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La hiérarchie des normes

Commentaire de texte : La hiérarchie des normes. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  26 Février 2017  •  Commentaire de texte  •  2 494 Mots (10 Pages)  •  1 436 Vues

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    "Un des caractères essentiels de la Constitution de la Ve république, c'est qu'elle donne une tête à l'État", soutenait Charles De Gaulle dans une conférence de presse.

    Ce texte de F. Chaltiel, extrait du Droit constitutionnel enrichi par le droit européen, traite de la suprématie de la Constitution de la Ve République. Cette idée de suprématie est suggérée dans le principe même du contrôle de constitutionnalité, contrôle juridictionnel visant à assurer le respect de la Constitution, qui est donc au sommet de la hiérarchie des normes. Il concerne d'une part le droit interne, c'est-à-dire les lois et règlements, qui ne sont légitimes que s'ils respectent les principes constitutionnels, et d'autre part le droit externe, en l'objet des traités qui sont des conventions écrites et signées solennellement entre États. Chaltiel évoque également le droit européen, ou "droit communautaire", qui comprend les règles de droit international sur lesquelles est fondée l'Union européenne, ainsi que les directives édictées par cette dernière.

    Robespierre et Saint-Just ont reconnu une nécessité d’adopter des normes de valeur supérieure, et estimaient donc inconcevable qu'il n'y ait pas de hiérarchie entre les différents modules juridiques. Hans Kelsen partageait probablement leur avis, puisqu'il est le créateur de la pyramide éponyme. Cette dernière place la Constitution au sommet, au-dessus des traités internationaux, eux-mêmes au-dessus des lois. Cela illustre non seulement une volonté d'organisation du système juridique, mais aussi une certaine sacralisation de la Constitution, qui apparaît donc comme souveraine. Cette subordination des lois au bloc constitutionnel met fin au légicentrisme, phénomène apparu dès l'Ancien régime. Il a d'abord été exprimé par la volonté de souveraineté du monarque, en 1454 avec l'ordonnance de Montils-les-Tours, visant à transcrire les coutumes du royaume afin de la cristalliser. Cette transcription est à son apogée à la Renaissance, et l'on remarque que c'est au monarque de promulguer la coutume nouvellement écrite. Il s'agit en réalité d'une transformation de la coutume en véritables lois émanant du roi, lequel peut les modifier à sa guise voire les abroger. C'est une véritable allégorie de la monarchie, et un étouffement de la justice au sens strict, et il est surprenant d'apprendre que ce légicentrisme a été transféré aux révolutionnaires. En réalité ces derniers ont également mis la loi en position centrale, mais la différence est qu'ils l'ont fait pour la souveraineté de la nation, par le billet de l'auto-proclamation de l'assemblée du tiers état en Assemblée Nationale le 17 juin 1789. Cet événement consacre l'abrogation du pouvoir monarchique et la naissance du pouvoir de la nation française. La norme suprême étant donc à l'époque la loi, il était logique qu'elle émane désormais de la nation, en accord avec la volonté révolutionnaire d'un peuple souverain. L'Assemblée Nationale a été voulue comme une incarnation, un porte-parole de la nation. Les pouvoirs sont partagés entre un Parlement élu qui légifère, des juges qui appliquent la loi, et un exécutif qui exécute cette même loi décidément placée au centre des priorités. Les majorités parlementaires subordonnent le droit, et le légicentrisme prendra fin lors de l'après Seconde Guerre mondiale, qui a fait apparaître nécessaire de protéger l'organisation démocratique et les droits fondamentaux de l'Homme de ces changements de majorité en plaçant la Constitution au-dessus des lois et de veiller à son respect.

    L'échec du légicentrisme au profit du placement de la Constitution au sommet de la hiérarchie des normes, illustré par la pyramide de Kelsen, semble aujourd'hui indéniable. Mais si la Constitution a réussi à subordonner la loi, il est possible de se demander si elle en a fait de même avec toutes les autres normes. La constitution de 1958 est-elle réellement la norme suprême de la Ve République ?

    Il convient de répondre à cette interrogation en étudiant d'abord la suprématie de la Constitution (I) avant de s'intéresser à ses limites (II)

  1. La suprématie de la constitution

La Constitution est présentée comme la norme suprême, au-dessus des lois autrefois sacralisées. Afin de comprendre ce principe de suprématie de la Constitution, il convient d’en étudier les origines et les textes le consacrant (A), avant de voir comment la Ve République veille à son application (B).

  1. Le principe d’une Constitution comme norme suprême

   La suprématie de la Constitution est avant tout un principe qui émane de la doctrine constitutionnaliste. Ce courant de pensée naît en Europe à la toute fin du 17e, et s'épanouit surtout au 18e. Il se base sur la conviction qu'une constitution écrite est le meilleur moyen d'organiser un État de manière cohérente, mais n’est pas dénué d'intentions subjectives, car il a d’abord pour but de limiter l'arbitraire royal, à une époque où la monarchie absolue est à son apogée. Les constitutionnalistes ont donc décidé de figer les règles, et ce dans un document écrit appelé Constitution, opinion partagée par Montesquieu dans De l’Esprit et des Lois.

   La Constitution apparaît donc indéniablement comme sacralisée, indispensable à une société. Il n’est donc pas étonnant de la retrouver au sommet de la hiérarchie des normes, qui concerne à la fois le droit public et le droit privé. Elle est l’expression d’une volonté de cohérence, de classement, en conférant à des normes juridiques une supériorité qui subordonne celles qui se trouvent en-dessous.

   Kelsen a initié et illustré cet empilement avec sa pyramide éponyme. Pour lui, la Constitution serait non seulement au sommet, c’est-à-dire la première norme à chercher à respecter, mais elle serait aussi « la source des sources », la norme mère, et donc l’origine des pouvoirs.

   Dans le même ordre d’idées, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 dispose en son article 16 que « toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». La DDHC est d’ailleurs visée par le préambule de la Constitution de 1958, et le Conseil Constitutionnel lui a reconnu valeur constitutionnelle en 1971. Elle est ainsi placée au même rang que la Constitution elle-même.

Textes et doctrine constitutionnaliste consacrent le principe de la supériorité de la Constitution au sein des normes juridiques françaises. Bien entendu, cette supériorité n’est pas seulement formelle, et des dispositions ont été prises pour veiller au respect de ce principe. Ces mécanismes viseraient à garantir une souveraineté de la Constitution.

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