Les élus locaux ont-ils du pouvoir ?
Dissertation : Les élus locaux ont-ils du pouvoir ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Heyheyhey16 • 14 Octobre 2021 • Dissertation • 2 863 Mots (12 Pages) • 627 Vues
Dissertation : Les élus locaux ont-ils du pouvoir?
« Incarner une république plus responsable, plus efficace et plus démocratique » - Exposé des motifs de projet de loi constitutionnelle de 2003.
Les deux motivations qui ont sous-tendues la décentralisation sont: l’efficacité et la démocratie. Le critère d’efficacité suppose de donner plus de compétences aux autorités locales élues afin de renforcer l’efficience de la gestion publique. Il en va de même pour le critère démocratique, dans la mesure où le pouvoir n’est plus concentré au centre. Partant, la décentralisation s’accompagne d’un transfert de compétences des autorités centrales vers les autorités locales. Ces autorités locales, plus communément nommées «Collectivités Territoriales» (CT) sont diverses (communes, départements, régions…) et sont définies dans le Titre XII de la Constitution. Les élus de ces CT détiennent des pouvoirs car d’une part celles-ci ne sont point de simple relais de l’État, en vertu du principe de libre administration disposé aux termes de l’article 72 de la Constitution. D’autre part, les CT ne sont pas spécialisées, elles ont vocation à traiter les affaires des territoires qui les concernent dans le respect de la Constitution; les élus locaux ont alors des compétences très larges, les régions et les départements ont même pendant longtemps bénéficier de la « clause de compétences générales ». En outre, le pouvoir accordé aux élus locaux revêt quatre dimensions qui se recoupent dans l’exercice quotidien de leurs fonctions: Il peut être envisagé comme une autorité investie d’une fonction de régulation politique (compétence à agir); le pouvoir peut être assimilée à la faculté de produire des normes juridiques sur le territoire qu’ils contrôlent; il peut aussi être vu comme étant la capacité à agir (mobiliser des ressources); enfin le pouvoir renvoie aussi à la capacité à orienter le comportement ou l’action d’autrui (« La capacité à faire triompher sa volonté au sein d’une relation sociale »- Weber). Toutefois, depuis les années 2010, on remarque que les réformes ont tendance à limiter la capacité à agir des élus locaux. Or, pour mettre en place une décision politique il faut les ressources pour, sinon la décision reste vaine. Il semble alors pertinent de questionner le paradoxe entre compétences à agir et capacités à agir dans sa dimension juridique mais aussi dans sa dimension sociologique, en se demandant : Quels sont les contours du pouvoir des élus locaux en France? Comment les élus locaux dépassent-ils les limites de leur pouvoir imposer par le cadre juridico-institutionnel via le développement de stratégies? Si dans un premier temps il semble que dans l’espace juridico-institutionnel le pouvoir central tente de faire passer des réformes réduisant le pouvoir des élus locaux via la restriction de leur capacité à agir, donnant lieu à des luttes d’influence entre le local et le national. Il semble que les élus locaux parviennent à renforcer leur capacité à agir autrement que dans le cadre juridico-institutionnel, via le développement de stratégies, d’interactions avec leur territoire et d’interactions avec des acteurs tiers à celui-ci; leur permettant de se légitimer, d’affirmer leur leadership et de redéfinir leurs missions et l’action publique.
I - Les contours du pouvoir des élus locaux au sein du cadre juridico-institutionnel: la réduction de la capacité à agir depuis les années 2010 et la lutte des élus locaux pour influencer les réformes décentralisatrices/centralisatrices
Les récentes réformes du gouvernement central ont fait advenir un paradoxe, dans la mesure où elles semblent vouloir accorder plus d’autonomie aux collectivités territoriales, et donc de ce fait aux élus; alors même que depuis le mandat de Nicolas Sarkozy s’est amorcée une tendance recentralisatrice. Toutefois, les élus locaux tentent de s’opposer à cette restriction en usant d’une autre forme de pouvoir au sein des cadres institutionnels et juridiques; en exerçant leur capacité à orienter l’action des élus nationaux, via des mobilisations et via l’accession de certains aux arènes du jeu politique national.
A- L’ébranlement du pouvoir des élus locaux par l’acte III de la décentralisation : la réduction de la capacité à agir
Nous pouvons distinguer trois actes de la décentralisation, qui révèlent le paradoxe entre l’articulation des différentes facettes du pouvoir des élus locaux (compétences vs. capacités) et la façon dont les gouvernements centraux successifs voient cette articulation.
Le premier acte de la décentralisation constitué des lois Defferre, ayant lieu dans les années 1980, entérine une triple décentralisation. Une décentralisation financière, les divers transferts de compétences sont accompagnés du transfert de nouvelles ressources financières aux CT, avec par exemple la globalisation des aides financières sous la forme de dotation, l’argent n’est plus préaffecté à un domaine particulier. De plus, on assiste à une décentralisation politique, avec par exemple le transfert en 1982 du pouvoir exécutif qui appartenait au préfet vers les présidents du conseil général et régional. Enfin, il y a une décentralisation administrative, les lois des 7 et 22 juillet 1983 organisent un transfert de compétences de l’État vers les CT (ex:les départements obtiennent des compétences générales en matière de prestations sociales). Subséquemment, l’acte II de la décentralisation est porté par JP Raffarin, bien que cet acte adopte des symboles forts (ex: inscription du principe de subsidiarité à l’art 72) il s’agit d’une décentralisation administrative. Cet acte a surtout consisté en un transfert de compétences (ex: loi du 18/12/2003 qui décentralise le RMI). Cependant, le pouvoir conféré par ces transferts de compétences en faveur des élus locaux se trouvent fortement diminué par une nouvelle tendance amorcée sous Sarkozy. En outre, la loi NOTRe de 2015 supprime la clause de compétences générales pour les régions et les départements, achevant leur principe de non spécialisation et réduisant le champ d’action des élus. Au demeurant, le pouvoir des élus est particulièrement affaibli par les nombreuses coupures budgétaires des CT. Emmanuel Macron défend le principe de « l’économie contre l’autonomie », c’est-à-dire que l’État donnera plus d’autonomie aux CT à condition qu’elles dépensent moins, stratégie illustrée par les Contrat de Cahors. Les élus locaux dénoncent une forme de recentralisation par la contrainte budgétaire, une forme d’amoindrissement de leur pouvoir donc.
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