Commentaire – CE, 29 juin 2011, Sté Cryo-France, n° 343188
Commentaire d'arrêt : Commentaire – CE, 29 juin 2011, Sté Cryo-France, n° 343188. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar math7534 • 20 Novembre 2023 • Commentaire d'arrêt • 2 343 Mots (10 Pages) • 259 Vues
Commentaire – CE, 29 juin 2011, Sté Cryo-France, n° 343188 Première version
L’exercice par les établissements et organismes de l’activité décrite à l’article L. 1243-2 du code de la santé publique (ci-après : « CSP ») – tel que résultant de l’ordonnance du 26 avril 2007 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament – est subordonné à l’octroi d’une autorisation délivrée par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, les conditions et modalités de délivrance de cette dernière devant, aux termes de l’article L. 1243-9 du même code, être précisées par un décret en Conseil d’Etat. L’article R. 1243- 4 du CSP fut en ce sens modifié à deux reprises par le pouvoir réglementaire – tout d’abord par un décret du 16 septembre 2008, puis par un décret en date du 31 mars 2010, consécutivement à la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. Il y est notamment prévu que la « demande d’autorisation ne peut être examinée que si elle est accompagnée d’un dossier justificatif dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé de la santé. » Saisi par la société Cryo-France afin d’adopter l’acte administratif visé à l’article R. 1243-4 précité, le ministre en charge de la santé ne donnera pas suite à cette demande.
La société saisit donc le Conseil d’Etat le 10 septembre 2010 en vue d’obtenir l’annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre en charge de la santé et de l’enjoindre sous astreinte à publier l’arrêté précité, la juridiction administrative suprême étant effectivement compétente pour connaître, aux termes de l’article R. 311-1. 2° du CJA, des « recours dirigés contre les actes réglementaires des ministres ». Or le refus de prendre un tel acte doit également être considéré comme tel (CE, Ass., 8 juin 1973, Richard, n° 84601).
Il revenait donc au Palais-Royal de déterminer si l’inertie du ministre chargé de la santé n’empêchait pas l’application du dispositif prévu à l’article L. 1243-2 du CSP.
Considérant que la seule absence du modèle de dossier n’était en soi pas suffisante pour empêcher l’application de la disposition précitée, le Conseil d’Etat rejette la requête de la société Cryo-France. Si cette décision s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence relative à l’obligation pesant sur le pouvoir réglementaire de prendre les actes de nature à permettre l’application de la loi, elle est l’occasion pour la haute juridiction de préciser le considérant de principe issu de sa décision Association France Nature Environnement en date de 2000 (CE, 28 juill. 2000, n° 204024),
Ces précisions restent toutefois surabondantes et témoignent d’une forme d’insistance de la part du Conseil d’Etat sur la nécessité pour le pouvoir réglementaire de prendre toutes les mesures nécessaires à l’application de la loi (I), obligation dont le contrôle par le juge administratif est peu aisé, même si la solution paraissait assez évidente en l’espèce (II).
I) L’extension logique de l’obligation à l’ensemble des mesures réglementaires nécessaires à l’application de la loi
A) Le rappel d’une jurisprudence classique
1) Une solution ancienne synthétisée par l’arrêt Association France Nature Environnement
« Considérant que l'exercice du pouvoir réglementaire comporte non seulement le droit, mais aussi l'obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu'implique nécessairement l'application de la loi, hors le cas où le respect des engagements internationaux de la France y ferait obstacle ; »
Le Conseil d’Etat se contente ici de rappeler le considérant de principe tiré de l’arrêt Association France Nature Environnement. Ce dernier ne faisait d’ailleurs que synthétiser les solutions qui avaient été dégagées antérieurement en jurisprudence. Comme le résumera plus tard Nicolas Polge dans ses conclusions sur l’arrêt Syndicat départemental CFDT des services de santé et des services sociaux des Hauts- de-Seine et Mme R... (CE, 25 oct. 2017, n° 405239).
« [L]e Premier ministre n’est tenu de prendre les mesures réglementaires d’application d’une loi que lorsque l’absence de ces mesures rendrait impossible l’application de la loi (Sect. 13 juillet 1951, Union des anciens militaires titulaires d’emplois réservés à la SNCF, p. 403 ; 13 juillet 1962, Kevers-Pascalis, p. 475 ; Ass. 27 novembre 1964, Vve Renard, p. 590 ; 30 décembre 1998, P..., n° 183827, p. 51 ; 28 mai 2003, C... et autres, n°247492, T. 646 ; 7 mars 2008, Fédération nationale des mines et de l’énergie CGT (FNME – CGT), n°298138, T. 594, 758, 941), et, comme le souligne le Professeur Chapus (DAG I, 14ème éd. N°884), il est à cet égard “indifférent que le texte de base ait ou non prévu que des règlements d’application seraient pris’’ (Ass. 26 février 1954, Départ. de la Guadeloupe, p. 129). »
Cet arrêt en date du 25 octobre 2017 renferme d’ailleurs le considérant de principe de l’arrêt Association France Nature Environnement. La précision issue de la décision Société Cryo-France n’apparaît pas.
2) Une solution logique au regard de la fonction traditionnelle du pouvoir exécutif
Cette obligation pesant sur le pouvoir réglementaire n’a rien de surprenant. Le fait de parler de pouvoir exécutif est en soi assez parlant – même si ses fonctions ont notablement changé avec la Constitution du 4 octobre 1958 et l’apparition d’un pouvoir réglementaire autonome (articles 34 et 37 de la Constitution). Du reste, l’article 21 de la Constitution dispose notamment que le Premier ministre « assure l’exécution des lois ». Il ne s’agit donc pas d’une faculté, ni d’un droit, mais bien d’une obligation (obligation qui a pris une ampleur nouvelle avec la consécration du pouvoir d’injonction au profit du juge administratif par l’article 62 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995), et plus précisément d’une obligation de résultat – ce qui ressort explicitement des décisions précitées.
Aussi cette obligation n’a rien d’étonnant au sein d’un Etat de droit. L’enjeu est de s’assurer que la loi, expression de la volonté générale, puisse être appliquée. Il est possible de faire un lien avec l’article 1er du Code civil qui dispose entre autres que l’entrée en vigueur des dispositions législatives « dont l’exécution nécessite
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