RSE Partie Prenantes
Mémoires Gratuits : RSE Partie Prenantes. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Verrauh • 27 Octobre 2014 • 4 401 Mots (18 Pages) • 861 Vues
Cet article porte sur la notion de parties prenantes (stakeholders) et les travaux que lui consacre la recherche nord-américaine en gestion. Cette notion est devenue centrale dans les analyses de la responsabilité sociale de l’entreprise1 (RSE), car elle est intuitivement intéressante et séduisante et possède un incontestable pouvoir heuristique. Cet attrait tient pour partie à la mise en débat public de l’entreprise qu’elle peut impliquer. Pourtant les résultats qu’elle a produits dans le champ de la recherche paraissent très en deçà des espoirs qu’elle suscite. Pourquoi ? À notre avis, elle souffre fondamentalement d’un défaut de théorisation, d’une conceptualisation insuffisante que ce papier s’attache à analyser ; elle reste surtout prisonnière de certains présupposés théoriques et politiques lourds de conséquences. Le contractualisme qui la sous-tend ne peut conduire que vers des formes de volontarisme et de libéralisme dont les limites pour la RSE ont été amplement soulignées.
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Le terme de stakeholder est difficile à rendre en français ; l’usage est de le traduire par « parties prenantes », ce qui gomme l’opposition fondatrice entre stakeholders et stockholders (actionnaires). Certains lui préfèrent alors « parties intéressées » ou « porteurs d’enjeux », voire « ayant-droit », sans doute plus fidèles, dans l’esprit, à l’anglais, mais moins évocateurs en français (voir Capron et Quairel-Lanoizelée, 2007).
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Freeman (1999 : 234) indique que si le terme de stakeholder s’est imposé concurremment à d’autres, comme interest groups ou publics, c’est pour de bonnes raisons : ce terme constitue un jeu de mots remettant en question le primat des actionnaires (stockholders). Il existe des enjeux et des intérêts importants au-delà de la seule propriété du capital ; même s’il est souvent plus correct en français de rendre la notion de stake par intérêt, l’idée d’enjeu y est également importante : quelque chose se joue entre l’entreprise et ses parties prenantes. Le choix du terme français, même s’il est souvent considéré comme maladroit ou approximatif, n’est certainement pas innocent (mais nous ne possédons pas d’éléments sur ses origines).
2 Ce que confirme aisément la consultation de bases de données bibliographiques.
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Il nous paraît alors opportun d’examiner les développements conceptuels de la théorie des parties prenantes, ses soubassements théoriques, pour cerner les enjeux qui s’y attachent et les défis qu’elle pose à la recherche sur la RSE. Cette théorie a fait l’objet de développements abondants dans le monde de la recherche nord-américaine ; pour Donaldson et Preston (1995 : 65) le volume de publications en la matière, après une dizaine d’années de développements, représentait déjà une douzaine d’ouvrages (à vocation scientifique, pédagogique ou de vulgarisation) et plus d’une centaine d’articles (y compris dans les revues nord-américaines les plus prestigieuses, généralistes en management ou spécialisées en éthique des affaires, business and society…) ; ces nombres ont au moins doublé depuis2. Centrale dans les développements pratiques de la RSE (Capron et Quairel-Lanoizelée, 2007), la notion de parties prenantes est elle-même porteuse d’enjeux qui dépassent les seules communautés académiques : quelles perspectives offrent les travaux de recherche qui en ont fait leur objet central ?
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Dans un premier temps, nous soulignons les limites des tentatives de définition de la notion de parties prenantes. Dans un deuxième temps, nous examinons la pertinence des fondements théoriques, en particulier contractualistes, de la théorie des parties prenantes et soulignons leurs limites pour la RSE. Nous mettons en évidence dans un dernier temps les conceptions sociopolitiques sous-jacentes à la théorie des parties prenantes, leurs implications pour la RSE et les risques qu’elles représentent en la matière. En conclusion, nous suggérons quelques voies d’approfondissement et de renouvellement, nécessaires à notre avis pour fonder plus solidement les analyses de la RSE.
1. Frontières et formes des parties prenantes
3 Nous rejoignons assez largement les analyses de Acquier et Aggeri, 2008.
4 Comme l’indiquent Acquier et Aggeri, 2008.
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Rappelons tout d’abord brièvement la généalogie de la notion de parties prenantes3. Si cette notion est évoquée par des chercheurs dès les années soixante au moins, c’est avec l’ouvrage fondateur de Freeman (1984) qu’elle acquiert ses lettres de noblesse. Cet ouvrage constitue indubitablement le point de départ de la théorie des parties prenantes. Il s’agissait pour Freeman, philosophe de formation, de proposer une vision alternative de la firme et de son environnement en termes de parties prenantes et à partir de là, une nouvelle approche de la stratégie d’entreprise. Les parties prenantes sont définies « comme tout groupe ou individu qui peut affecter l’atteinte des objectifs de l’entreprise ou être affectée par celle-ci ». Dès lors, sont dépassées les visions restrictives de la stratégie4, se limitant à la confrontation de l’entreprise avec ses seuls actionnaires (théorie de l’agence) ou ses seuls concurrents (théories de l’avantage concurrentiel comme celles de Porter). Freeman invite alors à intégrer dans le management stratégique un ensemble de variables sociopolitiques, au-delà des seules forces concurrentielles ou des injonctions des actionnaires.
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Dans le domaine de la stratégie, l’approche proposée par Freeman, quoique novatrice semble avoir eu assez peu d’échos et d’impacts. La même année en France, Martinet (1984) publiait un ouvrage avec des idées assez voisines, mais sans plus d’échos. C’est avec l’essor des travaux sur la RSE en particulier que ces travaux seront réévalués et considérés comme pionniers.
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Il semble qu’en fait, l’approche en termes de parties prenantes proposée par Freeman a surtout eu des échos chez les chercheurs travaillant sur la RSE, les relations entreprise-société (business and society) ou dans le champ de l’éthique des affaires. À partir de là, se développera la théorie des parties prenantes, avec une double filiation, managériale et éthique. Cette double filiation
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