La naissance de la doctrine de la guerre juste
Dissertation : La naissance de la doctrine de la guerre juste. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Thomas Bedouelle • 6 Janvier 2021 • Dissertation • 3 225 Mots (13 Pages) • 944 Vues
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La naissance de la doctrine de la « Guerre Juste »
La juste guerre – Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique
« Les guerres justes sont des guerres limitées, menées conformément à un ensemble de règles destinées à éliminer, autant qu'il se peut, l'usage de la violence et de la contrainte à l'encontre des populations non-combattantes ». Voici la définition que nous donne Michael Walzer à propos de la notion de guerre juste dans Les Guerres justes et injustes. Michael Walzer, s’inscrit dans la lignée des grands théoriciens de la « guerre juste », dont l’un des précurseurs est Saint Thomas d’Aquin.
Thomas d’Aquin, religieux dominicain du 13ème siècle (1224 ou 1225 – 1274), célèbre pour avoir notamment réalisé la synthèse entre christianisme et la pensée Aristotélicienne alors que juste là c’était l’œuvre de Platon qui avait été largement diffusé en Occident. Issu d’une famille très puissante d’Italie, il rejoint l’ordre dominicain[1]. Il sera fortement influencé par son maître Albert le Grand à l’université de Paris, dominicain et commentateur d’Aristote.
Après sa mort, il sera canonisé en 1323 et proclamé Docteur de l’Eglise en 1567 pour son œuvre théologique et philosophique. Il composera ainsi durant les neufs dernières années de sa vie son ouvrage majeur : « La somme Théologique » qui se divise en trois parties, l’étude de Dieu comme principe, l’étude de la morale et de la politique et l’étude de l’ecclesiologie et la christologie. La somme contient ainsi 512 questions et 3000 articles, il y traite entre autres de la guerre à la question 40 (dont nous étudions un extrait ici) dans la partie concernant la charité et se pose la question suivante : Existe-t-il une guerre juste ?
La pensée de Saint Thomas, est également influencée par son époque. Le 13ème siècle est marqué par l’apogée de la Chrétienté et du Moyen-Âge. C’est un siècle marqué par des avancées intellectuelles sans précédents, mais aussi par les croisades. De plus à cette époque, l’Église jouit d’un grand pouvoir, la morale est supérieure aux lois
La somme théologique est une œuvre qui consiste à poser des questions, émettre des hypothèses, contredire et faire des conclusions. Il applique en effet à travers cet ouvrage, la méthode scolastique qui consiste à décomposer une question en autant d’article nécessaire pour y répondre en alliant morale, théologie, philosophie et textes saints. Le courant scolastique commence dès l’antiquité avec Saint Augustin (354 - 430) qui cherche à rallier foi et raison. Chaque article de la somme est divisé en quatre parties : les objections en faveur de la thèse, les contre-arguments, la réponse et la solution qui montre lesquels des arguments des différents points de vue sont vrais ou faux.
Dans la somme théologique, à la question 40, Saint Thomas nous donne donc trois conditions (que nous développerons un peu plus tard) qui permettent de définir une guerre de juste à savoir l’autorité du Prince, la cause juste et l’intention droite. Enfin partant de cet enseignement, il répond ensuite à deux objections des pacifistes sur l’idée de celui qui prend l’épée périra par l’épée. En effet, s’il ne glorifie pas le bellicisme, il ne rejette pas non plus l’irénisme, c’est-à-dire le pacifisme radical.
Enfin, derrière ce concept de juste guerre, il faut bien percevoir à la fois le paradoxe exprimé par cette notion et la nécessité de sortir de ce paradoxe. Il parait ainsi plus que paradoxal d’associer la guerre impliquant violence, destruction (le mal) avec la justice permettant une coexistence pacifique et libre des individus dans la société (le bien). Or, si Saint Thomas nous parle de « guerre juste » c’est qu’il est possible de le faire. La notion qu’aborde Thomas d’Aquin ne se réduit ainsi pas uniquement à ce seul paradoxe. De plus, en affirmant que paix et guerre sont indissociables, Saint Thomas semble montrer que la guerre est un phénomène éternel dans l’histoire des sociétés humaines. Ainsi en quoi Saint Thomas formalise la notion en une règle internationale et en quoi s’inscrit-il dans le courant réaliste ? La réflexion s’axera tout d’abord sur les origines et la pensée de Saint Thomas (I). Par la suite nous étudierons l’enracinement de cette doctrine dans la théorie des relations internationales et ses critiques (II).
- La guerre au service de la paix
Saint Thomas formalise sa théorie à partir des pensées existantes découlant de plusieurs siècles de réflexion. Il théoriser ensuite sa pensée et donne trois conditions pour qu’une guerre soit juste (B)
- Approche historique
Saint Thomas, ne théorise pas le concept de « guerre juste » en tant que tel, il effectue un véritable travail de recherche afin de formaliser la notion. Il puise ainsi dans les travaux de l’antiquité pré-chrétienne, des Pères de l’Église mais également dans les écrits de Saint Augustin.
La philosophie grecque pose les prémisses du concept de « guerre juste ». Platon dans la république (livre V) appelait déjà les Grecs à la modération des combats entre les cités[2]. Cette notion sera également reprise partiellement par Aristote. Ensuite, Cicéron (106 av J.C. – 43 av J.C.), homme d’état romain, constitue le maillon principal de cette notion en occident. A travers ses écrits dans De officiis (44 av. JC), il semble être le premier philosophe à avoir abordé le sujet de « Guerre juste » en tant que tel. Il définit également le Jus ad bellum, c’est-à-dire le droit de procéder à la guerre en vertu d’une cause juste, d’une décision d’une autorité́ légitime qui a de bonnes intentions, qui a épuisé les solutions pacifiques et qui a bien évalué́ les chances du succès. Saint Thomas reprendra largement cette conception à quelques nuances près, de Cicéron qui justifie la déclaration de guerre par quatre conditions : Avoir toujours en vue l’obtention d’une paix juste, partir en guerre en dernier recours, ne guerroyer que pour une juste cause, déclarer la guerre en bonne et due forme et dans le respect du droit.
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