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Commentaire sur le discours de Michel Debré devant le Conseil d’État le 27 août 1958

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Par   •  2 Mars 2014  •  2 962 Mots (12 Pages)  •  4 771 Vues

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Projet de corrigé, commentaire de texte, Discours de M. Debré devant le Conseil d’État le 27 août 1958 (extrait).

On sait comme l’élaboration de la Constitution de 1958 s’est éloignée de la tradition parlementaire : d’avantage rédigée par de jeunes énarques et des professeurs de droit que par les parlementaires de la quatrième République, elle marque, dans ses origines même, son originalité.

Au terme d’une procédure ayant donné lieu à son examen par le Comité Consultatif Constitutionnel, l’avant-projet gouvernemental est soumis, le 27 août 1958, au Conseil d’État. A cette occasion, M. Debré explique aux magistrats administratifs que « le gouvernement a voulu rénover le régime parlementaire. (…) l’établir même car, pour de nombreuses raisons, la République n’a jamais réussi à l’instaurer ». Il s’agit donc, selon ce fervent admirateur du régime britannique entré au Conseil d’Etat en 1934, d’établir un régime parlementaire sans souveraineté parlementaire. L’extrait de son discours, consacré à la création du Conseil constitutionnel, se situe dans cette perspective d’édification d’un nouveau régime parlementaire qu’on dira rationalisé pour marquer la rupture avec le régime d’assemblée.

À cet égard, les propos de Michel Debré rendent compte d’une forte tension entre les deux impératifs des hommes de 1958 : instituer un organe compétent pour enrayer la dynamique absolutiste du Régime parlementaire français tout en évitant de poser les bases d’un gouvernement des juges susceptible de se concrétiser dès lors que le pouvoir judiciaire serait compétent pour censurer la loi.

Ainsi le Conseil constitutionnel est-il dépeint comme l’instrument d’une volonté d’assurer le respect effectif des dispositions constitutionnelles relatives à l’encadrement du Parlement (§I) et d’éviter de créer une véritable juridiction constitutionnelle (§II).

I. Le garant d’un parlementarisme équilibré.

Dans l’entreprise d’ingénierie constitutionnelle à laquelle se livrent les rédacteurs du projet soumis pour avis au Conseil d’État, le Conseil constitutionnel fait figure d’innovation de première importance. Véritable contrôleur de l’organe parlementaire (B), celui dont on a pu dire qu’il était « le chien de garde de l’exécutif » fait figure de rouage central dans le projet de rationalisation du régime parlementaire (A).

A. Le Conseil constitutionnel, organe de la rationalisation du parlementarisme.

Alors que la Constitution de 1946, qui projetait d’assurer la stabilité du gouvernement et l’efficacité parlementaire, a échoué à réaliser ses ambitions, les rédacteurs du texte de 1958 entendent bien concrétiser le projet de « rationalisation du parlementarisme ». C’est là le fil d’Ariane qui soude toutes les dispositions de la Constitution de la Ve République : abaisser le rôle du Parlement, mettre fin à l’hégémonie des Assemblées et restaurer l’autorité de l’État. Or cette dynamique de restauration de l’État par le renforcement des organes exécutifs et l’attribution au Président d’un rôle central a besoin d’instruments nouveaux.

De ce point de vue, il n’est pas anodin que la Constitution ait été rédigée non par des parlementaires mais par de jeunes énarques et professeurs de droit plus enclin à créer de nouveaux instruments pour redistribuer les compétences et rééquilibrer les pouvoirs.

Ainsi lorsqu’il s’agit de déterminer comment rééquilibrer le régime parlementaire, l’une des voies retenues et ici présentée par M. Debré, l’instauration d’un Conseil constitutionnel, est une originalité.

Si l’entreprise de rationalisation du parlementarisme n’est pas réductible à la seule création du Conseil constitutionnel – les règles de la mise en jeu de la responsabilité du gouvernement ainsi que la répartition constitutionnelle des compétences normatives font figure de véritables symboles à cet égard – ce dernier est un élément central.

L’auteur, qui affirme que « L’existence de ce Conseil représent(e) une grande et nécessaire innovation », exprime là une idée forte, au fondement du nouveau régime : les excès du parlementarisme ne peuvent être régulés par la pratique politique, seules les ressources de la technique juridique sont susceptibles d’y mettre un terme. Convaincus qu’en France, « la stabilité gouvernementale ne peut résulter d’abord de la loi électorale mais au moins en partie de la réglementation constitutionnelle », c’est en parvenant à soumettre effectivement le Parlement au cadre constitutionnel que M. Debré et les rédacteurs du projet de Constitution pensent mettre un terme à l’absolutisme parlementaire.

Mais l’existence ne suffit pas, encore faut-il, pour empêcher le Parlement d’excéder ses compétences, que le nouvel organe soit doté d’une authentique autorité. Regrettons que l’auteur en reste à une simple allusion lorsqu’il fait état de « l’autorité qui doit être » celle du Conseil constitutionnel. Était-ce faire là une référence implicite au futur article 62 al. 2 de la Constitution qui prévoit que les décisions du Conseil ne sont susceptibles d’aucun recours et s’imposent aux pouvoirs publics ainsi qu’à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ? La question est délicate : l’absence de recours fait référence à la nature juridictionnelle de la décision et donc de l’organe qui la prend. Nous verrons que ce n’est pas le sens des propos de l’auteur qui considère le Conseil comme un organe de surveillance du Parlement.

B. Le Conseil constitutionnel, contrôleur de l’organe parlementaire.

Ainsi élevé au rang d’une « grande et nécessaire » innovation, le Conseil constitutionnel est doté d’attributions qui font l’objet d’inégaux développements dans l’extrait sélectionné. Sans doute faut-il voir là l’expression de contraintes liées à l’exercice auquel se livre l’auteur : selon toute vraisemblance, la vérification du règlement des assemblées ainsi que le contrôle des élections contestées ne constituent pas des points susceptibles de rencontrer une farouche opposition de la part des magistrats.

« L’examen du règlement des assemblées » par le Conseil constitutionnel, dont on sait désormais qu’il a obligatoirement lieu avant qu’ils n’entrent en application, n’était prévu qu’à titre facultatif dans l’avant-projet.

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