Le régime des actes administratifs unilatéraux est-il trop favorable à l'administration ?
Dissertation : Le régime des actes administratifs unilatéraux est-il trop favorable à l'administration ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Clémence Amy • 9 Octobre 2020 • Dissertation • 3 066 Mots (13 Pages) • 1 325 Vues
Sujet : Le régime des actes administratifs unilatéraux est-il trop favorable à l'administration ?
En 1952, Paul Duez et Guy Debeyre énonçaient dans Traité de droit administratif que le droit administratif était classiquement représenté comme « un droit spécial et autonome qui a ses règles propres exorbitantes du droit civil ». Il a été également couramment affirmé par plusieurs auteurs que « ces règles juridiques spéciales, ces théories juridiques spéciales, les procédés du droit public, se ramènent à cette idée essentielle : l'intérêt particulier doit s'incliner devant l'intérêt général ». Devant ces affirmations, nul doute ne peut être émis quant à la place non négligeable de l'administration et de ces actes.
Dans ce domaine, l'administration dispose d'une arme principale pour faire valoir les intérêts généraux sur les intérêts privés et ce n'est autre que les actes administratifs unilatéraux. En effet, ces actes affectent l'ordonnancement juridique par le seul effet de la volonté de l'administration, indépendamment de tout consentement du bénéficiaire. Ils créent des obligations mais peuvent aussi faire naître des droits et c'est pour cela que ces actes font aujourd'hui l'objet d'une définition à l'article L200-1 du Code des Relations entre le public et l'administration. Il est prévu à cet article que les actes administratifs unilatéraux sont des actes décisoires ou non décisoires, les actes décisoires étant des décisions réglementaires, individuelles ou encore des décisions ni réglementaires ni individuelles. Nous nous intéresserons ici uniquement aux actes décisoires. Cependant, une autre distinction existe au sein même des actes administratifs unilatéraux. En effet, certains peuvent être créateurs de droit alors que d'autres non.
S'agissant désormais de leur régime, celui-ci recouvre l'ensemble de la procédure allant de leur création jusqu'à leur disparition. Hauriou, en comparant le droit privé au droit public, constatait que l'administration avait pour lui un double privilège. D'une part, elle disposait selon lui de la prérogative de réaliser elle-même ces droits par ses propres moyens sans avoir recours à l'autorisation préalable du juge et d'autre part, sa décision était exécutoire en ce sens que l'administration affirmait publiquement le droit tel qu'elle entendait l'exécuter. Cependant, ces deux privilèges sont aujourd'hui remis en cause et peuvent être contestés.
Dès lors, il est bon de se demander si le régime des actes administratifs unilatéraux est trop favorable à l'administration. Mais trop par rapport à quoi ? À qui ? De ces questions, il est bon de dégager la nécessité de savoir si le régime des actes administratifs unilatéraux profite à l'administration mais aussi de savoir si ce régime n’entache pas le respect des droits accordés aux administrés. En effet, même si ces actes administratifs unilatéraux se caractérisent par le fait de la seule volonté de l'administration, ils sont néanmoins adressés à des personnes non associées à leur mise en place. Il convient donc que leur régime n'aille pas à l'encontre du respect des droits des administrés.
Pour répondre à cela, nous procéderons par une analyse contrastant une réponse à l'affirmative et une réponse à la négative à cette question. En effet, nous verrons dans un premier temps que le régime des actes administratifs unilatéraux donne à l'administration les moyens nécessaires pour faire prévaloir l'intérêt général mais que ces moyens prévoient également le respect de garanties à l'égard des administrés (I). Dans un second temps, nous nuancerons encore plus nos propos en montrant que, même si les droits des administrés ont été renforcés, le processus afin de rééquilibrer le régime des actes administratifs unilatéraux n'est pas complètement achevé (II).
- Le régime des actes administratifs unilatéraux, un régime qui balance entre des moyens faisant prévaloir l'intérêt général et la mise en place de garanties pour les administrés
Quand on parle du régime des actes administratifs unilatéraux, il est clair que l'on peut constater que de nombreux moyens sont mis en place afin de faire prévaloir l'intérêt général (A) mais ces moyens sont quelque peu limités par la mise en place de garanties accordées aux administrés (B).
A) Les moyens adaptés pour faire prévaloir l'intérêt général
Les droits de l'administration expriment par essence la puissance publique, ce sont donc des droits exorbitants qui sont justifiés par l'intérêt général. Un des droits importants de l'administration et le privilège du préalable. Il permet à l'administration de prendre des décisions exécutoires ce qui signifie que l'administration n'a pas besoin de s'adresser préalablement à un juge pour que sa décision soit exécutée. L'obligation de respecter les actes administratifs unilatéraux apparaît dès leur entrée en vigueur, l'autorité de chose décidée n'étant pas subordonnée au consentement des personnes concernées ou à la saisine d'un juge. Cette règle est une des règles fondamentales du droit public et elle a été dégagée dans un arrêt du Conseil d'état, Huglo, 2 juillet 1989. Par application du privilège du préalable, c'est à l'administré de prendre l’initiative de saisir le juge s’il veut contester l'acte administratif unilatéral, c'est donc à lui que revient la charge de la preuve. Les particuliers eux ne disposent pas de ce privilège du préalable. En effet, si un particulier se prétend titulaire d'un droit à l'égard d'un autre particulier qui conteste ce droit, ce sera alors à celui qui se prétend titulaire de saisir le juge pour faire d'une part constater son droit et d’autre part obtenir un titre exécutoire lui permettant de provoquer l'intervention de la contrainte publique. Le privilège du préalable est donc un droit très important que possède l'administration.
Mais l'administration détient aussi d'autres moyens de faire prévaloir l'intérêt général et on trouve notamment le privilège de l'exécution d'office. C'est un privilège qui permet à l'administration de réaliser elle-même l'exécution de sa décision par la contrainte en mettant en mouvement la force publique contre le particulier qui ne respecterait pas la décision. On peut donc dire que c'est un exemple manifeste de prérogative de puissance publique. Dans ses conclusions sur l'arrêt du Tribunal des Conflits, 2 décembre 1902, Société Immobilière de Saint-Just, Romieu avait définit ce privilège comme un moyen empirique justifié légalement, à défaut d'autres procédés, par la nécessité d'assurer l'obéissance de la loi. Cependant, parce que c'est manifestement exorbitant, ce privilège de l'administration est très encadré et l'administration ne peut y recourir que dans trois cas. En premier lieu, elle peut y recourir sur autorisation de la loi comme par exemple pour la mise en fourrière des voitures ayant un stationnement gênant. En second lieu, elle peut y recourir en cas d'inexistence d'une autre voie permettant d'obtenir l'exécution d'office d'une décision donc si par exemple il y a une sanction pénale aménagée, le privilège d'exécution d'office ne pourra être utilisé. Enfin, en dernier lieu, elle peut y recourir en cas d'urgence, de péril grave et imminent. Néanmoins, même si l'on se trouve dans l'un de ces trois cas, il sera nécessaire que trois conditions soient remplies pour permettre le recours à l'exécution d'office. Il faut que l'opération administrative soit fondée sur une loi mais il faut également que l'administré s'oppose à l'action administrative et que l'exécution d'office se limite à ce qui est nécessaire. Si ces conditions ne sont pas respectées, l'emploi illégal de l'exécution forcée constituera une voie de fait et donnera donc compétence au juge judiciaire. L'administration ne doit donc pas aller au-delà du nécessaire, c'est en cela qu'on peut d'ores et déjà remarquer que les pouvoirs de l'administration sont encadrés afin de protéger les droits des administrés.
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