L'instruction, Commentaire d'arrêt, CE, sect. 5 décembre 2014, Lassus
Commentaire d'arrêt : L'instruction, Commentaire d'arrêt, CE, sect. 5 décembre 2014, Lassus. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Varda Elbereth • 25 Avril 2017 • Commentaire d'arrêt • 2 121 Mots (9 Pages) • 1 377 Vues
TD CONTENTIEUX ADMINISTRATIF
SEANCE 7. L'INSTRUCTION
Commentaire d'arrêt : CE, sect. 5 décembre 2014, Lassus.
«Toute procédure d'instruction ne doit être construite qu'en vue de permettre au juge de statuer en aussi bonne connaissance de cause possible.» (R. Chapus, Droit du contentieux administratif ) C'est pour cela que le juge administratif, sous certaines conditions, est dans l'obligation de rouvrir l'instruction.
Dans la présente affaire, M. B a reçu en 1997 une somme de 900 000 dollars américains par une société suisse. A la même année, l'Administration fiscale a procédé à une vérification de comptabilité et en a déduit que cette somme devait être considérée comme un complément de rémunération. De fait, cette requalification a donné lieu à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée et d'une cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu. M. B (le requérant) a formé une réclamation auprès de l'Administration fiscale, et que cette dernière l'a rejetée. Le requérant a donc engagé une action fiscale devant le Tribunal Administratif de Paris afin de contester l'imposition de cette somme. Le jugement est rendu le 5 juin 2008 et le Tribunal Administratif de Paris rejette sa demande. M. B interjette appel et la Cour Administrative d'appel de Paris va également rejeter sa demande le 28 avril 2010. Les deux Cours vont donc confirmer que cette somme doit être regardée comme étant un revenu professionnel et de fait, l'Administration fiscale devait procéder à son imposition. Néanmoins, le contribuable était également poursuivi au pénal devant la Cour d'appel de Versailles pour le délit de fraude fiscale. Par un arrêt du 9 septembre 2009, le requérant est relaxé aux motifs que rien ne prouvait que cette somme revêtait un caractère de revenu professionnel, et d'autre part, qu'il avait de manière délibérée manqué à son obligation de déclaration.
Durant l'audience, le contribuable avait pris soin de produire l'arrêt de septembre 2009 devant le juge d'appel Administratif. Cependant, la Cour administrative d'appel de Paris n'en a pas tenu rigueur puisque l'instruction était close. En date du 28 juin 2010, le requérant se pourvoit en cassation et demande l'annulation de l'arrêt du 28 avril 2010 de la Cour Administrative d'appel de Paris.
Dans quels cas la survenance d'un élément nouveau, postérieur à la clôture de l'instruction, oblige le juge Administratif à rouvrir l'instruction ?
Le Conseil d’État estime que l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Versailles constitue un élément nouveau dont le requérant ne pouvait se prévaloir avant la clôture de l'instruction écrite devant la Cour Administrative d'appel de Paris. Le juge de cassation rappel que, même si l'arrêt ne revêt pas l'autorité de la chose jugée à l'égard du juge de l'impôt, il ne peut pas pour autant être ignoré au vu des circonstances en l'espèce. Le Conseil d’État rappel également que cette circonstance nouvelle était susceptible d'avoir une influence sur le jugement et que, de fait, le juge administratif d'appel était dans l'obligation de rouvrir l'instruction. Enfin, le juge déclare que dans l'intérêt d'une bonne justice, lorsque le juge décide de tenir compte de nouveaux éléments, ces derniers doivent respecter le principe du contradictoire.
Il s'agira de comprendre le rôle du juge quant à la possibilité de rouvrir une instruction (I) et d'apprécier la nécessité de rouvrir l'instruction en l'espèce (II).
I/ Le juge administratif en principe maître de la conduite de l'instruction.
Dans le cadre du pouvoir inquisitorial du juge administratif, il est le seul à pouvoir diriger l'instruction (A) c'est ainsi que le juge administratif d'appel a décidé au regard de son pouvoir de discrétion, de ne pas retenir ce mémoire. (B)
A° La procédure d'instruction soumise à l'autorité du juge Administratif.
« Considérant que, devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci ; »
Durant la conduite d'une procédure administrative contentieuse le juge dirige seul l'instruction (CE, 4 juillet 1962, Paisnet). De fait, il peut solliciter toute production utile (CE, 2009, Perreux) et mettre un terme aux débats. Ce dernier peut être fixé volontairement et résulter de mesures explicites, qui se traduisent par des ordonnances prononçant la clôture de l'instruction (Art. R. 613-1 Code de la justice Administrative). Néanmoins, la fin de l'instruction peut se faire de manière implicite avec la fin d'une audience publique.
Ce qui est essentiel dans le rôle du juge c'est de devoir faire une mise en balance entre la recherche de la vérité et le respect du principe du contradictoire (CE Sect., 12 mai 1961, La Huta).
En l'espèce, le juge de cassation a recherché si l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles était utile et s'il avait un impact dans la décision à prendre. Cependant, de manière originelle les mémoires et les productions tardives n'étaient pas examinés ou consultés par la juridiction en charge du litige (CE, 19 juin 1981, Société Dumez Travaux publics). Cependant, comment assurer l'obligation de « bien juger » lorsque parfois, les éléments essentiels à une décision ne viennent qu'après la clôture de l'instruction ? L'enjeu du litige présent est de savoir si la somme que M. B a perçu est d'ordre professionnel et dans ce cas, il serait coupable de fraude pour ne pas avoir déclaré le montant à l'administration fiscale ou bien, est ce que cette somme est simplement le fruit d'une libéralité consentie entre les deux protagonistes. Ainsi, lorsque le juge n'a pas nécessairement les moyens de faits ou de droits pour justifier son intime conviction, il a le devoir d'enclencher les mesures d'instructions nécessaires. Dans cette affaire, le juge administratif d'appel n'a pas jugé bon de retenir ce nouvel élément car il a estimé que la somme de 900 000 dollars américains correspondait à un revenu professionnel. Ainsi, le juge administratif d'appel a choisi de ne pas faire droit à sa faculté de rouvrir l'instruction, puisque selon le considérant précité, ce droit de « faculté » sous entend une possibilité et non une obligation pour le juge.
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