclusion, ces théories dominantes sont à nuancer.

Les auteurs affirment que « tout en reconceptualisant et en affinant la théorie de la sécularisation, [leur] ouvrage examine le riche corpus des résultats d’enquête sur la religiosité dans une perspective plus large et dans un éventail plus important de pays que jamais auparavant.»[6] Pour résumer, leurs données empiriques se basent sur l’étude de 191 nations, 80 sociétés à travers le monde et sur 20 ans d’enquêtes collectées par le World Values Survey (WVS). Ils ont regroupés un grand nombre d’indicateurs sur la religiosité, sur la participation et le comportement religieux et sur beaucoup d’aspects socio-économiques, particulièrement l’indice de développement humain (IDH). En outre, ils fondent leur conclusion sur une combinaison de 3 types d’analyses : les enquêtes transnationales, les tendances longitudinales et l’analyse générationnelle.

Ils constateront que la tendance à la sécularisation est bien plus complexe que le simple déclin de la religiosité défendus par nombre de spécialistes en sciences humaines : On peut résumer les conclusions des auteurs par deux faits fondamentaux :

  1. « Davantage de sécurité existentielle diminue l’importance accordée à la religion dans les sociétés postindustrielles. »[7] En d’autres termes, la religion et le développement humain sont inversement proportionnels. On constate que l’influence de la religion persiste et grandit là où les Hommes sont confrontés à une insécurité humaine : un risque élevé de pauvreté, de guerre, de malnutrition, d’inégalité, pas ou peu d’accès à l’eau potable, à la médecine moderne et de faible voire d’inexistante aides sociales étatiques.[8] En d’autres termes, des lieux où on ne sait pas de quoi demain sera fait et où il est évident qu’il est difficile de ne pas être anxieux pour son bien-être et/ou pour son intégrité physique. Les sociétés postindustrielles, elles, avec des niveaux croissants de sécurité humaine, n’ont fait que se séculariser ces 50 dernières années.[9] Nous pouvons résumer cette idée par le fait qu’au fur et à mesure que l’existence est confortable, assurée et comportant peu de risques, l’intérêt pour les valeurs religieuses décline.

A titre d’illustration, le WVS a relevé que 20% des interrogés dans une société postindustrielle estiment que « la religion est très importante » contre 64% dans une société agraire.[10] 

  1. Simultanément à cela, il y a une part croissante de religieux dans le monde dû à une différence d’expansion démographique entre les sociétés postindustrielles et les sociétés agraires. Ceci s’explique par le fait que la sécularisation et le développement humain sont inversement proportionnels au taux de fécondité : Les pays les plus pauvres sont en expansion démographique, malgré une mortalité infantile considérable et une espérance de vie réduite[11], tandis que les pays sécularisés font moins d’enfants ; ils représentent donc de moins en moins de part de la population mondiale.

Selon les auteurs, une des causes principales de cette différence d’expansion démographique est le changement du rôle social des femmes dans les pays sécularisés : elles gagnent en indépendance, font leur propre choix de vie et de carrière et  leur rôle n’est plus uniquement d’enfanter.  

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