Le projet européen est-il en crise ?

CB1 : Le projet européen est-il en crise ?

« Européen : celui qui a la nostalgie de l'Europe », écrivait Milan Kundera dans l'Art du roman, publié en 1986. Pour cet écrivain, l'Europe est derrière nous, il évoque le mot nostalgie en lien avec le retour difficile vers leurs foyers des héros grecs, dont le plus célèbre est Ulysse, après la chute de Troie. De fait, le projet européen est souvent comparé à une odyssée, dans le sens d’un périple incertain, semé d’embûches, qui frôle régulièrement la catastrophe.

Le mot projet vient du latin et se décompose en deux racines : pro qui signifie «  en avant », et jacere, qui signifie «  jeter  ». Le mot masculin et d'origine latine a pour signification, l'image d'une situation, d'un état que l'on pense atteindre. Quant au mot européen, il se réfère à l'Union Européenne est l’association volontaire d’États européens, dans les domaines économiques et politiques, afin d’assurer le maintien de la paix en Europe et de favoriser le progrès économique et social. Le projet européen semble renvoyer à l'avenir commun des 27 États membres, et à l'avenir de L'Union Européenne en général.

Et in fine, le mot crise, en latin crisis, est événement qui se caractérise par un paroxysme des souffrances, des contradictions ou des incertitudes, c'est une rupture d'équilibre.

L'institution supranationale réunit près de 27 états membres, réunis autour de principe communs tel que le respect des droits et libertés fondamentaux et d'une vision idéologique commune. Cependant, elle rencontre de multiples difficultés en raison de la disparité des richesses des pays membres, de leur différence de politique commune et d’une diversité qui se traduit par un manque de concordance, de cohésion, de solidarité.

L'Union Européenne, crée initialement sous le nom de Communauté Européenne de Charbon et d'Acier, est née, suite aux conséquences meurtrières de la Seconde Guerre mondiale afin de consolider la paix. Le 9 mai 1950, le ministre des affaires étrangères Robert Schuman, inspirée par Jean Monnet, propose de mettre en commun le charbon et l'Acier, lors du fameux discours de l'Horloge.

Cet entité réunit au départ six membres ; La France, L'Allemagne, l'Italie, le Luxembourg, les Pays Bas et la Belgique. Ces pays ont choisis de mettre en commun leur production de charbon et d'acier substituant la solidarité d'intérêts à la rivalité et la rancœur, cinq ans après la Guerre. L'Union Européenne au fils des années, s'est élargie, transformée, améliorée pour devenir cette institution supranationale, promouvant ses valeurs telles que le respect des droits de l'homme et droits fondamentaux de chacun, la paix, et la cohésion économique.

Néanmoins cette entité, traverse une décennie de crise. En effet, elle est affectée par ce que Jean-Claude Juncker, ancien président de la Banque Central Européenne, de «  polycrise », elle souffre de plusieurs tensions qui mettent la cohésion des états membres en difficulté.

Ces différentes crises débutent par la crise grecque et ses conséquences sur la zone euro, le Brexit effectif au 31 janvier 2020, la crise des migrants, mais aussi les ingérences russes, les menaces profilées par la Turquie, la montée des populismes, et les indépendantismes régionaux.

        A l'heure où on parle, l'Union européenne peut-elle surmonter les multiples difficultés et les remises en cause dont elle fait aujourd'hui l'objet ?

Nos sociétés actuelles entretiennent un rapport paradoxale, avec l’Union européenne dont la légitimé est très souvent remise en cause (I), ce qui laisse imaginer un avenir incertain pour le projet européen commun (II).

1. La légitimité d’un projet européen remis en cause

Le traumatisme des guerres européennes a permit de créer un ambitieux projet européen axer autour de vecteurs tels que paix, la solidarité, et une coopération entre les Etats membres (A). Néanmoins, ce projet s’est heurté à bon nombre de difficultés, et a échoué sur bon nombre de points (B).

1. Un espace de coordination, de paix, de solidarité, de coopération : l’expression d’un idéal

 Cette association d’États a pour objectif de sauvegarder la paix et de rechercher l'unité politique ainsi d'assurer le progrès économique et social par la création d'un marché intérieur européen et le renforcement de la cohésion sociale.

Cette liberté de circulation se retrouve dans différents projets, que cela soit les accords de Schengen ou la mobilité étudiante avec le programme Erasmus. Ce dernier programme est d’ailleurs une des plus grandes réussites de l’Europe puisqu’il a permis à plusieurs centaines de milliers d’étudiants de partir hors de leurs frontières nationales pour voir d’autres manières de fonctionner et de s’ouvrir d’autant plus aux autres.

Au fur à mesure de son élargissement et de ses réussites économiques avec par exemple la création d'une monnaie unique européenne favorisant les échanges entre ses états membres, ainsi que ses réussites sur le plan politique et de pacification, l'affirmation d'un projet commun et européen est devenue plus ambitieux.

C'est dans le sens de la démarche de Robert Schuman qui vise une intégration progressive par l'économie et le droit. Schuman déclare ainsi lors de son discours le 9 mai 1950 : «  L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord des solidarités de fait ».

L’Union européenne est une institution sui generis, comme on n’en avait sans doute jamais vu dans l’Histoire. Elle ressemble au Saint-Empire romain germanique de jadis, c’est-à-dire un espace de droit commun.

Cette création d’un espace de paix suite aux guerres et les traumatismes que les peuples ont dû traversés est un succès sans égal. En effet, cela fait 72 ans de paix, cela n’était jamais arrivé en 2000 ans. Jamais aurait pu être imaginé, un espace de paix durable et commun, durant les décennies de guerres, comme l’illustre Michel Serres lors d’une interview au Monde « En regard de ce que j’ai vécu durant le premier tiers de ma vie au temps de Franco, Hitler, Staline puis Pol Pot, nous vivons des temps de paix. J’oserai même dire que l’Europe occidentale vit une époque paradisiaque. »

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