Pourquoi codifier le Droit ?
Dissertation : Pourquoi codifier le Droit ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Mathias Mathias • 7 Octobre 2019 • Dissertation • 2 884 Mots (12 Pages) • 1 138 Vues
Introduction
En concluant l’introduction de son fameux discours préliminaire au projet de Code Civil par l’affirmation « Les codes des peuples se font avec le temps ; mais à proprement parler, on ne les fait pas », Portalis rappelait certes que la codification juridique est le fruit d’un processus temporel déjà bien enclenché, mais il soulignait également que ce processus ne saurait être mise en œuvre sans une réflexion sur la méthode même de codification. Le code en lui-même ne saurait être vu comme source de Droit, au risque de confondre fin et moyen. Aussi donnait-il à voir par ses mots l’ambiguïté qui caractérise les liens entre la codification des lois d’un Etat et la stabilité législative de celui-ci.
S’il est aisé de souligner la définition positive de la codification, selon laquelle il s’agit d’un processus de rassemblement de normes juridiques en un ensemble donné, on ne saurait oublier d’en faire une définition plus précise. En effet, la codification du Droit peut-être de différentes natures et peut s’inscrire dans différentes réalités : les systèmes juridiques sont aussi nombreux que variés. Ici nous nous attacherons bien sûr au fonctionnement de la codification à la Française qui n’est que le fruit d’une longue Histoire sociale, juridique et politique. La codification elle-même d’ailleurs ne saurait être pensée exclusivement à travers le prisme juridique et politique, tant elle suppose un état social particulier permettant à chacun de s’approprier le Droit de son Etat. Le concept même porte en son sein différents sens : la codification comme simple compilation de textes préexistants, ou comme véritable exercice légistique permettant l’avènement d’un nouvel ensemble de règles normatives, par essence innovantes puisque nouvelles.
La codification est un voeu ancien de l’Humanité qu’on ne peut prétendre faire débuter en 1805. Le code d’Hammurabi est toujours étudié aujourd’hui, deux mille ans après la commande de la Stèle du roi Untash-Napirisha. C’est une longue Histoire de tentatives avortées, de coups législatifs consécutifs tout au long de l’Histoire, en passant par le code du roi Henri III, par les coutumiers, par le code Michau. Mais par égard pour le souci impérieux de ne pas dévier du sujet, nous prendrons aujourd’hui comme point de départ le début de l’ère actuelle de la codification, née avec la Révolution française et poursuivie jusqu’à nos jours.
En ce qu’elle découle des principes fondamentaux des penseurs des Lumières, la codi- fication – définie comme l’action de regrouper, consolider et structurer l’ensemble des lois traitant d’un même thème général – ne saurait à priori souffrir de critiques essentielles, tant son objectif paraît servir l’idée de justice commune, dirigeant l’effort législatif vers une plus grande clarté de la Loi. La publication du 75e code français le 1e Avril 2019, le code de la commande publique, peut certes laisser penser que la codification poursuit sa progression linéaire vers une meilleure prise en charge juridique d’un monde toujours plus complexe. Pour autant, les critiques acerbes d’une codification devenue pour ceux-ci folle ont toujours des arguments à faire valoir.
A cet égard, il n’est pas évident, 214 ans après la publication du premier Code Civil de Napoléon que le travail de la codification soit consensuel. Allons plus avant : les raisons de
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sa nécessité sont aujourd’hui discutées par certains.
Nous observerons donc ici que bien que l’essor de la codification soit un phénomène
nécessaire soumis à une certaine accélération historique (I), pour autant, les obstacles se dressant devant cette dynamique demandent aujourd’hui à être résolus (II).
1 Essor de la codification, du Droit intermédiaire au Droit contemporain
Il conviendra ici d’étudier la forme sous laquelle la codification a connu son avènement (1.1), puis son régime d’utilisation contemporain : la codification à droit constant (1.2).
1.1 Avènement de la codification après la révolution
Comme nous avons eu l’occasion de l’évoquer, le projet Humain de codification du Droit ne trouve pas ses sources fondamentales lors de la Révolution française. De fait, une multitude de rédactions avaient été auparavant tentées, en France par exemple avec le code Henri III en 1587 et le code Michau en 1629. Cependant, voir en la Révolution française, sinon un point de départ, un point de bascule s’avère souvent être un bon pari pour les questions juridiques françaises.
En effet, c’est lors de cette Révolution que les juristes à l’origine de notre code civil ont eu l’occasion de faire leurs armes. C’est en 1791 que l’Assemblée nationale constituante, après son entreprise de destruction de l’ancienne organisation juridique et administrative, décide de rédiger un code unique de lois. Cette rédaction, placée sous l’égide des trois instructions de Cambacérès (ce nouveau code unique devra régir tout à la fois la liberté de la personne, la libre utilisation des biens et l’emploi des personnes et des biens), s’avérera être l’ultime échec avant la lumière, "lumière" qui viendra sous le Consulat de Napoléon. Portalis, lui-même un des quatre rédacteurs de notre Code Civil, explique bien lui même une des raisons des échecs l’ayant précédé : « un bon code civil pouvait-il naître au milieu des crises politiques qui agitaient la France ? ». Faire œuvre de l’unification du Droit est chose très difficile en période de troubles internes. Cette période de trouble post-révolution, de 1789 à 1804 porte un nom dans l’Histoire du Droit : c’est le moment du Droit intermédiaire. C’est précisément dans le cadre de ce Droit intermédiaire que les dernières ébauches préparant la publication des premiers codes français sont élaborées.
La loi du 30 ventôse an XII dispose en son article premier que « seront réunies en un seul corps de lois, sous le titre de Code civil des Français, les lois qui suivent : ». S’en suit l’énumération des 36 lois votées entre le 14 ventôse an XI et le 24 ventôse an XII. En 1804 donc, le Code civil (qui deviendra par me décret du 3 septembre 1807 "Code Napoléon"). Le premier Code est donc publié, suivi en l’espace de 6 ans par le Code de procédure civile (1806), le Code de commerce (1807), le Code d’instruction criminelle (1808) et le Code pénal (1810). 5 codes sont donc rédigés pour répondre à l’ensemble des questions de Droit
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