Commentaire d’un extrait de l’audition de la Secrétaire d’Etat Chargée du numérique concernant l’expérimentation autour du projet de loi de la République Numérique
Commentaire de texte : Commentaire d’un extrait de l’audition de la Secrétaire d’Etat Chargée du numérique concernant l’expérimentation autour du projet de loi de la République Numérique. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Pauline Goulhot • 14 Mars 2017 • Commentaire de texte • 1 479 Mots (6 Pages) • 1 000 Vues
TD de droit constitutionnel
Séance 6 : l’élaboration de la loi sous la Ve République
Commentaire d’un extrait de l’audition de la Secrétaire d’Etat Chargée du numérique concernant l’expérimentation autour du projet de loi de la République Numérique
Le sociologue et politologue français Raymond Aron qualifiait la situation politique française « d’immuable et de changeante ». Ces propos sont toujours opportuns aux vues de l’adaptation de la procédure législative à la révolution technologique qui caractérise ce début de siècle. En effet, le document sur lequel porte notre étude soulève la question de l’implication des citoyens à l’élaboration de la loi via internet. Il s’agit d’un compte rendu d’une expérimentation faite concernant le projet de loi de République Numérique. Plus précisément, il s’agit ici d’une audition de Mme Axelle Lemaire extraite d’un document de travail élaboré par Dominique Raimbourg, député PS en 2016. Ce projet vise, comme nous l’explique le document 8, à rendre la France compétitive au niveau du numérique avec une politique d’ouverture des données et des connaissances et à adopter une approche progressiste du numérique s’appuyant sur les individus, pour renforcer leur pouvoir d’agir et leurs droits dans le monde numérique. La concertation lancée par le Premier ministre a recueilli 4000 contributions d’entreprises, d’administrations et de particuliers. Ces contributions ont ensuite été reçues, analysées et synthétisées par le Conseil National du Numérique. Suite à l’élaboration du projet de loi, une phase de relecture publique en 2015 sur une plateforme numérique a été ouverte à tous. Jusque-là, la procédure législative s’est cristallisée sur un modèle traditionnel de renvois entre les deux chambres et une proposition du gouvernement ou par le parlement (doc 1). L’évolution majeure de ce processus est apparue suite à la révision constitutionnelle de 2008 qui a eu pour conséquence de rééquilibrer (plus en théorie que dans la pratique) le pouvoir parlementaire face au « monopole gouvernemental » (Hugues Portelli). Ce dernier est hérité de la rupture constitutionnelle entre la Ve république et les deux Républiques précédentes pour bannir le régime d’assemblée. La question du citoyen dans l’élaboration de la loi n’est apparue que très récemment. Dans les années 80 les citoyens ont demandé une publicité accrue des travaux parlementaire. Pour répondre aux nouvelles attentes de la population, un ambitieux projet a été mis en place et nos en étudierons les résultats.
Une telle expérimentation d’intention semble-t-il honorable a-t-elle vocation à se généraliser ?
Ce projet poursuit un objectif certain d’amélioration du lien entre le citoyen et sa législation (I), mais les obstacles aussi bien matériels qu’idéologiques risquent de compromettre sa mise en œuvre pratique (II).
- Les bénéfices attendus de la co-écriture citoyenne de la loi
Les initiateurs de ce projet ont eu deux intensions : la première étant de d’améliorer le contenu du texte en rénovant l’ancienne procédure législative (A) et la seconde est d’accroitre la légitimité des textes de loi (B).
- Un « changement de culture » tournée vers l’avenir
- Contexte de déceptions des citoyens face à l’action de F. Hollande quant à l’utilisation qui est faite d’internet en politique qui donne l’impression qu’Internet est un contre-pouvoir plutôt qu’un « espace de liberté et d’émancipation ».
- La tradition française où la loi est subordonnée à « la mise en œuvre d’une politique » selon Pierre Avril (doc 6) risque d’être remise en cause. « Dès lors que la commission joue un rôle accru dans l’écriture de la loi, il est dans l’ordre des choses que les citoyens, les observateurs et les médias puissent accéder aux échanges qui s’y déroulent de manière plus directe que par la seule lecture d’un document » (JJ. Urvoas Doc 3). On pourrait interpréter cette citation comme une façon pour les citoyens de choisir la politique dont ils veulent une fois puisque l’aspect technique de la norme est pris en charge par un groupe d’experts. Cet effet de collaboration massive concoure de toute évidence à une meilleure qualité du texte.
- La politique d’ouverture des données et à l’open data est dans l’ère du temps d’autant que la France s’apprête à présider Open Gouvernment Partnership visant à promouvoir un gouvernement ouvert, à savoir la transparence de l'action publique et son ouverture à de nouvelles formes de concertation et de collaboration avec la société civile.
- Une légitimité accrue du texte de loi ?
- Ce processus de démocratisation de l’élaboration répond à une demande très forte des citoyens. Il s’inscrit « dans un mouvement plus vaste de réforme du fonctionnement de nos institutions » pour reprendre les mots de JJ. Urvoas (développement des moyens audiovisuels, révision constitutionnelle de 2008)
- En effet, les français ont actuellement tendance à être suspicieux à l’égard des partis. En leur donnant la responsabilité de s’impliquer dans les discussions de textes, on leur donne une raison de s’intéresser à la politique. Le succès inattendu de ce processus montre l’intérêt que portent les citoyens.
- Cela pourrait être une alternative à la proposition de l’ancien Premier ministre Balladur de rendre public le travail en commission (doc 7) avec en plus l’avantage d’une moindre complexité technique.
- Une transparence totale en contraste avec le huis clos des commissions parlementaires (cf doc 5 : seulement deux commissions de l’assemblée ont ouvert leurs travaux en public). Même la corbeille qui d’ailleurs censure très peu (seulement 15 sur 8 500 contributions), est transparente et soumis à la gestion autonome des internautes.
- Plus de légitimité « en particulier des communautés d’internautes qui qui suivent ces sujets de près », certes mais cela pourrait accentuer le pouvoir des lobbies et il y a un avantage donné à ceux qui s’y connaissent en la matière. De plus cette participation à la vie citoyenne nécessite un certain savoir-faire technologique qui n’est pas donné à tout le monde.
- Perte de l’imputabilité des décisions publiques car on ne peut mettre en cause la responsabilité politique des citoyens.
- L’open data est une mesure controversée par une partie de la doctrine « la transparence absolue est un leurre, car les gouvernements choisissent toujours ce qu’ils communiquent, et ne partagent jamais les informations les plus importantes » (Evelyne Ruppert sociologue britannique, blog Big data et society)
Les objectifs ambitieux de ce type de projet se heurtent dans les faits à un certain nombre d’obstacle.
- Des contraintes matérielles et psychologiques éventuellement surmontables
Le rapport a postériori de cet expérimentation nous permet de constater que d’une part les moyens mis en œuvre étaient insuffisants (A) et que d’autre part, une large partie des députés n’ont pas cru à ce projet (B)
- Un processus à caractère expérimental : des prévisions de ressources insuffisantes
- Peu de référents pour un nombre de contributions étonnamment nombreuses. En effet, les 8 500 contributions sont plus longues et plus complexe à synthétiser que de simples discussions parlementaires ou dans le cadre encore plus restreint des commissions parlementaires.
- Laps de temps bien trop court : il est limité à 3 semaines pour la participation des citoyens là où la discussion dans les commissions est au minimum de deux semaines. Cela semble disproportionné au regard du nombre bien plus important d’acteurs.
- Un problème de lisibilité des interventions citoyennes : les internautes n’ont pas conscience que la modification d’articles (ici au nombre de 90) pourrait se substituer par des ajouts (seulement 5). On constate une tendance à vouloir tout corriger plutôt que de prendre l’initiative d’ajouter des propositions.
- Le manque de connaissance technique des internautes complique la procédure, ils « ne font pas la différence entre l’article 34 et l’article 37 »
- Une forte résistance venant de la classe politique
- « Il a presque fallu casser le bras à certains ministères pour leur faire jouer le jeu » Mme Axelle Lemaire témoigne d’un certain sentiment de supériorité de la part de l’administration qui ne prend pas au sérieux l’avis des citoyens lambda. « Or, pour expertiser une proposition d’article d’un internaute, un autre ministère qui devrait expertiser s’en moque totalement et n’avance pas. » Ainsi, il faudra faire appel à une certaine modestie des acteurs habitués à être à l’initiative des lois (ministres, exécutif…) au profit de l’acceptation du fait que « nous sommes plus intelligents en étant plus nombreux ».
- Décalage entre le raisonnement du citoyen et « les silos ministériels ». Le sujet est envisagé librement par les internautes, sans qu’ils cherchent à tout conformer à un domaine en particulier. Il parait difficile de faire perdre aux élaborateurs traditionnels de la loi de s’adapter à ce nouveau mode d’écriture collective. « Je ne suis pas certaine que nous ayons convaincu la réticence culturelle de Bercy ».
Pour finir, il semble faisable de mettre en place un tel système en adaptant des ressources à l’ampleur réelle de la participation citoyenne mais l’obstacle le plus difficilement surmontable parait être la réticence de l’administration au changement. Les objectifs que s’étaient fixés les initiateurs du projet semblent rester lettre morte.
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