TD Président de la République
TD : TD Président de la République. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Lucas Da Silva • 22 Novembre 2017 • TD • 2 842 Mots (12 Pages) • 705 Vues
DA SILVA
Lucas
L1 Sciences Po
Dissertation : le Président de la République a-t-il (encore) des contre-pouvoirs ?
« Qu’est-ce que la Ve République, sinon la possession du pouvoir par un seul homme » disait François Mitterrand en 1964, bien avant d’être lui-même Président de la République à partir de 1981. Cette dénomination de Président de la République a souvent été utilisée dans les constitutions françaises pour nommer le chef de l’État. Il y a évidemment un lien entre la qualification d’un régime comme étant une République et la nomination d’un Président de la République ; c’est un système politique dans lequel la souveraineté appartient au peuple ou à un corps électoral qui exercent le pouvoir politique directement ou par l'intermédiaire de représentants élus. Ces derniers reçoivent des mandats pour une période déterminée et sont responsables devant la nation. Par ses représentants, le peuple est la source de la loi. L'’autorité de l’État, qui doit servir le "Bien commun", s’exerce par la loi sur des individus libres et égaux. Le titre de Président de la République fut utilisé pour la première fois par la constitution de 1848 qui prévoyait que le peuple français « délègue le pouvoir exécutif à un citoyen qui reçoit le titre de président de la République » (art. 43). Dès lors, à l’exception de la constitution de 1852 et de la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940, les constitutions françaises de 1875, de 1946 et de 1958 établirent un Président de la République. Cependant, une tendance se manifeste dans le langage courant et même officiel, c’est d’utiliser le titre de « chef de l’État » à la place de celui de Président de la République. Inaugurée sous la présidence du général de Gaulle, cette pratique semble aller de pair avec l’accroissement de l’importance du Président de la République au sein des institutions. Chef de l’État paraît sans doute plus noble que le titre de Président de la République qui fut porté par des hommes dotés de peu de pouvoir sous les IIIe et IVe Républiques. Lors de l’écriture de la constitution, il s’agissait de réformer la fonction présidentielle en faisant du chef de l’État un homme fort capable d’incarner une autorité pour faire face aux situations de crise, telle que celle que rencontre la France en mai 1958, lorsque, en pleine guerre d’Algérie, l’armée se soulève. Désormais, le Président de la République devait devenir un acteur de la vie politique et institutionnelle alors que la tradition des républiques précédentes en faisait un simple spectateur soumis au contrôle du Parlement. Si la nécessité d’avoir un Président de la République n’est plus contestée depuis longtemps, les aspects de la fonction restent variables en fonction des régimes et des époques. Tantôt une conception d’un pouvoir présidentiel fort où le chef de l’État agit politiquement dans le fonctionnement des institutions prédomine, tantôt c’est une conception d’un Président de la République qui exerce seulement une magistrature d’influence et qui se veut neutre qui est mise en avant. Ainsi, en 1958, la charge présidentielle a donc été redéfinie en fonction des nécessités du contexte politique et historique de l’époque, le passage de la IVe à la Ve République a changé le rôle et la place du Président au sein des institutions. Mais la fonction présidentielle a continué d’évoluer depuis 1958 au fil des changements de chefs d’État et des révisions constitutionnelles. Ainsi, par exemple la loi du 3 juin 1958 établissait la désignation du Président de la République par un corps électoral (composé des membres du Parlement, des conseils généraux et des assemblées des territoires d’outre-mer, les représentants élus des conseils municipaux…), ce mode de scrutin permettait de soustraire l’élection du Président de la République à l’influence trop importante des partis politiques. Mais la révision de la constitution de 1962 a permis d’introduire l’élection du chef de l’État au suffrage universel direct. Ceci a établi un lien direct entre le peuple et le Président de la République et l’a rendu indépendant vis-à-vis des parlementaires. En outre, le Président de la République détient de nombreux pouvoirs propres, c’est-à-dire des pouvoirs qui peuvent être mis en œuvre sans l’accord de quiconque (sans contreseing), c’est une innovation de la constitution de 1958 et c’est un élément essentiel de l’arbitrage qui lui est confié. Bien que possédant des pouvoirs propres, le Président de la République est encadré, ses pouvoirs sont tout de même évidemment limités et il partage certains pouvoirs notamment avec son Premier ministre. Il y a d’ailleurs dans la Ve République l’établissement d’un exécutif bicéphale au sein duquel le Premier ministre doit théoriquement occuper une place prééminente mais il y a un réel décalage entre la pratique politique qui s’est développée depuis 1958 et l’application stricte des dispositions institutionnelles. En effet, le fait que le Président de la République soit élu au suffrage universel direct et qu’il soit (sauf en périodes de cohabitation) le véritable chef de la majorité parlementaire ont fortement influencé la répartition des pouvoirs effectifs entre le Premier ministre et lui. Même si la volonté des « pères » de la Ve République n’était pas de créer un régime présidentiel, leur volonté était bel et bien de rompre avec l’instabilité gouvernementale caractéristique du régime d’assemblées en renforçant notamment la fonction présidentielle. Alors, le Président de la République dispose-t-il de tous les pouvoirs ou ceux-ci sont-ils limités par des contre-pouvoirs ? Il conviendra ainsi de revenir sur la fonction présidentielle telle qu’elle est définie dans la constitution de la Ve République et voir dans quel sens cette lecture a pu évoluer au fil des révisions constitutionnelles (I). Puis, la pratique de la fonction de Président de la République venant conditionner les pouvoirs présidentiels tels qu’ils sont définis dans la constitution sera analysée (II).
I- Le rôle du Président de la République dans les institutions renforcé par la Ve République
La charge de Président de la République s’apparente à une fonction d’arbitre et de garant de la continuité de l’État. Progressivement, le texte constitutionnel va étendre les prérogatives du Président (A) parallèlement à un récent processus de responsabilisation politique de la fonction présidentielle (B).
A) La présidentialisation du pouvoir exécutif
La constitution de la Ve République octroie une très grande importance au Président de la République qui devient, selon l’expression de Michel Debré, la « clé de voûte » des institutions. Pour de Gaulle, le Président de la République doit être la source de l'exécutif, il veut un Président qui gouverne. Ainsi, le chef de l’État bénéficie, outre les prérogatives traditionnelles attribuées à son poste, d’une série de pouvoirs quasi-discrétionnaires. Selon l’article 11 de la constitution, c’est au Président de la République qu’appartient la décision de soumettre une question au référendum (sur proposition du gouvernement) ; le chef de l’État jouit ainsi d’un pouvoir déterminant car le référendum est un moyen d’empiéter sur les prérogatives du pouvoir législatif en établissant un rapport direct avec le peuple. De plus, l’article 12 de la constitution offre au Président de la République un droit de dissolution de l’Assemblée nationale ; même si ce droit exclusif est soumis à certaines conditions et restrictions, le chef de l’État jouit d’une arme de pression décisive dans l’exercice du pouvoir dans la mesure où il reste le seul décideur, on réalise ainsi l’importance du rôle d’arbitre que la constitution de 1958 accorde au chef de l’État. Notons tout de même que la dissolution peut engager la responsabilité du Président de la République, il peut se rendre compte qu’il n’a pas l’appui du peuple et donc être contraint de nommer une personne à la tête du gouvernement qui défend l’axe politique de la nouvelle assemblée (cohabitation) ou de démissionner. En outre, l’article 16 de la constitution attribue au Président de la République le droit de s’arroger les pouvoirs exceptionnels « après consultation officielle du Premier ministre, des Présidents des Assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel » et en cas de circonstances particulières, précisément lorsqu’une « menace grave et immédiate » pèse sur « les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux » et lorsque le « fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu » ; la constitution garantit ainsi au chef de l’État des dispositions qui font de lui un personnage influent mais toujours dans le cadre d’un régime parlementaire dans lequel l’exécutif bénéficie de pouvoirs renforcés. Cependant, le référendum de 1962 qui établit l’élection du Président de la République au suffrage universel direct marque un tournant dans l’histoire des institutions françaises dans le sens où l’équilibre des pouvoirs envisagé par la constitution de 1958 connaît de profondes modifications. La Ve République originellement conçue comme un régime parlementaire se mue en un régime de type semi-présidentialiste. En effet, par ce mode de scrutin, le Président de la République bénéficie du soutien direct du peuple et acquiert une légitimité démocratique. Il devient le représentant élu des Français, ce qui consacre la prépondérance de sa position par rapport au Premier ministre et aux parlementaires. Puis, depuis la révision constitutionnelle de 2002, qui calque la durée du mandat présidentiel sur la durée de la législature des députés, l’élection législative a pour principale fonction de donner au Président de la République les moyens de gouverner en mettant en place une majorité qui lui est acquise. Dans ce contexte, le caractère parlementaire du régime s’est progressivement effacé au profit d’une lecture présidentielle, le Président de la République apparaissant comme le véritable chef de l’exécutif mais n’étant pas responsable devant le Parlement. Tant que la majorité présidentielle coïncide avec la majorité parlementaire, le Président de la République en tire une puissance accrue.
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