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L'instabilité gouvernementale sous la IIIe République.

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Par   •  4 Décembre 2016  •  Dissertation  •  1 772 Mots (8 Pages)  •  7 365 Vues

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                                                               Moustafa Bakry

L’instabilité gouvernemental sous la III République

INTRODUCTION

La Troisième République en France possède la double distinction d’avoir été, jusqu’à maintenant, le plus long régime de l’après 1789, mais également l’un des plus instables. Contrastant avec la stabilité remarquable du texte constitutionnel — trois modifications seulement en soixante-cinq années —, la pratique fait apparaître une succession frénétique de ministères, lors même que toutes les mandatures législatives sont allées à leur terme, sauf celle de 1876.

        

Ce sont ainsi près de cent cinq gouvernements différents qui se sont succédés entre 1875 et 1940, soit une moyenne de sept mois et demi par gouvernement… Le plus long de tous, le ministère Waldeck-Rousseau, a duré trois années seulement. Certaines législatures, comme la XIVe ou la XVe, ont vu se succéder onze gouvernements différents, dont certains ne durèrent que quelques jours. On constate donc sans peine que les ministères, sous la Troisième République, sont caractérisés par une véritable instabilité.

        

Cette instabilité est un problème politique majeur, qui ne fit que s’amplifier avec le temps. On est en présence, quand on regarde la pratique constitutionnelle, d’un régime qui tend de plus en plus au régime d’assemblée. Pourtant, la lecture des lois constitutionnelles de 1875 dément une telle vision : c’est en effet un régime parlementaire dualiste relativement équilibré qui voit le jour en février et en juillet 1875 : la responsabilité politique du gouvernement — pour la première fois mentionnée par une constitution française — devant le parlement est contrebalancée par la possibilité de dissoudre la chambre basse ; le mécanisme est donc de facture classique en régime parlementaire (il rappelle celui du Royaume-Uni, et celui de la monarchie de juillet ou de la Restauration de Louis XVIII). Il faut donc chercher à comprendre comment un régime parlementaire orléaniste a pu être le théâtre d’une si grande instabilité des ministères.

Nous verrons donc d’abord les modalités de cette instabilité ministérielle (I) puis ensuite les causes identifiables de l’instabilité (II).

  1. Un régime perpétuel de changement de ministères
  1. La faiblesse des coalitions gouvernementales

Contrairement à la Cinquième République française, la Troisième connaît une grande fragmentation des forces politiques, qui empêche un seul parti de réunir sur son vote une majorité suffisante à la chambre basse.

Les ministères, pour gouverner, doivent donc s’appuyer sur des coalitions dites « de concentration », essentiellement articulées autour du centre. Les petits partis des coalitions disposent souvent d’un pouvoir immense : leur retrait de la coalition peut suffire à mettre un gouvernement en minorité.

Les majorités ne se renversent pas réellement, on parle davantage de « glissement ». Les partis du centre ont des programmes relativement équivalents, ce qui permet donc ces glissements : il existe des « majorités de rechange ».

Le mode de scrutin explique sans doute également cette faiblesse des coalitions : pendant la majeure partie de son existence, la Troisième République connaît un scrutin uninominal majoritaire à deux tours par arrondissement, qui favorise les compromis au détriment des partis idéologiquement rigides.

Les compromis réalisés sur le terrain électoral ne sont malheureusement pas maintenus dans l’hémicycle, car les partis ne sont pas suffisamment organisés et ne connaissent pas une discipline suffisante pour perpétuer les alliances.

Enfin, la faiblesse des coalitions de gouvernement, et leur volatilité, s’explique aussi par la disparition de la dissolution, qui aurait représenté une menace suffisante pour maintenir l’unité d’une majorité. Nous y reviendrons (II, A).

  1. Un parlement qui contrôle sans cesse le gouvernement

Concrètement, l’instabilité ministérielle provient du contrôle permanent du gouvernement par le parlement.

En effet, l’article 6 de la loi du 25 février 1875 dispose que « Les ministres sont solidairement responsables devant les chambres de la politique générale du gouvernement, et individuellement de leurs actes personnels. »

Le silence du texte constitutionnel sur les modalités du contrôle laisse la place, d’une part, au retour de la pratique orléaniste, seul pratique parlementaire que la France a connu, et, d’autre part, à tous les abus du pouvoir législatif qui ne connaît aucune limite au contrôle du gouvernement.

Les moyens du contrôle sont de deux types essentiellement : l’interpellation et la question de confiance.

L’interpellation, qui provient de la monarchie de juillet, est une demande d’explication d’un député ou d’un sénateur sur un sujet précis, adressée à un ministre. Elle se clôt par le vote d’une résolution par laquelle la chambre exprime sa défiance ou sa confiance vis-à-vis du ministère, ce qui, dans les faits, conduit à exercer une véritable censure. Un seul homme peut donc faire chuter un gouvernement tout entier.

La question de confiance vient elle, d’un ministre ou du gouvernement. Là encore, le silence des lois permet à n’importe quel ministre de poser la question de confiance, sans délibération préalable du cabinet. La confiance est sans cesse en jeu, les gouvernements s’en servent comme d’un moyen de pression pour que la majorité les suive.

La puissance du parlement est telle que des gouvernements ont démissionné après le vote d’une résolution de défiance sur des sujets mineurs, ou à une majorité relative, voire même ont démissionné avant un vote défavorable.

Si la faiblesse des majorités de gouvernements est le terreau de l’instabilité ministérielle, et le contrôle permanent du parlement la cause immédiate de l’instabilité, des causes plus profondes sont décelables. La principale est l’héritage révolutionnaire que les républicains reprennent progressivement, avec la conquête des différents organes du pouvoir : Chambre des députés, Sénat puis présidence de la République. À partir de là, le droit, tel que la constitution de 1875 le définit, est délaissé, et c’est la politique qui réglera les rapports entre les pouvoirs.

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