Etat fédéral et souveraineté

L'Etat fédéral est-il pleinement souverain?

        "Les adeptes du fédéralisme comparé sont les premiers à le savoir : le fédéralisme présente une étonnante variété d’expressions à travers des pays aussi divers que les États-Unis, la Russie, les Émirats Arabes Unis, l’Espagne ou la Malaisie. C’est un peu comme la peinture : elle existe depuis fort longtemps et sous de multiples formes". Ce sont ici les premières lignes d'un article de la Revue L'Europe en Formation. L'article présente le fédéralisme comme "plus fragile et plus nécessaire que jamais" et comme un système politique dont l'institutionnalisation varie d'un pays à l'autre.

Mais qu'est-ce que le fédéralisme? Le fédéralisme se traduit par un Etat fédéral (l'organisme central) qui délègue certains de ces pouvoirs (administratif, législatif, juridique...) à des états dits fédérés. Cette organisation politique est définie par une Constitution fédérale. Le fédéralisme est en effet un système qui prend des formes variées. Il peut être symétrique: tous les états fédérés ont le même pouvoir et se voient délégués les mêmes compétences; ou asymétrique lorsque la répartition des pouvoirs n'est pas égale et que les compétences diffèrent d'un état à l'autre.

Ceci étant défini, nous évoquerons une citation d'Austin qui est la suivante: "La loi est le commandement d’un être supérieur déterminé à un inférieur, c’est-à-dire un commandement du souverain sur le sujet. L'essence du droit est la force coercitive de l'État". Cet extrait nous laisse donc penser que l'essence même de l'Etat est la souveraineté.

La souveraineté se traduit par l'autorité suprême, le droit absolu d'exercer son autorité sur un sujet.

Mais si la souveraineté est ce pouvoir absolu et indivisible, nous pouvons nous questionner sur l'origine souveraine du fédéralisme. Ainsi, cet essai portera sur le questionnement de la souveraineté dans le fédéralisme.  Ainsi, l'Etat fédéral est-il pleinement souverain?

        1) La souveraineté comme indissociable de l'Etat

« La souveraineté est la forme qui donne l’estre à l’Estat, […] la souveraineté est le comble et période de la puissance où il faut que l’Estat s’arreste et s’établisse », écrit Charles Layseau dans le second chapitre du Traité des Seigneuries.

                A) La souveraineté indivisible et absolue: La souveraineté Nationale

La souveraineté est indivisible est absolue. L'Etat ne reconnaît qu'un seul souverain qui possède tous les pouvoirs. La souveraineté a donc l'air irréalisable dans un Etat fédéral, où les pouvoirs et compétences se voient partagés entre toutes les entités fédérées. Mais Burdeau explique dans son livre L’Etat que « La nation naît d’un sentiment attaché aux fibres les plus intimes de notre être […] : la race, la langue, la religion, les souvenirs communs, l’habitat. […] La nation relève plus de l’esprit que de la chair ». La Nation, cette entité qui relie des individus pour en faire un peuple. La Nation est souveraine. Bien que les pouvoirs soient divisés et les territoires délimités, le sentiment d'appartenance national détient l'autorité absolue sur tous ses citoyens. "La nation relève plus de l'esprit que de la chair". La Nation représente donc cette autorité suprême et souveraine, indivisible et absolue, qui surpasse les divisions de compétences et de territoire et qui fait des entités fédérales et fédérées, un cousu indivisible.

                B) L'unilatéralisme de L'Etat fédéral: une représentation du souverain suprême

Si le sentiment national ne suffit pas à lier toutes ces entités, et que la hiérarchisation des pouvoirs nuit éventuellement à la souveraineté absolue de l'organisme central, l'unilatéralisme représente d'autant plus cette souveraineté suprême.

L'unilatéralisme est une doctrine qui consiste à prendre une décision arbitraire en prenant en compte un seul point de vue, généralement celui de l'Etat central dans des buts stratégiques. Les Etats-Unis qui est une nation fédérale est passé maître dans l'exécution de décisions unilatérales. Le Monde écrit: " Une sorte d'unilatéralisme 'à la carte', par lequel les Etats-Unis font appel à leurs partenaires en fonction de leurs talents ou de leur influence, mais s'autorisent également à agir seuls s'ils estiment que leur efficacité peut s'en trouver accrue."

C'est le cas pour leurs actions en Afghanistan notamment. Le fédéralisme est donc ici une illusion dans la mesure où, malgré les lois instaurées par la Constitution fédérale, l'Etat souverain peut dévier de cette Constitution pour agir arbitrairement. Nous pouvons donc nous interroger sur la nature fédérale d'Etats comme les Etats-Unis et sur l'essence même de la délégation symétrique des pouvoirs.

Néanmoins, au delà de l'unilatéralisme qui est une doctrine très rarement observée sur la scène politique à l'échelle même d'un pays, en Allemagne, la Constitution fédérale du 8 mai 1949 fixe à son article 30 le même principe : les pouvoirs appartiennent en principe aux Länders sauf pour ceux remis à l’Etat fédéral par cette même Constitution. La répartition de compétences implique donc l’existence d’une juridiction fédérale et suprême qui va devoir trancher les conflits de compétences entre Etat fédéral et entités fédérées puisque le principe fondamental du système est que le droit de la constitution fédérale prime toujours sur le droit des entités fédérées.

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