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Commentaire d'arrêt 25 juin 2014

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Par   •  14 Novembre 2017  •  Commentaire d'arrêt  •  3 077 Mots (13 Pages)  •  3 061 Vues

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Commentaire :

Cour de cassation, Assemblée plénière, 25 juin 2014, n°13-28.369 Affaire « Baby-Loup »

        

        Dans un arrêt de rejet rendu par la  Cour de cassation en Assemblée plénière le 25 juin 2014, la Haute-Cour  s’est prononcée sur la question de la restriction à la liberté de manifester sa religion édictée par le règlement intérieur de la crèche Baby-Loup.

En l’espèce, une salariée a été engagée en qualité d’éducatrice de jeunes enfants exerçant les fonctions de directrice adjointe de la crèche et halte-garderie gérée par l’association Baby Loup. Après un congé maternité et un congé parental, cette salariée revient sur son lieu de travail vêtue du voile, une tenue en complète contradiction avec le règlement intérieur.

Son employeur décide alors de la convoquer par lettre à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement avec mise à pied à titre conservatoire mais elle  refuse de s’y conformer, occupant son lieu de travail,  ce qui  mène l’employeur à la licencier pour faute grave.

Saisie par la salariée s’estimant victime de discrimination d’une demande en nullité de son licenciement et en paiement de diverses sommes, le Conseil des Prud’hommes a jugé le licenciement valide au nom des  principes de laïcité et de neutralité imposés aux crèches de droit privé remplissant une mission de service public.

Le Conseil des Prud’hommes de Mantes la Jolie s’est donc positionné contre la HALDE qui avait estimé  la salariée, victime de discrimination par son  employeur et condamné le licenciement intervenu.

La Cour d’appel de Versailles a validé le licenciement, estimant les restrictions apportées par le règlement intérieur à la liberté de manifester ses convictions religieuses de la salarié justifiée par la nature même de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.

La chambre sociale de la Cour de cassation a censuré le jugement rendu par la Cour d’appel de Versailles et  renvoyé les parties devant la cour d'appel de Paris.

La cour d’appel de Paris  dans un arrêt du 27 novembre 2013 rend une solution contraire déclarant le licenciement de la salariée justifié.

La salariée se pourvoit alors en cassation.

La requérante fait grief à l’arrêt d’avoir violé les articles L. 1121 1, L. 1132 1, L. 1133 1 et L. 1321 3 du code du travail, ensemble l’article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article 4 § 2 de la directive 78 /2000/CE du 27 novembre 2000 en qualifiant l’association Baby Loup d’entreprise de conviction alors que son objet statutaire n’exprime aucune adhésion à une doctrine philosophique ou religieuse.

Elle relève que l’article 14 de la Convention relative aux droits de l’enfant  n’emporte aucune obligation qu’une entreprise recevant de petits enfants ou dédiée à la petite enfance soit obligée d’imposer à son personnel une obligation de neutralité ou de laïcité.

La salariée reproche également à la Cour d’appel d’avoir permis au règlement intérieur de la crèche Baby Loup de restreindre sa liberté de manifester sa religion alors que selon la jurisprudence de la Cour européenne seule la loi nationale le peut.

Elle fait grief à la Cour d’appel de s’être fondé sur les autres griefs invoqués dans la lettre de licenciement pour justifier le licenciement alors que le licenciement, prononcé en violation d’une liberté ou d’un droit fondamental ou pour un motif discriminatoire, est nul.

Afin de préserver le respect des principes de « laïcité et de neutralité », une association peut-elle restreindre la liberté de manifester ses convictions religieuses sur le lieu de travail ?

L’Assemblée plénière donne raison à la Cour d’appel de renvoi en ce qui concerne l’appréciation du règlement intérieur et sa décision de déclarer le licenciement justifié mais rejette la qualification d’entreprise de conviction.

La Cour de cassation en Assemblée plénière par son arrêt du 25 juin 2014  contrôle de manière restreinte l’appréciation du règlement intérieur par la Cour d’appel de renvoi (I) et rend une décision nuancée (II).

I. Un contrôle restreint de l’appréciation du règlement intérieur par la Cour d’appel

        

        Le contrôle effectué par la Cour de cassation quant à l’appréciation du règlement intérieur de la crèche Baby-Loup par la Cour d’appel de Paris aboutit à la réaffirmation du principe de laïcité et de neutralité (A) et à ce que la Cour de cassation déclare la restriction de la liberté individuelle de manifester sa religion proportionnée et précise (B).

A. La réaffirmation du principe de laïcité et de neutralité

        La Cour de cassation confirme l’appréciation faite par la Cour d’appel de renvoi en relevant que « le règlement intérieur de l’association Baby Loup, tel qu’amendé en 2003, disposait que le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s’appliquent ».

La laïcité est un principe constitutionnel d’organisation de l’Etat, fondateur de la République que l’on retrouve également à l’article 10 de la DDHC et dans la loi du 9 décembre 1905. L’article 1er de la Constitution dispose que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. »

Elle est également une composante de la liberté de religion, la Cour européenne des droits de l’homme dans un arrêt Kokkinakis contre  Grèce du 25 mai 1993 définit la laïcité  comme étant  « l'une des assises d'une société démocratique ».

En France, la laïcité conditionne le comportement de l'État à l'égard de toutes les confessions religieuses. Selon Maurice Hauriou, elle oblige à limiter l’action étatique dans la règlementation des rapports sociaux, dans les affaires extérieures  et non dans le champ des consciences et du for intérieur.

La neutralité découle de l’un des principes fondamentaux des services publics mis en évidence par Rolland, l’égalité devant le service public.

Ce principe de neutralité a été consacré par le Conseil constitutionnel dans la décision

n° 86-217 DC du 18 septembre 1986 qui a interdit que le service public soit assuré de façon différenciée sur la base des convictions politiques ou religieuses, il instaure cette égalité pour les agents assurant le service et pour les usagers en bénéficiant.

La tendance égalité/neutralisation implique que le service public  neutralise les opinions religieuses dans le cadre de l’exécution de sa mission d’intérêt général.

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