Dissertation sur l'étendue de la protection du droit à l'image
Cours : Dissertation sur l'étendue de la protection du droit à l'image. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar justine10150 • 29 Mars 2017 • Cours • 3 016 Mots (13 Pages) • 1 139 Vues
L’étendue de la protection du droit à l’image
Dès 1855, le président du tribunal civil de la Seine statuant en référé avait jugé dans l’affaire du tableau de sœur Rosalie « qu’un artiste n’a pas le droit d’exposer un portrait, même au Salon des Beaux-Arts, sans le consentement et surtout contre la volonté de la personne représentée ou du propriétaire du portrait ». Trois ans plus tard, en 1858 le tribunal de la Seine ordonnait la saisie de dessins représentant l’actrice Rachel sur son lit de mort. En 1860, le tribunal de la Seine jugeait également que : « si en principe une actrice a le droit de s’opposer à la publication de son portrait photographique ou autre, elle est non recevable à demander des dommages-intérêts à raison d’une publication de ce genre, s’il résulte des circonstances qu’elle y a consenti, ou tout du moins que le photographe a été de bonne foi ». Mais, si le concept de droit à l’image a vue le jour à propos de litiges portant sur des dessins et/ou des peintres, c’est en réalité avec le développement de la photographie après 1860, que ce droit a véritablement pris son essort. Dès le début du XIXe siècle, il était clairement admis par les tribunaux que « toute personne a un droit de propriété sur son image ». Le principe étant réaffirmé de la même manière jusque dans les années 1960. Mais, si la jurisprudence française reconnaît le concept de droit à l’image depuis plus d’un siècle maintenant, la violation de ce droit a toujours été sanctionné par l’application des dispositions de l’article 1382 du Code Civil, « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à la réparer », donc par des règles relatives à la responsabilité civile. En effet, jusqu’à ce jour, « le droit à l’image s’est organisé sans textes précis ». Il n’existe pas véritablement en France de loi en matière de droit à l’image. La loi du 17 juillet 1970 « tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens » ne sanctionne que le fait de photographier quelqu’un en portant atteinte à sa vie privée. Quant à la doctrine, elle est relativement partagée sur les fondements et la nature du droit à l’image. En effet plusieurs fondements ont été proposés pour justifier la protection du droit à l’image : la propriété, le respect de la vie privée et la protection de la personnalité. Mais, dans l’analyse devenue aujourd’hui classique, il est préférable de fonder directement le droit à l’image sur les seuls droits de la personnalité. L’abondante jurisprudence qui existe en matière de droit à l’image se fonde autant sur la protection du droit à la vie privée que sur le droit de la personnalité. En résumé on constate que de nombreuses décisions de justice, comme la doctrine moderne, soulignent la double nature du droit à l’image ; comportant : un droit patrimonial qui n’est pas qu’une variante de la propriété artistique et, un droit extrapatrimonial qui se confond toujours avec le droit à la protection soit de la tranquillité de la vie privée, soit de la dignité humaine. Il ne fait donc pas plus guère de doutes que le droit à l’image semble désormais se calquer sur le régime du droit d’auteur avec son droit moral et un embryon de droit patrimonial. Mais compte tenu de la nature ambigüe du droit à l’image, notamment au regard de sa relation subtile avec le droit à la vie privée, la jurisprudence traduit souvent une certaine incohérence en la matière. Dans quelle mesure l’atteinte à la protection du droit à l’image peut-elle être envisagée ? En premier lieu il conviendra d’étudier la protection renforcée de la vie privée et du droit à l’image (I), en second lieu il conviendra d’étudier les aspects procéduraux du droit à l’image et à la vie privée (II).
I – La protection renforcée de la vie privée et du droit à l’image
A – Le principe
L’article 226-1 du Nouveau Code pénal sanctionne d’une manière spécifique : « le fait de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui (…) en fixant, enregistrant… sans le consentement de celle-ci l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé ».
Ce texte mérite d’être cité car il souligne que le législateur lui-même a reconnu qu’on pouvait porter atteinte à la vie privée d’une personne, ou même à l’intimité de sa vie privée, en photographiant celle-ci sans son consentement dans un lieu privé. Le principe dégagé au plan pénal est directement transposable au plan civil car il ne faut pas oublier que l’article 9 du Code civil « Chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s’il y a urgence être ordonnées en référé », et l’article 226-1 du nouveau Code pénal trouvent leur origine dans une même loi, la loi du 17 juillet 1970. Le délit civil et le délit pénal sont en réalité identiques. En d’autres termes, en fixant l’image d’une personne dans un lieu privé sans son autorisation, porte par principe atteinte à sa vie privée.
Cette notion de lieu privé qui figure explicitement à l’article 226-1 est très importante car on peut en déduire à contrario que la fixation de l’image d’une personne dans un lieu public ne peut, en principe, porter atteinte à sa vie privée. De nombreuses décisions insistent d’ailleurs sur ce point. Ainsi, la cour de Nouméa n’a pas fait droit à une demande d’une femme photographiée seins nus sur la plage car « les circonstances dans lesquelles les photographies litigeuses ont été prises établissent à l’évidence qu’elles ne se rapporteraient pas à un moment de la vie privée ». Dans le même sens le tribunal de grande instance de Nanterre à jugé à propos d’un numéro spécial du magazine But consacré au footballeur Eric Cantona : « qu’aucune des photographies figurant dans cette revue n’a été prise dans un lieu privé ou dans des circonstances de cet ordre. Il s’ensuit que ces illustrations photographiées n’ont pu porter atteinte à sa vie privée au sens de l’article 9 du Code civil ».
Il convient d’insister sur le fait que toutes les décisions mentionnées ci-dessus ont été rendues dans les affaires où les demandeurs invoquaient l’atteinte à leur vie privée par l’atteinte à leur droit à l’image. Dans certaines de ces décisions ces mêmes demandeurs, comme, par exemple, Eric Cantona dans le jugement précité du tribunal de grande instance de Nanterre, ont par ailleurs obtenu gain de cause sur la base de l’atteinte au droit de leur personnalité. En réalité une photographie peut porter atteinte à la vie privée ou à l’intimité d’une personne de deux manières différentes : soit au moment de la prise de vue, parce que celle-ci viole soit la sphère intime (cas des personnes photographiées à leur insu dans des lieux privés), ou la tranquillité de la personne photographiée (cas de la personne photographiée par de paparazzi intempestifs dans un lieu accessible au public). Soit au moment de sa publication dès lors qu’elle révèle au public des éléments intimes de la personnalité (cas par exemple des photos de nus prises licitement par des fiancés ou des conjoints et divulguées par la suite sans l’autorisation expresse de la personne représentée ou cas de personnes participant à des défilés de nature politique), ou de la vie privée.
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