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Le harcèlement moral en droit du travail ivoirien

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Par   •  10 Juillet 2016  •  Dissertation  •  8 070 Mots (33 Pages)  •  3 104 Vues

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INTRODUCTION

Dans son Discours sur l’ensemble du positivisme, le philosophe Auguste COMTE définit le travail comme « la mise en jeu de toutes les richesses et de toutes les forces naturelles ou artificielles que possède l’Humanité dans le but de satisfaire tous ses besoins »[1]. Par cette idée, l’auteur entend sans doute mettre en exergue l’aspect utilitaire du travail, activité  physique ou intellectuelle exercée par l’homme pour obtenir un résultat quelconque. Ainsi, d’un point de vue professionnel, les hommes mettent à la disposition d’autres individus leur énergie physique et leur savoir-faire moyennant une certaine rémunération. Le rapport généré est formalisé juridiquement dans une convention, le contrat de travail.

Mais, le travail est par essence, asservissement et subordination (étymologie : tripalium, instrument de torture). On le perçoit même comme, une malédiction, un châtiment, une pénitence[2]. C’est pourquoi, les travailleurs ont toujours milité pour l’amélioration de leurs conditions de travail. D’ailleurs, l’histoire nous apprend que les grandes révolutions sociales (1789, Mai 68), ont été sous-tendues par des luttes ouvrières. Conscient de cette nécessité, l’Etat par le canal au droit social (droit du travail et droit de la sécurité sociale) s’efforce de règlementer les relations de travail et de protéger les travailleurs contre les risques multiformes qu’ils courent pendant l’accomplissement de leur labeur.

A cet égard, les Professeurs PELISSIER, SUPIOT et JEAMMAUD affirment que « la protection de la santé des travailleurs et l’amélioration du travail ont constitué (…) la pierre angulaire du droit du travail »[3]. Pourtant, l’effort législatif s’est pendant longtemps focalisé sur la santé physique du travailleur (accident de travail, maladie professionnelle, maladie, maternité, etc.). Cependant, « la période récente, marquée par une intensification de la charge de travail (…), le développement d’organisation du travail et d’une « gestion des ressources humaines » éprouvantes pour les personnes, a vu s’affirmer l’exigence de protection  de la santé mentale au travail »[4].  En effet, sous l’influence de la médecine et de la psychologie du travail, les sociétés contemporaines ont pris conscience d’un mal qui ronge les relations de travail et dont on ne commence à parler que depuis quelques années. Ce mal affecte dans leur santé, parfois de manière très durable et invalidante, un nombre importants d’employés et cadres de toute catégorie et de tout niveau hiérarchique. Il s’agit du harcèlement moral, sanctionné de nos jours par maintes législations contemporaines du travail. Mais à quoi renvoie réellement ce concept ?

C’est M. Heinz Leyman, Docteur en psychologie du travail et professeur à l’Université de Stockholm qui, après avoir publié son essai Mobbing en 1993 (traduit en français et publié au Seuil en 1996), révèle au monde la notion de harcèlement moral qu’il décrit sous le concept de « mobbing » :

« Par mobbing, nous entendons une situation communicative qui menace d’infliger à l’individu de graves dommages, psychiques et physiques. Le mobbing est un processus de destruction, il est constitué d’agissements hostiles qui, pris isolément, pourraient sembler anodins, mais dont la répétition constante a des effets pernicieux. (...)  Le concept de mobbing définit l’enchaînement sur une assez longue période, de propos et d’agissements hostiles, exprimés ou manifestés par une ou plusieurs personnes envers une tierce personne (la cible).»[5]

Dans le monde francophone, Marie-France Hirigoyen, psychiatre, psychanalyste, lui emboîte le pas en 1998 en y apportant dans son best-seller sa touche personnelle :

« Le harcèlement moral au travail se définit comme toute conduite abusive (gestes, paroles, comportement, attitude…) qui porte atteinte, par sa répétition ou sa systématisation, à la dignité ou à l’intégrité psychique ou physique d’une personne, mettant en péril l’emploi de celle-ci, dégradant le climat de travail »[6].

Ces études nous apprennent donc que le harcèlement moral est une combinaison d’agissements répétés qui ont des répercussions plus ou moins graves tant sur la santé du salarié (y compris même sa vie) que sur son emploi. Ces agissements peuvent émaner soit de l’employeur, de la hiérarchie en général (harcèlement vertical), soit d’un autre salarié (harcèlement horizontal).

En droit comparé, en France notamment, ces différents travaux vont exercer une influence considérable au point que le harcèlement moral va être pris en compte en 2002 par la loi de modernisation du travail[7] et va même être pénalisé[8]. L’inquiétude que suscite ce phénomène prend une dimension internationale lorsque des Institutions internationales comme l’OMS s’y intéresse et l’y consacre des études pour le comprendre et proposer des solutions[9].

        Considéré actuellement par les observateurs internationaux comme l’un des pays les plus réformateurs d’Afrique, la Côte d’Ivoire ne pouvait rester en marge de cette prise de conscience collective. Aussi, a-t-elle prévu le harcèlement moral dans la loi n° 2015-532 du 20 juillet 2015 instituant le nouveau Code du travail ivoirien. Cette consécration suscite d’emblée une interrogation sur le contenu de la notion harcèlement moral en droit ivoirien. Prétendre y répondre revient inexorablement à satisfaire à deux préoccupations subséquentes, à savoir : Comment se manifeste concrètement le harcèlement moral en droit du travail ivoirien ? Quels sont les moyens juridiques prévus par le législateur pour lutter contre un tel phénomène ?

En effet, compte-tenu de la subtilité des agissements des harceleurs[10], il convient de définir en quoi consiste précisément l’illicéité de tels agissements. D’où l’intérêt de la présente étude qui se situe dans un souci de prévention générale et de sécurité juridique, d’autant plus que le concept est nouveau en droit ivoirien. La présente étude offre également un prétexte de confronter la position du droit ivoirien à celle du droit comparé. Aussi, la réflexion va-t-elle porter tant sur la constitution du harcèlement moral (I) que sur la protection contre ce phénomène (II).

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