Commentaire de l’arrêt : Cass. Civ. 3ème, 20 mai 2015
Commentaire d'arrêt : Commentaire de l’arrêt : Cass. Civ. 3ème, 20 mai 2015. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Louise Taillardat • 24 Novembre 2020 • Commentaire d'arrêt • 2 405 Mots (10 Pages) • 1 950 Vues
Commentaire de l’arrêt : Cass. Civ. 3ème, 20 mai 2015
Par acte sous seing privé du 1 er novembre 2004, un particulier avait vendu une parcelle de terre sous la condition suspensive de l’obtention d’un certificat d’urbanisme. Le bénéficiaire de la promesse de vente assigne les héritiers du vendeur afin d’obtenir la réitération de la vente le 21 mai 2010.
La cour d’appel de Bastia dans un arrêt du 27 novembre 2013 déboute le bénéficiaire de la promesse aux motifs que les parties avaient prévu un terme implicite à la condition suspensive de l’acte de vente. Ce terme ne pouvait raisonnablement pas être prévu par les parties plus de 6 ans après et donc le bénéficiaire ne pouvait pas renoncer à une condition dont le terme était survenu.
Le bénéficiaire forme un pouvoir en cassation fondé sur un moyen unique et deux motifs. Le bénéficiaire considère qu’une condition suspensive fixée sans terme n’est censée défaillir que lorsqu’il est certain que l’évènement n’arrivera pas. Alors en décidant que l’intention des parties était de fixer un terme implicite à la condition, la cour d’appel a violé les articles 1134 et 1176 du code civil.
Selon le bénéficiaire la cour d’appel en décidant qu’il ne pouvait pas renoncer valablement par voie de conclusion à une condition dont l’expiration du terme était intervenue sans relever la caducité du contrat dû à l’expiration du délai, la réalisation de la condition ou la réitération par un acte authentique à violer les articles 1168 et 1176 du code civil.
La question posée à la cour de cassation est de savoir si l’obligation contractée sous une condition suspensive dont aucun terme pour sa réalisation n’est fixé peut se voir conférer un caractère perpétuel, permettant au bénéficiaire de la condition de renoncer à n’importe quel moment ?
La cour de cassation dans un arrêt du 20 mai 2015 répond par la négative. Elle rejette le pourvoi et considère la promesse de vente caduque. Elle considère que la cour d’appel a déduit à bon droit la commune intention des parties de fixer un délai raisonnable pour la réalisation de la condition suspensive à laquelle le bénéficiaire ne pouvait plus renoncer, dans la mesure ou le certificat d’urbanisme n’a été demandé que plusieurs années après la promesse vente et postérieurement au début de l’instance, de plus le contrat ne prévoit ni indexation du prix ni coefficient de revalorisation.
A travers cette décision la cour de cassation reconnait l’existence d’un terme tacite raisonnable entre les parties (I) et de la défaillance d’une condition suspensive. (II)
- La reconnaissance d’un terme tacite raisonnable
La cour de cassation refuse l’engagement perpétuel de la condition suspensive (A) et recherche la commune intention des parties pour reconnaitre un terme tacite raisonnable de la condition. (B)
- Le refus d’un engagement perpétuel
« La stipulation d’une condition suspensive sans terme fixe ne peut pour autant conférer à l’obligation un caractère perpétuel ». Lors de la conclusion d’un compromis de vente avec une condition suspensive, on décide de faire dépendre la réalisation du contrat sur un évènement futur et incertain.
C’est cette condition qui retarde la formation de la vente, l’exécution du contrat est suspendue jusqu’à ce que la condition prévue se réalise. Si elle se réalise, le contrat produit ses effets et la vente a lieu, on applique le principe de rétroactivité, la vente est supposée avoir eu lieu dès la conclusion du contrat. La condition pour être valable ne doit pas dépendre de l’une des parties uniquement, elle ne doit pas être potestative.
Lorsque aucun délai n’est assorti à cette condition, on peut se demander s’il existe un délai maximum pour la réalisation de la condition ou si cette condition n’est pas limitée en temps. La cour de cassation dans cet arrêt refuse que la condition confère à l’obligation un caractère perpétuel. En effet les juges considèrent qu’en l’absence de terme prévu dans le contrat et passer un certain délai, si la condition ne s’est pas réalisée elle sera jugée défaillante même si ce n’est pas certain que la condition ne se réalisera pas.
La cour de cassation fait une application subjective de l’article 1176 ancien du code civil qui prévoit « Lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé.
S'il n'y a point de temps fixe, la condition peut toujours être accomplie et elle n'est censée défaillie que lorsqu'il est devenu certain que l'événement n'arrivera pas. ». En effet ici la cour considère que la condition n’est pas défaillie tant que sa réalisation demeure possible dans un délai raisonnable et sans que cela constitue néanmoins un engagement perpétuel. La cour interprète donc cet article et lui rajoute un élément qui rentre en conflit avec la jurisprudence antérieure de 1991.
La première chambre civile de la cour de cassation dans un arrêt du 4 juin 1991 considère elle que lorsqu’une obligation est contractée sous les conditions qu’un évènement arrivera, sans qu’il soit de temps fixé, cette condition, qui ne confère pas à l’obligation un caractère perpétuel peut toujours être accomplie et elle n’est censée défaillie que lorsqu’il est certain que l’évènement n’arrivera pas.
La cour de cassation ici en invoquant la présence d’un délai raisonnable en absence de terme fixé par le contrat rompt avec la jurisprudence antérieure.
- La recherche d’une commune intention des parties
Les juges sont unanimes pour dire qu’au regard de l’article 1176 du code civil « S'il n'y a point de temps fixe, la condition peut toujours être accomplie ». La condition qui n’est pas limitée dans le temps ne caractérise pas un engagement perpétuel.
Cependant, face au caractère incertain de la durée de ce délai, la position des juges se sépare en deux.
Certains juges préfèrent l’application stricte de l’article 1176 qui prévoit que la condition n’est défaillie que s’il est certain que la condition ne se réalisera pas, que l’évènement n’arrivera pas. C’est le cas dans l’arrêt précédemment cité du 4 juin 1991 ainsi que dans l’arrêt de la 3ème chambre civile de la cour de cassation du 19 décembre 2001. Les juges ne recherchent pas la volonté des parties et considère que le contrat reste valable tant que la condition peut se réaliser.
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