La multiplication des régimes démocratiques contribue-t-elle à la pacification des relations internationales ? Comment ?

Question : La multiplication des régimes démocratiques contribue-t-elle à la pacification des relations internationales ? Comment ?

Réponse : « Les démocraties ne se font pas la guerre », déclarait Bill Clinton, en janvier 1994 dans son Adresse sur l’État d’Union. Cette idée de paix démocratique, ou encore de paix libérale, semble faire aujourd’hui consensus dans le monde occidental. Elle ne date pourtant pas du début des années 90 ; on peut en effet remonter jusqu’à Kant, qui quelques siècles plus tôt, développait déjà son Projet de paix perpétuelle (1795), une paix durable qui serait basée sur trois grand piliers : « les constitutions républicaines, les échanges commerciaux et un système de droit international et d’organisations internationales^[1] ». Ce n’est cependant que durant le 20e siècle que l’on se pencha plus sérieusement et de façon empirique sur le concept de paix démocratique, avec la croissance du nombre de régime démocratique dans le monde. Il apparait nécessaire, avant de s’attaquer à la question posée, de définir le concept de « pacification des relations internationales ».

Le concept de pacification des relations internationales, de par sa nature, ne s’intéresse qu’à la paix entre état. Toutefois, ce concept n’est qu’une représentation partielle, à un niveau interétatique, d’un concept plus large, soit la paix. La paix au niveau international ne peut être considérée de façon pertinente que si tout d’abord il existe un état de paix au niveau national. Ce constat m’amènera donc à répondre à la question en deux temps ; tout d’abord directement et selon les termes utilisés, puis deuxièmement en la précisant à l’aide d’une autre question : la démocratisation des états les rendent-ils plus pacifique ?

La multiplication des régimes démocratiques contribue-t-elle à la pacification des relations internationales ?

Il apparait évident que les rapports entre états démocratiques sont beaucoup plus pacifiques que les rapports entre tout autre type d’état. L’histoire et les données empiriques tendent en effet à confirmer ce constat : on ne compte en effet que cinq cas de conflits armés entre démocratie dans les deux derniers siècles : États-Unis/Grande- Bretagne (1812), États-Unis/Mexique (1845-46), États-Unis/Espagne (1895-98), France/Grande-Bretagne (Fachoda,1898) et les Alliés/Finlande alliée à l’Allemagne nazie^[2].

D’un point de vue statistique, John R. Oneal et Bruce Russett^[3] ont démontré que « deux démocraties sont moins susceptibles, dans une proportion de 58%^[4], de participer à un conflit interétatique militarisé fatal que le cas de référence». À l’inverse, ils affirment que deux autocraties sont plus à risque de 65%^[5] d’être impliquées dans un conflit. Cependant, Oneal et Russett concluent aussi qu’une démocratie et une autocratie sont de 269%^[6] plus à risque d’entrer dans un conflit militarisé interétatique que le cas de référence. Les démocraties seraient donc plus pacifiques entre elles, mais ne se gêneraient pas pour entrer en conflit avec des régimes qui ne partagent pas les mêmes valeurs, ces régimes souvent classés de barbares. Cette classification qui a d’ailleurs permis la mise place diverses techniques de légitimation de la guerre au fil du temps.

La démocratisation des états les rendent-ils plus pacifique ?

Qu’en serait-il si Bill Clinton avait dit « les démocraties ne font pas la guerre » en 1994 ? Car l’aspiration derrière la question posée sur la pacification des relations internationales ne peut être autre que l’atteinte d’un niveau de paix mondiale plus grand. Et si de savoir que les démocraties se font considérablement moins la guerre entre elles est un constat encourageant, on ne peut toutefois attendre l’avènement d’un monde où tout État serait une démocratie pour espérer une augmentation du niveau de paix mondiale. Il devient donc pertinent de savoir si un régime démocratique est nécessairement garant d’actions plus pacifiques à l’égard des pays non démocratiques, et si tel est le cas, pourquoi et dans quelle mesure ?

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